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François Hollande dans les pas africains de Foccart et Mitterrand
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Mauvais effet

Le discours de Dakar de François Hollande vendredi avait pour ambition de prendre le contre-pied du discours de Sarkozy. Pourtant, le chef de l'état a affiché un paternalisme digne de Jacques Foccart, et a donné des leçons de gouvernance comme le fit François Mitterrand.

Les Arvernes

Les Arvernes

Les Arvernes sont un groupe de hauts fonctionnaires, de professeurs, d’essayistes et d’entrepreneurs. Ils ont vocation à intervenir régulièrement, désormais, dans le débat public.

Composé de personnalités préférant rester anonymes, ce groupe se veut l'équivalent de droite aux Gracques qui s'étaient lancés lors de la campagne présidentielle de 2007 en signant un appel à une alliance PS-UDF. Les Arvernes, eux, souhaitent agir contre le déni de réalité dans lequel s'enferment trop souvent les élites françaises.

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François Hollande a prononcé, le 12 octobre, son grand discours de politique africaine à Dakar. Le symbole était évident : prendre le contre-pied du fameux discours de Dakar de Nicolas Sarkozy. La volonté était de mise : rompre avec la « Françafrique ». L’ambition était grande : énoncer le cap de la politique africaine du nouveau Président de la République.

Après 48 heures sur le sol africain, François Hollande est apparu tel qu’en lui-même : indécis, furieusement conservateur, incapable de fixer un horizon, sans idées de fond, discourant dans le vide, en un mot limitant son ambition, et avec lui celle de la France, à prolonger l’héritage africain de Foccart et Mitterrand.

Car qu’a déclaré le chef de l’Etat à Dakar ? Que l’Afrique était un continent compassionnel, enfermé dans son passé sur la traite négrière et demandant des réparations aux anciennes puissances coloniales. Que l’Afrique était un continent pauvre et sous-développé, faisant la manche auprès des bailleurs de fond internationaux. Que l’Afrique devait recevoir des leçons de démocratie et de développement. Pour toutes ces raisons, François Hollande s’est glissé, peut-être même sans le savoir, dans les pas de Jacques Foccart et de François Mitterrand, assurant un discours paternaliste comme le premier, et donnant des leçons de gouvernance comme le second.

Mais comment en serait-il autrement, car qui comprend l’Afrique dans les cercles actuels du pouvoir ? François Hollande n’a jamais vraiment voyagé en Afrique, préférant les moquettes épaisses de Bruxelles ou les vacances à Mougins. Il doit certainement s’appuyer sur de solides experts élyséens nous rétorquera-t-on. Son conseiller diplomatique, Paul-Jean Ortiz : un sinisant ne connaissant pas l’Afrique. Sa conseillère Afrique, Hélène Le Gal : une diplomate n’ayant jamais travaillé en Afrique, préférant aborder les dossiers africains depuis Paris ou New York. Son conseiller Afrique adjoint, Thomas Melonio : un jeune économiste de l’AFD sans véritable expérience de l’Afrique. Pire,le ministre du développement, Pascal Canfin, fidèle à la tradition des Verts, s’enorgueillit publiquement de ne pas aller en Afrique ! Nous ne citons pas Laurent Fabius qui, trop heureux de se réfugier derrière le si commode domaine réservé, poursuit avec talent sa carrière d'esthète au Quai d'Orsay.

L’entourage même du président sénégalais déclarait, la veille du discours de François Hollande, « ne rien en attendre ». La vérité est plus cruelle : c’est l’Afrique, malgré ses problèmes, qui n’attend pas la France. Car depuis dix ans, l’Afrique se transforme. Elle connaît un rythme de croissance de 6% par an. Grâce à une forte expansion démographique, une urbanisation massive et des réformes d’ajustement structurel, le sentier de croissance africain est désormais de 7%. Des pays tels que le Ghana, le Mozambique ou l’Ethiopie émergent. Une classe moyenne apparaît. Le commerce international se développe. Chinois, Indiens, Brésiliens l’ont compris quiinvestissent massivement en Afrique et qui peu à peu supplantent la France dans cette partie du Monde où, plus que toute autre puissance, la France devrait être aux premières loges.

L’Afrique attendait plus qu’un discours compassionnel ou une leçon de démocratie. Elle attendait une profonde rénovation de sa relation avec la France. Nicolas Sarkozy, non sans limites ni arrière-pensées, avait su timidement entamer cette marche en avant : lancement de l’Initiative du Cap avec le secteur privé, renégociation et publication des accords de défense, réorientation vers les pays anglophones, règlement de la crise ivoirienne. Nous attendions François Hollande à Johannesburg ou à Lagos : il est apparu à Dakar, sur les terres traditionnelles de la Francafrique. Nous souhaitions un règlement rapide de la crise malienne : le Président n’arrive pas à trancher, repoussant sans cesse l'option militaire tout en appelant à y recourir. Nous espérions des idées économiques et commerciales novatrices : il n’en a pas été question. Nous voulions une vision africaine : il nous a offert un discours provincial et autoflagellateur.

Désormais, du Cap à Ndjamena, de Nairobi à Lagos, la France disparaît des écrans radar. A Pékin ou Brasilia, on s’en réjouit. A Paris, les vrais amoureux de l’Afrique, qui savent l’enjeu que ce continent représente pour notre pays, s’en désolent. Probablement, François Hollande, revenu dans son bureau à l’Elysée, est déjà passé à autre chose, étriqué entre sa vision provinciale corrézienne et son idéologie socialiste compassionnelle. Car comme l’a écrit le grand écrivain malien Amadou Hampâté Bâ, « certaines vérités nous paraissent invraisemblables car notre connaissance ne les atteint pas ».

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