Grâce à l’IA, des scientifiques pensent désormais pouvoir prédire le moment de votre mort<!-- --> | Atlantico.fr
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Une tombe dans le cimetière de la Chartreuse, à Bordeaux.
Une tombe dans le cimetière de la Chartreuse, à Bordeaux.
©Philippe LOPEZ / AFP

L'Ankou utilise ChatGPT

Des chercheurs danois ont créé une IA capable, selon eux, de prédire le moment de notre mort avec une précision de 78 %, en se basant sur notre historique médical et nos habitudes de vie.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Des scientifiques ont créé une IA qui, selon eux, prédit le moment de notre mort avec une précision de 78 %. Cette technologie intelligente appelée « life2vec » se base sur l'histoire de votre vie (votre travail, votre endroit de résidence, les accidents que vous avez eu, si vous avez déjà été enceintes) et planifie ce qui pourrait se produire. Sur quoi repose cette technologie ? S’agit-il d’un algorithme surpuissant ? Cet outil pourrait-il à terme aider les professionnels de santé ?

Laurent Alexandre : Il s’agit d’un LLM comme ChatGPT, un modèle d'analyse du langage humain. Ce qui a étonné les scientifiques danois à l'origine de ces recherches, c'est qu'en réalité, l'analyse du dossier médical par un LLM, et notamment le chaînage des événements de la vie médicale du patient, est très signifiante en termes d'avenir médical et d'espérance de vie. La plupart des intelligences artificielles dans le domaine biologique sont des réseaux de neurones. Mais ce ne sont pas des modèles de langage comme la technologie de ChatGPT. La vraie surprise pour ce cas précis est la réelle efficacité d'un langage de modèle LLM dans cette application. Il y avait déjà eu un certain nombre de tentatives pour déterminer l'espérance de vie résiduelle des malades, notamment en cardiologie, à partir de réseaux de neurones profonds, c'est-à-dire de l'intelligence artificielle qu'on appelle deep learning. Mais les performances de ce nouveau modèle sont assez étonnantes. 

Cela montre que nous sommes au tout début de l'utilisation des LLM en médecine avec une capacité du réseau de neurones à faire des prédictions et en l'occurrence de prédire l'espérance de vie. La période récente a été très intense en matière de prédictions par les intelligences artificielles. Google a sorti en novembre une IA qui a des performances absolument extraordinaires dans la prédiction météorologique et qui est supérieure aux ordinateurs géants des météorologues qui déterminent la météorologie nationale. 

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Il y a eu récemment deux articles intéressants dans Nature. Le premier montre qu'à partir de l'IA, il est possible de découvrir de nouveaux antibiotiques. Les chercheurs ont découvert une nouvelle classe d'antibiotiques, ce qui n'était pas arrivé depuis 38 ans. 

L'autre article dans Nature concerne l’utilisation de ChatGPT qui a montré des capacités assez impressionnantes dans la recherche en chimie, avec une capacité de prédiction et d'innovation assez forte.

Ces travaux sur l’espérance de vie menés par des chercheurs danois ont été réalisés grâce à une très grande base de données constituée à partir de plus de 5 millions de dossiers médicaux des services de santé danois.

Cela s’inscrit dans les travaux menés sur des intelligences artificielles, du même type que Chat-GPT, à des fins de prédiction. De nombreux domaines sont concernés comme la chimie, la prédiction météorologique, la recherche de nouveaux médicaments et là prédiction de l'espérance de vie. 

Faut-il croire à ces prédictions permettant grâce à l’IA de savoir si une personne risque de mourir jeune ou si elle pourrait gagner de l’espérance de vie ?

Ces travaux ont été menés sur un nombre de dossiers tout à fait impressionnant, donc cette IA est très robuste. Ce modèle ne prédit pas la mort au jour près mais il donne une bonne estimation, un bon profil de l'espérance de vie résiduelle du malade. Ces recherches et ces travaux sont très solides et sérieux. 

Avec de telles technologies, nous sommes probablement entrés dans une nouvelle phase de la médecine prédictive et donc de la médecine préventive. Pour être vraiment préventif, il faut connaître les risques et donc être capable de prédire le destin médical des patients. Il n'y a pas de vraie médecine préventive s'il n'y a pas de médecine prédictive au préalable.

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L’IA est-elle fiable en matière de santé et d’analyse de l’espérance de vie ?

Cette IA a permis de correctement deviner qui mourrait d'ici 2020 dans les trois quarts des cas. Les progrès des différents types d'IA en médecine sont spectaculaires. Les résultats les plus impressionnants sont obtenus avec GPT-4 qui dans plusieurs spécialités médicales arrive à faire des diagnostics de très bonne qualité. Nous ne sommes pas très loin d'un dépassement par les IA des capacités de diagnostics parfaites des cliniciens, des humains.

Une telle technologie doit-elle nous inquiéter pour l’avenir, pour la protection des données de santé et pour les questions liées aux assurances par rapport aux risques de décès ?

Le risque des assurances n'existe pas puisque le fait d’utiliser des données médicales à des fins de modulation des primes d'assurance conduirait directement en prison. Il n'y a jamais eu d'accidents de ce type-là. Cela reste donc du domaine du fantasme. L'utilisation des données génétiques à des fins assurantielles est également interdit, y compris aux Etats-Unis à travers la loi GINA (Genetic Information Nondiscrimination Act). Il n'y aura pas d'utilisation de ces données sur l’espérance de vie ou les risques de décès suite aux prédictions de l’IA. 

En revanche, il se pose un problème éthique et moral qui n'a pas échappé aux auteurs de l'étude danoise. Faut-il le dire aux malades et communiquer la probable date de décès ? La décision qui a été prise par les Danois est de ne révéler à aucun des malades encore en vie les prédictions de l’IA. Le fait de ne pas le dire aux malades pourrait être considéré comme quelque chose qui ne serait pas éthique. Les personnes qui connaîtraient leur mauvais pronostic concernant l’espérance de vie pourraient changer leurs habitudes et leur mode de vie afin de casser le déterminisme que l'intelligence artificielle leur a prédit. Il vaudrait mieux que les malades puissent savoir pour changer leur comportement.

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