Galliano : un licenciement abusif ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Étoile déchue de la maison Dior, le styliste John Galliano est jugé ce mercredi...
Étoile déchue de la maison Dior, le styliste John Galliano est jugé ce mercredi...
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Affaires Dior

Etoile déchue de la maison Dior, le styliste John Galliano a comparu devant le tribunal correctionnel de Paris qui a requis 10 000 euros d'amende à son encontre pour injures raciales. Mis à la porte par Dior après ses frasques, l'enfant terrible de la mode a-t-il été victime d'un licenciement abusif au motif que “le salarié met à la disposition de l'employeur sa force de travail mais non sa personne” ?

Etienne de Villepin

Etienne de Villepin

Etienne de Villepin est avocat en droit social. Il est associé au cabinet Villepin & Associés à Aix-en-Provence.

 

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John  Galliano, en état d'ébriété, aurait proféré des insultes à caractère antisémite alors qu’il se trouvait à une terrasse de café. La scène aurait été filmée et abondamment relayée sur le net. Liberté d’expression, intérêt de l’entreprise, vie privée, obligations du contrat de travail, quelles sont les principes en présence ?

Les libertés du salariés sont issues de sources multiples et revêtent différentes qualifications : libertés publiques, libertés civiles, libertés individuelles ou libertés collectives, elles sont parfois consacrées en libertés fondamentales. Deux droits ne doivent pas être confondus : le droit d'expression tiré des articles L.2281-1 et suivants du Code du travail ; et le droit à la liberté personnelle d'expression,liberté individuelle fondamentale du salarié.

La faculté pour un salarié d'exprimer en toutes circonstances ses opinions s’accorde sur les libertés reconnues à tout citoyen et proclamées par le Préambule de la Constitution de 1946, la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales , la Déclaration universelle des droits de l'homme.

Comment cette liberté peut-elle s’accorder des obligations découlant d’un contrat de travail, qui comme tout contrat doit être exécuté loyalement par les parties ? Le Code du travail donne une indication : Les propos tenus par un salarié en dehors de l'entreprise ne constituent pas l'exercice du droit d'expression prévu par l'article L. 2281-1 du Code du travail. La liberté d'expression, attribut de citoyen, s'exprime, sous réserve d'abus, à l'intérieur comme à l'extérieur de l'entreprise (Cass. soc., 5 oct. 2004 : RJS 2004, n° 1280). L'employeur ne peut prendre en compte les actes et attitudes du salarié commis hors de l'entreprise. Les actes relevant de la vie personnelle et de la vie privée sont donc, en principe, un obstacle à toute sanction de l’employeur. Néanmoins, la Cour de cassation a précisé “qu'il peut être procédé à un licenciement dont la cause objective est fondée sur le comportement du salarié qui, compte tenu de la nature de ses fonctions et de la finalité propre de l'entreprise, a créé un trouble caractérisé au sein de cette dernière”.

L'intérêt de l'entreprise peut donc servir de base à un licenciement alors même que le « travail » n’est pas mis en cause. Il faut que le trouble causé soit objectif : les propos injurieux tenus par le salarié à l'endroit de son supérieur hiérarchique et prononcés devant trois adultes qu'il était chargé d'encadrer se rattachent à la vie de l'entreprise et peuvent constituer une cause réelle et sérieuse de licenciement, nonobstant le fait que ces propos ont été tenus hors du temps et du lieu de travail (Cass.soc., 10 déc. 2008 : JurisData n° 2008-046211 ; JCP S 2009, 1083, note M. Caron).

La délinquance du salarié sans aucune relation avec sa vie professionnelle peut fonder un licenciement si les agissements ou la condamnation pénale sont de nature à causer un préjudice à l'entreprise, compte tenu des fonctions exercées par l'intéressé et de la nature de l'activité de l'entreprise. Est justifié le licenciement pour faute grave d'un commercial de banque, ayant participé à une affaire de vol et de trafic de véhicules, en raison de son obligation particulière de probité (Cass. soc., 25 janv. 2006, pourvoi n° 04-44.918, arrêt n° 171 FS-P+B).

S’il est constant “le salarié met à la disposition de l'employeur sa force de travail mais non sa personne” (J. Rivero, Les libertés publiques dans l'entreprise : Dr. soc. 1982,p. 423), on peut s’interroger sur l’application de ce principe à John Galliano. En effet, sa personne était-elle vraiment l’image de son employeur ?

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