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Mis à disposition ou mis en détachement, telle est la question
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Education nationale

Jusqu’à la réforme des universités, qui ont gagné en autonomie dans la gestion des personnels, le président du Conseil d'analyse de la société (CAS), Luc Ferry, était mis à disposition par son université Paris VII. Elle acceptait de le payer comme s’il travaillait sur place alors qu'il n'assurait aucun cours. Or, depuis août 2010, c’est le président de l’université en question qui décide si les personnels mis à disposition sont toujours mis à disposition ou mis en détachement (et donc non rémunérés par l’administration d’origine). Près de 20 000 enseignants seraient, en tout cas, dispensés de cours.

Agnès Verdier-Molinié et l'équipe de l'iFRAP

Agnès Verdier-Molinié et l'équipe de l'iFRAP

Agnès Verdier-Molinié est directrice de la Fondation IFRAP(Fondation pour la recherche sur les administrations et les politiques publiques).

Son dernier ouvrage est : 60 milliards d'économies !, paru aux éditions Albin Michel en mars 2013
 

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En 2005, un rapport de la Cour des comptes montrait que 97.000 personnes physiques sur un total de 803.000 enseignants du primaire et du secondaire n’enseignaient pas. Et c’est sans compter ceux qui, pour des motifs divers, se voient déchargés de certaines heures de cours qui leur sont pourtant payées. Qu’en est-il en 2011 ? Combien d’enseignants n’exercent pas devant les élèves ?

En 2005, le ministère de l’Éducation nationale et la Cour précisaient que, parmi eux, on trouvait 21.000 enseignants non payés par l’Éducation nationale (9.000 enseignants "en disponibilité", c’est-à-dire ayant décidé de quitter temporairement l’enseignement pour écrire un livre, élever des enfants, voyager… et 12.000 "détachés", travaillant pour les collectivités territoriales, la Culture ou l’Enseignement à l’étranger). 26.500 étaient, selon la Cour, hors secondaire ou hors ministère. Ils exerçaient en IUFM, faisaient de la formation pour adultes ou enseignaient en prison. Enfin, 18.000 exerçaient des activités pédagogiques mais hors présence dans une classe et 32.000 étaient "sans classe ni activité pédagogique".

Cinq ans plus tard, que sont-ils devenus ? Dans les chiffres qu’il communique chaque année, le ministère ne donne pas le nombre total d’enseignants devant les élèves.

Payés et dispensés de cours

Dans un rapport de mai 2010, la Cour des comptes montre que de nombreuses heures sont encore payées aux enseignants sans qu’ils soient occupés à enseigner devant leurs élèves ou à préparer leurs cours. Ainsi, à la rentrée 2009, ces « décharges de service » représentaient « 369.633 heures hebdomadaires, soit l’équivalent d’environ 20.535 emplois  ». Sans compter que les rectorats ne contrôlent que peu ou pas les décharges horaires accordées aux enseignants. A Aix-Marseille, d’après la Cour, les « états de service » ne sont pas contrôlés depuis une dizaine d’années et ne sont utilisés que dans les cas de litiges relatifs au paiement d’heures supplémentaires.

« De nombreuses heures sont encore payées aux enseignants sans qu’ils soient occupés à enseigner devant leurs élèves ou à préparer leurs cours. »

Selon nos informations, ce sont aujourd’hui environ 20.000 enseignants du premier et du second degré qui ne sont pas devant les élèves. En ce qui concerne l'Enseignement supérieur, le  nombre d’enseignants-chercheurs mais à disposition serait selon le ministère d’environ 800,  et le nombre de détachés serait de 960.

Les mises à disposition sont utilisées dans deux cas bien connus : pour les syndicats et pour les cabinets ministériels. Dans le cas des cabinets ministériels, les ministères paient seulement la "prime de cabinet" et le salaire de la fonction publique qui continue à leur être versé par leur corps d’origine. Pour les mêmes missions, un collaborateur de ministre peut être payé substantiellement différemment d’un ministère à l’autre et de manière tout à fait opaque.

