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Faut-il revoir le mode de financement des campagnes électorales ?
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Quand un animal chasse l’autre

À partir de 1990, le législateur a adopté de nombreuses dispositions en matière de financement de la vie politique et des campagnes électorales, destinées à en assurer la transparence. En vain.

Jean Garrigues

Jean Garrigues

Jean Garrigues est historien, spécialiste d'histoire politique.

Il est professeur d'histoire contemporaine à l' Université d'Orléans et à Sciences Po Paris.

Il est l'auteur de plusieurs ouvrages comme Histoire du Parlement de 1789 à nos jours (Armand Colin, 2007), La France de la Ve République 1958-2008  (Armand Colin, 2008) et Les hommes providentiels : histoire d’une fascination française (Seuil, 2012). Son dernier livre, Le monde selon Clemenceau est paru en 2014 aux éditions Tallandier. 

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Atlantico : La loi de 1990 visait à endiguer les soupçons de financement illégal des partis politiques et en particulier à l'occasion des campagnes présidentielles. Pour quelles raisons n'y est-elle pas parvenue ?

Jean Garrigues : La raison fondamentale est que la vie politique coûte de plus en plus cher. On observe en particulier un renchérissement exponentiel des campagnes. A toutes les époques la législation a cherché à réguler les financements des campagnes politiques et, automatiquement, les différentes familles politiques ont trouvé des stratégies de contournement de ces garde-fous juridiques et administratifs. La loi de 1990 était la résultante de plusieurs scandales qui avait pour cibles notamment les bureaux d’études fictifs qui était en réalité un système de racket des entreprises à l’échelle nationale en ce qui concerne le Parti socialiste et à une échelle locale comme les offices HLM de paris pour le RPR. Depuis les lois de régulation du début des années 90, il y a eu des stratégies de contournement. On peut citer par exemple la création des micro-partis, le système des financements individuels et des sociétés qui attribuent à leurs cadres des fonds pour qu’ils financent à titre individuel les partis. Sans oublier l’incontournable rôle des paradis fiscaux et des comptes secrets alimentés par les « valises de billets ». Les systèmes de financements occultes qui ont eu cours dans les années 1970 et 1980 ont été démantelés par les lois du début des années 1990 mais depuis de nouvelles stratégies de contournements se sont recréées. Le système de financement considérable qui a perduré depuis les années 1960 jusqu’à aujourd’hui  est le système des rétro-commissions liées au lobby militaro-industriel et à l’industrie pétrolière (l’exemple-type fut l’affaire Elf)

Comment expliquer ce tabou français autour des financements privés ?

Jean Garrigues : Tout d’abord, le financement privé s’est organisé en France dans la plus grande opacité depuis le début du XXe siècle, en particulier l’existence de caisses noires. La distribution de l’argent patronal était moins tributaire des intérêts partisans que de critères de notoriété dans le sens où les entreprises finançaient l’ensemble de l’échiquier politique français et dans le cadre d’élections législatives donnaient au candidat favori. Ce système était très inégalitaire entre les candidats avec parfois un rapport de 1 à 10 en ce qui concerne le montant des financements. Ce processus falsifiait en quelque sorte l’exercice démocratique. Toutes les familles politiques avait recours à ces systèmes de financements illégaux mais historiquement, il y a toujours eu un avantage du financement par le patronat pour les candidats de droite du fait de leur proximité et des valeurs qu’ils partageaient en commun.

Pourrait-on envisager de changer de position sur ce sujet ? A quelles conditions ?

Jean Garrigues : Il me parait très difficile d’introduire dans le système français les méthodes qui ont cours aux Etats-Unis. Il y a une sorte de défiance française envers l’argent qui est issue de la culture de la gauche. Il y aurait automatiquement une levée de boucliers d’une partie de l’opinion publique et notamment de la gauche de la gauche. Ce type de financement n’est pas dans la culture française comme le sont également les lobbys. La culture française entretient l’opacité car ces systèmes sont tabous.

En ce qui concerne les campagnes présidentielles, le plafond fixé (13 millions au premier tour et 18.5 millions au second) n'est-il pas trop en-dessous des besoins réels d'un candidat ?

Jean Garrigues : Oui il y a une contradiction et un décalage incontestable entre les besoins des candidats pour l’organisation de leur campagne et le plafond mis en place par la législation. En cause la surmédiatisation et l’américanisation de la vie politique française qui amène les candidats à dépenser des sommes considérables. Etant donné la défiance française envers l’argent, un système de financement de type « libéral » avec des moyens plus conséquents serait impossible à instaurer dans notre pays.

Quelles autres pistes d'amélioration pourraient être envisageables ?

Le débat ouvert par François Hollande sur la moralisation de la vie politique à la suite de l’affaire Cahuzac a donné quelques pistes pour lutter contre les financements illégaux des partis politiques. La création d’une Haute Autorité de surveillance des élus et des partis politiques paraît incontournable pour lutter de manière intelligente contre les dérives chroniques à la vie politique française.

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