Hollande et Merkel devant le Parlement européen : les 5 phrases qui trahissent les diagnostics économiques profondément erronés du couple franco-allemand<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
Angela Merkel et François Hollande.
Angela Merkel et François Hollande.
©

Sentence

Angela Merkel et François Hollande se retrouvent mercredi 7 octobre face au Parlement européen afin de soutenir une intégration plus forte des pays membres de la zone euro. Pourtant, au regard des diagnostics de crise établis par les deux dirigeants, les perspectives d’un retour de la croissance au sein de la zone euro restent malheureusement incertaines.

Nicolas Goetzmann

Nicolas Goetzmann

 

Nicolas Goetzmann est journaliste économique senior chez Atlantico.

Il est l'auteur chez Atlantico Editions de l'ouvrage :

 

Voir la bio »

Ce mercredi 7 octobre, François Hollande et Angela Merkel s’adresseront au Parlement européen, notamment sur la question migratoire, mais également, comme cela était prévu dès l’origine, dans le cadre de la poursuite de l’intégration économique européenne. Le couple franco-allemand, qui représente encore 50% du PIB des 19 pays de la zone euro, se veut être force de proposition afin d’apporter une réponse aux défaillances institutionnelles européennes, en matière économique. Malheureusement, au travers des déclarations de l’un et de l’autre, c’est-à-dire d’Angela Merkel et de François Hollande, il est à craindre que le diagnostic du marasme économique qui traverse le continent ne soit pas encore clairement identifié. Ce qui laisse peu de doutes sur l’issue de ces initiatives.

En effet, au fil des années, les deux dirigeants européens ont aligné les discours et les interviews, qui ont permis de mettre en avant leur vision économique, celle qui permettrait d’apporter enfin une croissance durable à la zone euro. Et ces visions ne sont pas exemptes de vices.

En premier lieu, Angela Merkel. Si la ligne économique du gouvernement allemand est généralement associée à la figure de Wolfgang Schäuble, véritable icône des politiques de rigueur, la chancelière est encore considérée comme étant plus modérée. Pourtant, malgré cette perception de douceur, le culte austéritaire reste bien la base du discours officiel :

« Les succès qui se dessinent en Espagne et en Irlande sont seulement deux exemples de ce qui peut être accompli lorsque des pays prennent des actions résolues avec la solidarité et le support européens »

Ainsi, selon Angela Merkel, l’Espagne et l’Irlande seraient les preuves formelles de la réussite des politiques d’austérité, c’est-à-dire de la consolidation fiscale et des réformes structurelles. Les récents retournements de ces économies, qui affichent aujourd’hui de solides chiffres de croissance économique, ne sont pourtant pas un modèle de succès. En effet, après 7 années de crise, l’Espagne affiche encore un PIB nominal (incluant l’inflation) plus bas de 15% que celui de 2008. Pour l’Irlande cette chute atteint 9%. De la même façon, le chômage irlandais atteint encore plus de 9% des actifs du pays, alors que le chômage espagnol flotte encore au-dessus du niveau surréaliste de 22%. L’étendard de la réussite a mauvaise mine, et les chiffres de croissance prévus pour cette année 2015, ne permettent pas d’entrevoir un retour à la situation pré-crise avant l’échéance de 2020, et au-delà. Pour la Chancelière, il s’agit de vendre un simple pourcentage pour une année isolée, permettant de masquer le trou béant créé par les politiques d’austérité au sein de ces économies. Le mort bouge, et c’est une bonne nouvelle. 

Une vision économique qui reste cohérente avec les prescriptions économiques d’Angela Merkel :

« Lorsqu’il s’agit de restaurer la confiance, la consolidation (du budget) et la croissance sont les deux faces de la même pièce »

Ici, il s’agit du fameux argument de la confiance. Une réduction du budget de l’Etat provoquerait, comme par magie, un retour de la confiance des acteurs économiques, et donc de la croissance. Pour le Prix Nobel d’économie, Paul Krugman, cet argument à un nom, la confidence fairy, ou la fée confiance. Ce qui permet déjà d’établir le degré de crédibilité de l’argument. Parce que dans la réalité comptable, une baisse des dépenses du gouvernement réduit mécaniquement le PIB, avec un effet multiplicateur variable en fonction du contexte économique. En période de croissance, cet impact peut être faible, une baisse de 1 en termes de dépenses provoquera en moyenne une baisse de 0.5 du PIB, mais en période de récession, l’impact est démultiplié, et peut être supérieur à 2. Une baisse de 1 en termes de dépenses est alors susceptible d’engendrer une baisse de 2 sur le PIB. Curieusement, un tel argument reste parfois considéré comme étant tout à fait sérieux.