Pour les fonctionnaires, le passage par un cabinet est surtout vu comme un accélérateur de carrière. Les fonctionnaires passés par les cabinets ministériels vont bien vite pantoufler, c'est-à-dire travailler dans le privé sans pour autant perdre les avantages de leurs statut. Ils pourront revenir après 6 ans, voire 15 ou 20 ans dans leurs administrations d’origine quand le privé ne voudra plus d’eux, et avant une confortable retraite.

Pour les syndicats, qui se souvient de la savoureuse nomination de Jean-Christophe Le Duigou, début 2008, au poste de Conservateur des hypothèques de Corbeil-Essonnes ? Numéro 2 de la CGT, il n’avait pas mis les pieds au ministère des Finances depuis près de 30 ans de mise à disposition. Mais, à 58 ans, un bref passage dans cette charge va lui procurer une retraite très confortable, tout en étant dispensé de tout travail dans ce poste. Et ce n’est qu’un exemple parmi beaucoup d’autres, révélateur de l’hypocrisie ambiante.

Selon les chercheurs Dominique Andolfatto et Dominique Labbé, le nombre de personnels mis à disposition des syndicats entre les administrations et les entreprises publiques serait d’environ 40 000…

Modalités :

mises à disposition

La mise à disposition est la situation du fonctionnaire qui demeure dans son corps d’origine, est réputé occuper son emploi, continue à percevoir la rémunération correspondante mais qui effectue son service dans une autre administration que la sienne.

Elle peut être faite au profit :
  -  d’une administration de l’Etat,
  -  d’un établissement public administratif de l’Etat (EPA),
  -  d’une organisation internationale, intergouvernementale,
  -  d’un organisme d’intérêt général public ou privé,
  -  d’une organisation à caractère associatif qui assure une mission d’intérêt général.

Détachement

Le détachement est la position du fonctionnaire placé hors de son corps d’origine et continuant à bénéficier dans ce corps de ses droits à avancement et retraite.

Le détachement est généralement prononcé par arrêté du ministre sur demande de l’intéressé. Il est de plein droit pour :
  -   exercer des fonctions de membre du gouvernement ou un mandat de membre de l’Assemblée nationale, du Sénat, du Parlement européen ou pour accomplir un mandat local (dans les cas   prévus par le code général des collectivités territoriales),
  -  exercer un mandat syndical,
  -  accomplir un stage ou une période de scolarité préalable à la titularisation ou,
  - suivre un cycle de préparation à un concours

Les 14 cas de détachement

1. auprès d’une administration ou établissement public de l’État dans un emploi conduisant à pension du Code des pensions ;
2. auprès d’une collectivité territoriale ou d’un établissement public en relevant ;
3. pour participer à une mission de coopération au titre de loi du 13/07/72 ;
4. auprès d’une administration de l’État, d’un établissement public, d’une entreprise publique, dans un emploi ne conduisant pas à pension du Code des pensions ;
5. auprès d’une entreprise ou d’un organisme privé d’intérêt général ou de caractère associatif assurant des missions d’intérêt général ;
6. pour dispenser un enseignement à l’étranger ;
7. pour remplir une mission d’intérêt général à l’étranger ou auprès d’organismes internationaux ;
8. pour exercer les fonctions de membre du gouvernement, mandat local, ou une fonction publique élective empêchant l’exercice normal de la fonction ;
9. auprès d’une entreprise ou organisme privé ou groupement d’intérêt public pour exécuter des travaux de recherche et d’intérêt national ou assurer le développement de telle recherche ( il faut que le fonctionnaire n’ait pas, dans les 5 dernières années, exercé un contrôle sur l’entreprise ou participé à des marchés avec elle) ;
10. pour l’accomplissement d’un stage ou scolarité préalable à la titularisation dans un emploi permanent de l’État, de collectivités locales et de leur Établissement Public ou pour suivre un cycle de préparation à un concours donnant accès à un de ces emplois ;
11. pour exercer un mandat syndical ;
12. auprès d’un député à l’assemblée ou un sénateur ou d’un représentant de la France au Parlement européen ;
13. pour contracter un engagement dans l’Armée française ou pour exercer une activité dans la réserve opérationnelle.
14. auprès de l’administration d’un État membre de la Communauté européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen.

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