Grand débat : quand les "manants" invités à la table des seigneurs font exploser la langue de bois<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Politique
Grand débat : quand les "manants" invités à la table des seigneurs font exploser la langue de bois
©AFP

Revanche

Un débat à onze est une chose peu aisée, mais cela a l'avantage de permettre d'entendre de nouvelles voix. Et de perturber le train-train habituel des "gros" candidats, trop habitués à ne débattre qu'entre eux.

André Bercoff

André Bercoff est journaliste et écrivain. Il est notamment connu pour ses ouvrages publiés sous les pseudonymes Philippe de Commines et Caton.

Il est l'auteur de La chasse au Sarko (Rocher, 2011), Qui choisir (First editions, 2012), de Moi, Président (First editions, 2013) et dernièrement Bernard Tapie, Marine Le Pen, la France et moi : Chronique d'une implosion (First editions, 2014).

Voir la bio »

Atlantico : On craignait un débat peu audible, où l'on ne pourrait ni discuter ni présenter clairement les idées des onze candidats. Qu'en a-t-il été ?

André Bercoff : Je crois qu'ils y a plusieurs enseignements à tirer : d'abord il ne s'agissait pas d'un débat inaudible. J'ai trouvé que ce débat était positif à plusieurs niveaux. Premièrement, les manants ont été invité à la table des seigneurs, et c'est une bonne chose ! Parce que eux, qui n'avaient rien à perdre ont pu dire un certain nombre de choses – et je ne parle pas du fond, on peut être en accord ou en désaccord avec ce qui a été dit. Ce qui est certain, c'est que la langue de bois à explosé de ce point de vue là : c'est-à-dire que Philippe Poutou et Nathalie Arthaud d'un côté, mais également Jacques Cheminade et François Asselineau de l'autre ont présenté deux tons et sons discordant par rapport au cinq que nous avions entendus précédemment, au « Conseil de sécurité » de la présidentielle. De ce point de vue, c'était plutôt positif.

Si l'on s'intéresse à ces cinq candidats dits « gros », comment s'en sont-ils sortis dans ce débat à onze ?

Les cinq s'en sont sortis avec des bonheur divers. Marine Le Pen ne s'en est pas mal sorti mais a un tout petit peu perdu le monopole de la France bouclier, la France des sans-grade, la France des petits qu'elle représentait jusque-là, à partir du moment où Poutou lui a opposé à l'immunité parlementaire l'immunité ouvrière. Je ne dis pas qu'elle a été déstabilisé par cela, mais que contrairement à son opposition aux cinq dans laquelle elle représente cette France périphérique qui se sent complètement délaissée, à onze avec les gauchistes Philippe Poutou et Nathalie Arthaud, on a vu un petit peu cette posture s’ébrécher.

François Fillon s'est positionné en retrait en première partie pour se préparer pour la seconde. On lui a beaucoup volé dans les plumes. Ce qui sera intéressant, c'est de voir ce que donnera son anaphore sur « un président exemplaire » en le comparant au « moi président » de François Hollande de 2012. Est-ce que cela lui portera chance ou pas ? Je ne sais pas, mais il n'était pas mauvais quand il nous a rappelé la dette. Il ne s'en est pas trop mal sorti compte tenu du fait que l'on n'a pas cessé de lui rappeler les affaires.

Emmanuel Macron, contrairement à ce qu'on affirmé de nombreux sondages qui le disent convaincant, fut à mon avis assez absent, pas prêt. Il n'était pas très offensif, ce qui était certainement sa tactique, mais on n'a pas cessé de lui rappeler qu'il « était d'accord avec tout le monde » et des attaques dans ce genre de registre.

Benoît Hamon, en perte de vitesse, jouait évidemment son va-tout. Je l'ai trouvé plus hargneux qu'autre chose.

Enfin Mélenchon s'est montré une nouvelle fois excellent tribun.

Ils sont en fait restés sur leur fond de commerce et je ne crois pas que cela a changé grand chose du point de vue du fond.

Si on observe maintenant les « petits » candidats, quels sont ceux qui ont profité de cette occasion pour se montrer et ont réussi à interpeller les Français ?

Nicolas Dupont-Aignan ne s'est pas mal débrouillé. Il a fait entendre sa voix, notamment sur le vote blanc qui fut quelque chose de fort. Je trouve que François Asselineau connaissait très bien ses dossiers, et adoptant sa posture de « comptable » de la Constitution, rappelant les sources, la documentation a été très cohérent. Il a dit que si on s'opposait à l'Europe, il fallait en sortir. Il a rappelé un certain nombre de points que l'on a tendance à oublier. Et je l'ai découvert, moi qui ne le connaissait pratiquement pas, et il fut évidemment une surprise. Philippe Poutou et Nathalie Arthaud était dans leur registre. Pour Nathalie Arthaud, l'avenir c'est la Commune de Paris : très bien ! Pour elle, rien n'existe, il n'y a ni Daech, ni Syrie, ni Europe, il n'y a que le patronat. C'est exploiteurs contre exploités, soit le discours d'Arlette Laguiller repris mots pour mots. Philippe Poutou était plus offensif mais dans des cordes assez proche. Il a été assez intéressant lors de ce débat comme déstabilisateur. Les autres n'ont pas beaucoup parlé.

Quels autres enseignements tirez-vous de ce débat ?

Ils auraient pu au fond faire deux débats. Ces interruptions permanentes des deux sœurs jumelles du chrono avec leur « ça suffit ! ça suffit ! » était assez irritante. Avec deux débats démocratiques composé de cinq et six personnes respectivement, en mélangeant évidemment  les candidats, on aurait eu un débat plus compréhensible. Mais ce débat était pas mal. Je ne pense pas qu'il ait changé grand chose, mais, même si c'est une banalité, il vaut mieux qu'il y ait un débat que pas de débat !

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !