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François Ruffin, l’électron libre qui pourrait bien faire rapidement dérailler La France Insoumise
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Politique

Sur Europe 1, François Ruffin a encore joué la carte individuelle contre son parti, et Jean-Luc Mélenchon n'apprécierait pas de voir son jeune député être le seule membre de la France Insoumise à avoir pris le nom de son parti au mot.

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Atlantico : Dans un entretien donné à Europe 1, le député de la France Insoumise François Ruffin a une nouvelle fois fait montre d'indépendance vis-à-vis de son parti en déclarant que la "marée populaire" du 2- mai n'était pas une "marée d'équinoxe". Celui qui semble s'épanouir depuis la Fête à Macron es-il encore compatible avec le chef du parti, Jean-Luc Mélenchon ? A quand le clash ?

Sylvain Boulouque : Premièrement, en dehors de toute considération politique, François Ruffin a entièrement raison sur le nombre de personnes présentes à la manifestation du 26 mai dernier. En termes de marée populaire, c’était plutôt un flop. La déclaration de Ruffin est juste marquée du sceau du bon sens, de la plus élémentaire observation. Il n’a pas voulu faire dans la langue de bois, contrairement à ce que fait une majeure partie de la gauche radicale en disant que c’était un grand succès populaire. Il a juste regardé la réalité et s’est dit qu’ils avaient fait mieux 15 jours auparavant. Cela ne veut pas dire qu’ils ne feraient pas mieux par la suite. Mais pour lui, c’était une contre-performance, liée, si on analyse ce qui s’est passé, au fait que Mélenchon a cherché à truster l’événement. Et que cela a entrainé le fait que nombre de gens ne sont pas allé manifester étant donné qu’une partie de la gauche ne supporte pas Mélenchon.

Si on devait distinguer une "ligne Ruffin" d'une "ligne Mélenchon", quelle seraient les différences, autant sur le fond que sur la vision de ce que doit faire un homme politique ? 

Ce sont deux visions de la gauche assez différentes, mais aussi des visions de la politique différente. Mélenchon a une vision assez caporaliste et d’état major de la vie politique pour peser en rapport de force. Ruffin est au contraire beaucoup plus attaché à une culture contestataire festive qui n’essaye pas nécessairement à trouver une issue politique et encore moins électorale. Il a bénéficié d’un effet d’opportunité en se présentant à la députation en 2017. Ce n’était pas gagné pour lui. Il était cependant soutenu par l’ensemble des forces de gauche. Mais il s’agissait de son point de vue plus d’un effet d’aubaine que de la volonté de s’engager dans un parti. Il est une figure importante dans le panorama de la gauche française, autant il n’est pas du tout un homme d’appareil. C’est un électron libre, journaliste, agitateur d’idée, qui aime l’agit-prop.

Comment Ruffin pourrait-il profiter de son statut de "Marion Maréchal de l'extrême-gauche" - l'écran sur lequel se projette tous les fantasmes à l'extrême-gauche ?

Je crois que la comparaison ne fonctionne pas. Marion Maréchal, même si elle a abandonné la deuxième partie de son nom, est une héritière d’une lignée politique. Ruffin n’essaye pas comme elle de conquérir un appareil. Il est dans l’agitation d’idée, dans une lignée très post-68. Il n’y a pas de logique politique, et pas de volonté de conquérir le pouvoir chez Ruffin, ce qui me semble être le cas en face. Et outre le fait que les lignes soient très opposées, je ne suis pas certain que Ruffin soit la coqueluche de la gauche. Car à gauche, et surtout dans sa frange politique, il n’y a pas de culte de la personnalité. Regardez Besancenot, c’est une tradition où l’on ne veut pas incarner le pouvoir, même quand on a un petit succès, pour mettre en avant le combat d’idées.

En plus de Ruffin, d'autres voix semblent émerger contre la figure de chef de Jean-Luc Mélenchon. En quoi consiste ces oppositions ? Pourraient-elles s'unir pour contester l'autorité de l'ancien candidat à la présidence de la République ?

Dans la France Insoumise, l’appareil est parfaitement verrouillé par les proches de Mélenchon. Il n’y aura donc pas de contestations possibles en interne. Ce qui est possible, c’est qu’il y ait une déperdition des proches ou des gens qui gravitent autour de la France Insoumise. On peut donc imaginer donc une accélération de la fragmentation de la gauche par rejet de Mélenchon, à l’opposée du rassemblement que ce dernier souhaitait. C’est le paradoxe de son mouvement : il revendique le terme insoumis et demandent aux autres de mettre le petit doigt sur la couture du pantalon.

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