Grèce : "Nous n'avions pas conscience de vivre au-dessus de nos moyens"<!-- --> | Atlantico.fr
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Manifestation en Grèce.
Manifestation en Grèce.
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Dans la tête des Grecs

Alors que le Premier ministre Georges Papandréou se dit prêt à sacrifier son gouvernement pour sauver le plan d'austérité de la Grèce, la mobilisation des « indignés » ne faiblit pas. L'écrivain grec Yorgos Archimandritis nous livre son sentiment personnel sur la crise que connait son pays.

Yorgos Archimandritis

Yorgos Archimandritis

Yorgos Archimandritis est écrivain et journaliste.

Il est l’auteur de Mikis Théodorakis par lui-même (Actes Sud, 2011) et co-auteur, avec Danielle Mitterrand, de Mot à Mot (Le Cherche Midi, 2010).

En 2008, il a été nommé Ambassadeur Culturel pour la Présidence Française de l’Union Européenne, et a été promu en 2010 Chevalier de l’Ordre des Arts et des Lettres. 

 

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Atlantico : Que ressent aujourd’hui le peuple grec face à la crise que connaît le pays ?

Yorgos Archimandritis : Je rentre tout juste de Grèce. Je me trouvais encore ce week-end sur la place de la Constitution, située devant le Parlement. Des milliers de personnes y étaient rassemblées, comme c’est le cas depuis maintenant trois semaines. Cela fait partie du mouvement des indignés.

Il y a effectivement un malaise général en Grèce, car le peuple ne sait pas à quoi ressemblera son avenir. Il a été habitué à une situation qu’il considérait comme « normale ». Désormais, on lui demande de faire beaucoup de sacrifices auxquels il ne s’attendait pas. Il a ainsi le sentiment qu’il a été trompé par ses dirigeants politiques.  

Je pense qu’il ne s’agit pas d’une simple crise économique, mais plutôt d’une crise des mentalités qui s’est installée il y a déjà longtemps.

C’est seulement depuis la chute de la dictature des colonels en 1974 que la Grèce connaît de façon ininterrompue la plus longue période de stabilité de son histoire. Malgré son immense passé, l’État grec est donc très jeune. Il n’a pas eu le temps de grandir normalement comme les autres pays européens. Il a reçu tous les éléments de l’histoire de ses voisins – positifs et négatifs – sans avoir le temps de les assimiler. Par exemple, la Grèce n’a pas d’industrie et a donc reçu tous ses biens matériels de l’étranger.

Par ailleurs, elle a dû adopter la mentalité de l’économie de marché à laquelle elle n’était pas préparée. Nous avons reçu tout cela d’une façon un peu anarchique et peu structurée. Il est possible que nous ayons vécu au-dessus de nos moyens, mais nous n’en avions pas conscience. C’est en tout cas mon opinion.

Le peuple grec est indigné car il voit que son pays se trouve à un moment crucial de son histoire : les Grecs ont compris qu’il fallait faire des sacrifices, ils sont prêts à les faire, mais ils n’acceptent pas l’impunité de ceux qui sont responsables de la crise actuelle. Ils accepteraient beaucoup plus facilement les sacrifices qu’ils endurent, s’ils ressentaient que des efforts réels étaient menés pour sanctionner ceux qui ont abusé de la situation. C’est donc le sentiment d’injustice qui prévaut au sein du peuple grec.

Pour établir un ordre des choses plus sain, il faudrait que les mentalités changent. Ceci est possible, soit par l’éducation (ce qui prendrait plusieurs générations), soit par l’action d’hommes politiques éclairés qui imposent les bonnes réformes avec la bonne pédagogie. C’est ce que le gouvernement actuel s’efforce de faire. La tâche de Georges Papandréou, le Premier ministre, est extrêmement difficile et nécessite courage et détermination.

La crise grecque s’inscrit finalement dans un contexte plus général : elle met en évidence les énormes failles du système économique mondial, de l’économie de marché, du capitalisme déchaîné sans éthique ni considération pour l’homme ou pour la Terre. Nous nous sommes créé des désirs infinis dans un contexte fini. La crise que traverse la Grèce, on l’a vue ailleurs et on la verra ailleurs.

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