Fin d’été : faut-il s’inquiéter de la succession de changements brutaux de température ?<!-- --> | Atlantico.fr
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Nous avonsconnu le 2e été le plus chaud depuis l'après-guerre.
Nous avonsconnu le 2e été le plus chaud depuis l'après-guerre.
©Reuters

Du bikini au parapluie

L'été 2015 a été marqué dans l'ensemble de la France par des températures très hautes et très basses, allant jusqu'à la perte puis la reprise de 15 degrés en 48 heures. Une observation qui s'explique par la variabilité naturelle de notre climat.

Frédéric Decker

Frédéric Decker

Météorologue - Climatologue à MeteoNews et Lameteo.org

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Atlantico : Comment expliquez-vous ces changements de température ? Sont-ils normaux au regard des tendances saisonnières ?

Frédéric Decker : L'été météo vient de se terminer, puisqu'en climatologie, l'été s'étend du 1er juin au 31 août. Nous avons d'ailleurs connu le 2e été le plus chaud depuis l'après-guerre, et même depuis le milieu du 17e siècle si l'on prend en compte les données anciennes de l'observatoire de Paris. Et si cet été 2015 fut globalement très chaud, il est vrai qu'il a connu quelques soubresauts thermiques surprenants.

Au coeur de cet été 2015 très chaud voire caniculaire, la journée du 27 août a été marquée par une fraîcheur exceptionnelle sur le tiers nord du pays, parfois proches des records de froid l'après-midi puisqu'il n'a pas fait plus de 14 à 16 degrés. Il faisait pourtant 30 degrés la veille ! La faute ce jour-là à une perturbation immobile et ondulante entre les Pays de la Loire et la frontière belge. La grisaille et les pluies incessantes ont bloqué le thermomètre au ras des pâquerettes. Alors qu'au même moment, une centaine de kilomètres plus au sud, il faisait plus de 30 degrés ! Deux jours plus tard, après avoir frôlé des records de froid avec même un record quotidien à Paris (15,2 degrés de maximum seulement), des records de chaleur tombaient : 30 août le plus chaud à Paris depuis l'ouverture de la station météo en 1873 avec 33,2 degrés ! Après le passage de la perturbation, un front chaud, le flux de sud a en effet permis à l'air tropical de remonter à nouveau vers le nord du pays.

Si ces montagnes russes météorologiques surprennent, elles sont partie de la variabilité naturelle de notre climat, soumis à des influences diverses et variées. Rien de nouveau donc sous le soleil... ou sous la pluie !

Ce phénomène est-il connu des pays frontaliers ou est-il particulier à la France, en raison de sa position géographique et des différentes influences auxquelles le pays est soumis ?

En fait, ces soubresauts climatiques se produisent dans toutes les régions dites "tempérées". La France se situe au carrefour de nombreuses influences climatiques diverses et variées : influence océanique largement dominante, du fait des vents d'ouest et de la proximité de l'Atlantique, apportant douceur et humidité en toutes saisons ; influence arctique, apportant de l'air froid et humide dans un flux de nord surtout entre la fin de l'automne et le début du printemps, se traduisant souvent par de la neige jusqu'en plaine, y compris en mars ou avril sous les fameuses giboulées ; influence continentale dans un flux de nord-est à est, apportant de l'air sec, froid l'hiver mais chaud l'été, pouvant apporter d'importantes vagues de froid en hiver et un temps chaud et sec aux autres saisons ; influence tropicale, sèche dans un flux de sud ou sud-est, plus humide dans un flux de sud-ouest, apportant dans tous les cas un temps chaud, mais orageux dans le cas d'un flux de sud-ouest.

Et dans certains cas, on peut brutalement passer d'un extrême à l'autre. Un des cas d'école très connu en météo est le 31 décembre 1978 : le flux océanique a été brutalement remplacé par un flux arctique puis continental : ce jour-là, à 16 heures, Orly enregistre 11 degrés et du crachin, temps typiquement océanique. Au même moment, Roissy enregistre 21 degrés de moins (-10 degrés !) sous le verglas et la neige qui envahiront alors la région parisienne en 2 à 3 heures seulement.

Généralement, les baisses ou hausses brutales de températures se produisent tous les ans, avec des cas extrêmes comme celui-ci pouvant atteindre ou dépasser 20 degrés en moins de 24 heures.

Mais ce n'est rien comparé à l'Amérique du Nord qui connait des bouleversements thermiques bien plus marqués et brutaux. Les deux exemples extrêmes : A Browning dans le Montana, le thermomètre est passé de +7 à -49 degrés en 24 heures entre le 23 et le 24 janvier 1916 ! Et a Spearfish, dans le Dakota du Sud, le thermomètre a grimpé de 27 degrés en... 2 minutes le matin du 22 janvier 1943, passant de -7 à +20 degrés !

Est-ce un phénomène récurent ? Doit-on s'en inquiéter ?

Oui c'est un phénomène très courant. La mémoire humaine est très faillible en météo où l'on croit souvent "ne jamais avoir vu ça de mémoire d'homme". Sauf que dans 99% des cas, c'est totalement faux. Des hausses ou baisses de températures d'une dizaine de degrés et plus sur 24 heures se produisent tous les ans en France. Et souvent en été au passage des orages. Et cela n'a rien à voir avec le réchauffement climatique. Pas d'inquiétude à avoir donc. Notre climat s'autorégule tant bien que mal, en dépit de la hausse globale du thermomètre, nous n'avons pas fini de connaître des chauds et froids.

Qu'est ce que cela peut-il prédire pour les prochaines années ?

Réchauffement ou pas, les variations de températures de ce type vont perdurer dans l'avenir, cela ne fait aucun doute ! Il est vrai que nous battons plus souvent des records à la hausse qu'à la baisse, mais le ciel s'amuse parfois à contredire la tendance globale, avec des coups de froid semblant sortir "de nulle part". Il devient désormais difficile de battre des records de froid en moyenne sur un mois ou une saison, au contraire des records quotidiens battus plus facilement, comme le 27 août. Nos récents étés pourris s'alignent même sur les étés chauds des années 50 à 70, mais nous ne sommes pas tout à fait à l'abri de connaître un nouvel été 77, très frais, ou un hiver 85, glacial. Il faut globalement s'attendre à une poursuite du réchauffement moderne, sauf accident naturel pouvant faire chuter les températures mondiales, tel que l'explosion d'un supervolcan...

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