Reste une citation qui fera date dans les sorties économiques d’Angela Merkel. Dans son discours de Davos de 2013, la Chancelière dit tout haut ce que certains redoutent de croire :

« Cependant, l’expérience montre que les réformes structurelles ne sont souvent abordées que lorsque la pression politique devient irrésistible. En Allemagne, par exemple, ce ne fut que lorsque le chômage a atteint 5 millions de personnes que les dirigeants ont enfin pris les mesures décisives. Donc, comme je le vois, la réalité de cette difficile situation européenne est aujourd’hui dans les moyens que nous devons mettre en œuvre pour mener les réformes structurelles nécessaires pour assurer un avenir meilleur. »

Pour Angela Merkel, rien ne vaut une bonne contrainte pour inciter à la réforme. Un peuple qui souffre est un peuple qui se plie aux besoins « évidents et raisonnables » de l’économie. Un chômage élevé serait finalement une aubaine pour un gouvernement réformateur. Les espagnols et les grecs ont de la chance, finalement. Pourtant, après 7 années de cure, les malades sont encore au fond du trou. Le problème avec cette sympathique vision est qu’elle est tout bonnement inefficace. Parce que les Etats Unis, ou le Royaume Uni, ont prouvé que le retour de la croissance ne résultait pas de la souffrance de la population. Cette souffrance est tout simplement inutile, et plus encore, bien moins efficace comme moteur de la croissance que les remèdes mis en place par les économies anglo-saxonnes. C’est-à-dire des plans de relance de grande ampleur. 

Puis, en second lieu, François Hollande. Après sa promesse d’inverser la courbe du chômage, dès le 9 septembre 2012, pour en arriver à constater que le chômage progresse encore en 2015, après avoir affirmé à peu près tous les 6 mois que « la reprise est là » sans que celle-ci ne se matérialise dans les faits, le Président a pu mettre en avant son intime conviction économique : après la pluie, le beau temps. Autrement dit, le développement économique suit une tendance cyclique. Ainsi, après le désastre de la crise de 2008, le quinquennat qui s’ouvrait à lui en 2012 devait être celui de la reprise. François Hollande n’avait qu’à surfer sur celle-ci pour obtenir les résultats espérés par le pays tout entier. La promesse inconsidérée de baisse du chômage entrait ainsi parfaitement dans le cadre mental du chef de l’Etat. Mais le cycle est resté bas. François Hollande attend la reprise, un peu comme Brice de Nice attend sa vague. 

Car ce que François Hollande a mal jugé, c’est la nature même de la crise. Il ne s’agissait en rien d’une répétition des quelques crises qui avaient pu survenir au cours de ces dernières années, ou mêmes décennies, mais il s’agissait d’un effondrement de la demande, provoqué par une mauvaise gestion monétaire des banques centrales mondiales, et d’une persévérance dans cette erreur de la part de la Banque centrale européenne. Comme cela avait pu être le cas au cours des années 30. Or, sans agir sur la cause, le retour réel de la croissance a peu de chance de se matérialiser. Et l’action de la BCE, trop tardive et trop timide, ne permet pas encore d’entrevoir une prise en compte de la gravité de la situation. 

Et pour enfoncer le clou, lors du fameux virage de l’offre revendiqué par François Hollande à la charnière des années 2013 et 2014, le Président déclara :

« Pourquoi ce pacte ? Parce que le temps est venu de régler le principal problème de la France : sa production. Oui, je dis bien sa production. Il nous faut produire plus, il nous faut produire mieux. C’est donc sur l’offre qu’il faut agir. Sur l’offre ! Ce n’est pas contradictoire avec la demande. L’offre crée même la demande. »

Le pompon est décroché. François Hollande réussit l’exploit de convertir le parti socialiste français à la politique de l’offre au moment même où c’est le manque de demande qui traîne l’économie française vers le bas. Parce que la demande n’est rien d’autre que la somme de la croissance et de l’inflation, qui sont toutes deux à des plus bas inédits, et ce, de façon durable depuis l’année 2008. Si l’économie française souffrait uniquement d’un problème de l’offre, la croissance serait anémique et l’inflation élevée. Alors que les deux variables sont à plat. Ce qui nécessite une refonte du diagnostic présidentiel.

Or, en cherchant à pratiquer une politique de l’offre sans demande, aucun effet n’est à attendre. Autant tenter d’améliorer les performances d’une voiture en retouchant sa carrosserie, mais si celle-ci est dépourvue de moteur, les résultats semblent improbables.

Angela Merkel et François Hollande souhaitent réformer la zone euro, et celle-ci en a bien besoin. Mais pour assurer une remise à plat qui permettrait d’armer le continent contre la dépression qui la tenaille depuis 7 ans, une prise en compte de la réalité économique, sur le modèle proposé notamment par les Etats Unis, pourrait être considérée comme bienvenue. C’est-à-dire un diagnostic d’une crise monétaire, comme celle de 1929. Plutôt que de persister à croire en des idées aussi peu crédibles qu’inefficaces.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !