Fidel Castro est mort, la dictature castriste continue<!-- --> | Atlantico.fr
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A Cuba, Raúl Castro continue à réprimer impunément, tout autant que son frère.
A Cuba, Raúl Castro continue à réprimer impunément, tout autant que son frère.
©JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

Derrière les apparences

Fidel Castro s'est éteint vendredi soir à l'âge de 90 ans. Alors que de nombreuses personnalités politiques ou médiatiques lui ont rendu hommage, les sentiments à son égard sont bien différents à Cuba. Le Líder Máximo, qui a tenu son île d'une main de fer pendant des décennies, y était en effet autant craint que haï... tout comme ses successeurs désignés.

Jacobo Machover

Jacobo Machover

Jacobo Machover est un écrivain cubain exilé en France. Il a publié en 2019 aux éditions Buchet Castel Mon oncle David. D'Auschwitz à Cuba, une famille dans les tourments de l'Histoire. Il est également l'auteur de : La face cachée du Che (Armand Colin), Castro est mort ! Cuba libre !? (Éditions François Bourin) et Cuba de Batista à Castro - Une contre histoire (éditions Buchet - Chastel).

 

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Cela faisait si longtemps que l’on attendait cette nouvelle qu’elle ne surprend plus personne. En réalité, le Líder Máximo était mort politiquement le 31 juillet 2006, le jour où, gravement malade, il avait délégué ses pouvoirs à son demi-frère cadet Raúl Castro. La figure tutélaire s’effaçait progressivement au profit de celui qui avait été, dans l’ombre, la cheville ouvrière du régime, contrôlant à la fois l’armée et la police politique, la redoutable Sécurité de l’Etat. Cette succession dynastique était préparée et inscrite dans la nature des choses depuis la prise du pouvoir, le 1er janvier 1959, il y a déjà plus d’un demi-siècle. Un demi-siècle !

Nous, Cubains de toutes latitudes, de l’île et d’ailleurs, avons dû avaler des discours interminables dans un silence résigné parce que forcé par la terreur et la propagande effrénée. Il y a eu  des centaines d’exécutions tout au long de ces décennies, des dizaines de milliers de prisonniers politiques condamnés à vingt ou à trente ans, des millions d’exilés dispersés partout dans le monde, essentiellement en Floride. Il y a eu tout un peuple condamné à la pauvreté extrême et à la répression permanente.

>>>> A LIRE AUSSI : "Fidel, Fidel, je suis resté Fidel" (air connu)

Comment ? – penseront certains. Les Cubains ne sont-ils pas heureux ? Ne chantent-ils pas en permanence ? Ne dansent-ils pas à toutes heures du jour, même sous un soleil de plomb, devant des touristes enchantés de voir la vitalité de ces spécimens tropicaux de tout âge ? N’expriment-ils pas leur amour constant pour Fidel, leur Père à tous, pour le Che, le guérillero héroïque, et même pour Raúl, l’héritier si peu charismatique du Commandant en chef ?

Eh bien, non. Ce ne sont là que des apparences. Ces gens si souriants cachent en leur sein un profond désespoir, ces hommes et ces femmes, derrière l’admiration affichée pour les frères Castro, leur vouent en réalité une haine profonde. Combien n’ont-ils fêté (sans bruit, bien sûr, de peur d’être dénoncés) la mort du tyrannosaure ? C’était presque pareil pour la mort de Franco, le dictateur espagnol, disparu il y a plus de quarante ans après un règne sans partage de trente-six ans qui, déjà, paraissait interminable et dont la durée, pourtant, était bien moins moindre que celle du castrisme. La différence c’est que, en Espagne, il n’y a pas eu de successeur, hormis un roi plutôt porté sur une transition démocratique. Fidel Castro, lui, a assuré ses arrières, sa succession, d’abord en désignant Raúl. Puis celui-ci a placé aux postes-clés sa propre descendance, son fils, son gendre, l’une de ses filles. Ils ne gouverneront peut-être pas en pleine lumière, comme Raúl lui-même, mais ils contrôleront un président fantoche comme ils contrôlent déjà, avec les généraux et autres officiers  des Forces armées révolutionnaires, les principaux secteurs de l’économie d’un pays dont ils ont fait leur propriété féodale.

Il est triste de voir tous ces hommes politiques, principalement de gauche mais aussi de droite, tous ces intellectuels, écrivains, cinéastes, musiciens, rockers (voir les Rolling Stones) chanteurs, modistes (voir Karl Lagerfeld) et autres personnalités people au demeurant assez pitoyables, adouber ces révolutionnaires qui ne sont plus que la caricature d’eux-mêmes. Il est révoltant de voir un François Hollande, après le couple Mitterrand et le sempiternel Jack Lang, faire des pieds et des mains pour se faire prendre en photo, tout sourire, avec le cadavre ambulant qu’était le Commandant en chef en avril 2015 puis de recevoir en grande pompe à l’Élysée le frère cadet, avec deux cents invités qui n’avaient rien à y faire. N’oublions pas les séjours à La Havane de Barack Obama ou de Justin Trudeau, qui tenaient plus du spectacle frivole que de la realpolitik et du désir d’améliorer la situation du peuple cubain sur le plan matériel ou de satisfaire son désir de liberté.

La liberté, justement. Elle n’est pas en vue. Raúl Castro continue à réprimer impunément, tout autant que Fidel. La mort de celui-ci n’est porteuse d’aucun espoir, malheureusement.

Moi-même, comme tous les exilés, je n’envisage aucunement de rentrer dans mon pays avant d’entrevoir une opportunité démocratique. En attendant, je continuerai à lutter, avec les armes qui sont les miennes, l’écriture et la parole, pour dénoncer les mensonges éhontés et la répression sans pitié des gérontes galonnés, ainsi que les complicités des « idiots utiles » de ce totalitarisme tropical, qui n’apparaît souriant qu’à ceux qui n’ont jamais eu à en souffrir la cruauté toujours renouvelée. 

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