"Le Goncourt récompense habituellement un livre qui s’est déjà beaucoup vendu pour pouvoir affirmer ensuite qu'il fait vendre"<!-- --> | Atlantico.fr
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Avec "La Carte et le Territoire", Michel Houellebecq reçoit le prix Goncourt en 2010.
Avec "La Carte et le Territoire", Michel Houellebecq reçoit le prix Goncourt en 2010.
©Reuters

A quel prix ?

La remise du prix Goncourt a lieu ce mercredi. Il reste le plus attendu des dizaines de prix littéraires qui existent en France. Retour sur cette exception culturelle nationale.

Antoine Bueno

Antoine Bueno

Antoine Bueno est écrivain et chargé de mission au Sénat. Il se produit aussi dans son seul en scène, "Antoine Bueno, l'Espoir".

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Atlantico : La remise du prestigieux prix Goncourt a lieu ce mercredi. Aujourd'hui, la France compte plusieurs dizaines de prix littéraires. Faut-il se réjouir de cette abondance ?

Antoine Buéno : il y a deux modèles. Tout d'abord, le modèle anglo-saxon, où les prix sont moins nombreux mais plus importants. Là-bas, les jurys disposent de moyens plus conséquents qu'en France : ainsi, quand vous gagnez le prix Pulitzer, un gros chèque l’accompagne. Le modèle français, lui, est plus un modèle de saupoudrage, qui correspond à un modèle culturel jacobin, très lié au monde politique. Il illustre un fort activisme culturel de l’État.

La ville de Paris subventionne par exemple un nombre impressionnant de prix littéraires, via des associations qui organisent des prix. La fondation La Poste, entreprise publique, est par exemple le mécène du prix Wepler, mais des dizaines d’exemples de ce type peuvent être répertoriés. Ce n’est pas directement le fait de la puissance publique, mais plutôt un corolaire de cette politique de saupoudrage, de clientélisme. Il faut aussi y voir la preuve d’un dynamisme culturel. Les nombreux prix répondent à un besoin, il y a des jurys pour les animer, des auteurs que cela rend heureux, et des lecteurs pour les lire. En définitif, un équilibre qui contente le plus grand nombre.

Néanmoins, l’abondance de prix littéraires brouille parfois les pistes, les lecteurs ne savent plus où donner de la tête. Et il n’est pas dit que tous ces prix aident vraiment le lecteur à faire son choix.

Par ailleurs, les critères de sélection de la majorité des prix littéraires sont bien souvent obscurs. Pour moi, le vrai problème est là. Le lecteur ne sait pas toujours ce qui est récompensé. C'est l'une des raisons pour laquelle j'ai créé le Prix du style : au moins les lecteurs savent ce que nous récompensons.

L'autre problème des prix littéraires, c'est que les jurys manquent bien souvent d'audace. Si nous dressions un compte-rendu des maisons d’édition récompensées par l’ensemble des prix, les plus grandes seraient forcément en tête. A part les prix littéraires locaux, l’immense majorité des prix nationaux les plus prestigieux repose sur du réseau et du copinage.

Rares sont les prix qui osent faire sortir du lot les auteurs méconnus. En fait, le prix littéraire entretient un cercle vicieux : le prix Goncourt récompense habituellement un livre qui s’est déjà vendu à 300 000 exemplaires, pour pouvoir ensuite affirmer qu'il fait vendre. C’est malheureusement une stratégie de plus en plus souvent adoptée.

Je comprends que les lecteurs se fient aux prix littéraires, comme je le fais pour le cinéma, mais cela me paraît regrettable. Je crois qu’il est très difficile pour les novices de distinguer la qualité de tel ou tel prix.

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