Face à la transition écologique, Emmanuel Macron a sans doute trouvé un chemin qui évite l'autoritarisme ou la décroissance, mais il a du mal à l’expliquer<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron, avec sa planification écologique, a peut-être trouvé un chemin médian d'autant qu'on aurait les moyens de le financer sans impôts nouveaux.
Emmanuel Macron, avec sa planification écologique, a peut-être trouvé un chemin médian d'autant qu'on aurait les moyens de le financer sans impôts nouveaux.
©Geoffroy Van der Hasselt / AFP

Atlantico Business

La nécessité de s'attaquer au réchauffement climatique engendre des solutions d'autoritarisme ou de décroissance. Ces solutions sont inapplicables. Emmanuel Macron, avec sa planification écologique, a peut-être trouvé un chemin médian d'autant qu'on aurait les moyens de le financer sans impôts nouveaux. Décryptage d'un discours qu'il aurait fallu lire deux fois.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

Il est aussi l'auteur du blog http://www.jeanmarc-sylvestre.com/.

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Emmanuel Macron a désormais un handicap qui le rend inaudible ou illisible. Ses dernières communications : son interview à TF1 la semaine dernière, son discours en Corse, ses commentaires publics à l'occasion de la visite du Roi d'Angleterre ou du Pape François à Marseille ne lui ont pas permis de frapper l'opinion. C'est dommage parce que l'insistance avec laquelle il est venu parler et reparler de la transition écologique mériterait un moment d'attention. Beaucoup d'observateurs politiques ont d'ailleurs noté que le président de la République se retrouvait en phase avec beaucoup d'experts. N’en déplaise à Sandrine Rousseau et tous ses copains ;

Ce dossier-là est sans doute le plus important à traiter à l'échelle de la planète et il est surtout très compliqué.

1er point : tout le monde admet maintenant que le réchauffement climatique est une réalité et que le risque de cette réalité n'est pas un fantasme. Il va entraîner des changements de mode de production et de mode de vie qui peuvent être gigantesques.

2e point : tout le monde reconnaît que ce changement approche à la vitesse grand V et qu'il est imputable à l'activité humaine. Ce sont nos modes de production et de consommation qui sont en cause.

3e point : c'est tellement grave qu'une grande majorité des opinions publiques ont tendance à nier le phénomène, à le déporter géographiquement et même à désigner des coupables alors que les coupables sont partout.

4e point : la plupart des réponses au problème se partagent en trois catégories : certains veulent laisser faire le marché, d'autres revendiquent une intervention réglementaire des États, de l'autoritarisme pour normer, contrôler et gérer, enfin les courants portés par les économistes les plus radicaux ressortent les vieux projets de revenir à la décroissance.

Ces solutions, qui se battent en duels dans les débats publics, politiques et même académiques, sont inapplicables. L'autoritarisme aura du mal à imposer ses normes et ses rythmes, et pas seulement dans les pays démocratiques, mais aussi dans les régimes les plus autoritaires. Les régimes autoritaires doivent tenir compte de leurs opinions publiques. Elles ne votent pas, mais elles sont très sensibles à la dégradation de leur environnement. Le maire de Shanghai en sait quelque chose, lui qui occupe le poste le moins protégé du système chinois. Il est nommé par le Parti communiste au pouvoir, mais Pékin est bien obligé de tenir compte des manifestations des foules urbaines particulièrement sensibles à la qualité de l'air qu'elles respirent. Ne pouvant pas changer la qualité de l'air, Pékin change le maire, tres souvent .

Une autre solution beaucoup plus idéologique serait d'organiser la décroissance. Les projets de changer le modèle de société sont dans la tête des plus extrémistes de la gauche et des verts. Ces projets reviendraient à proclamer de nombreuses interdictions ou restrictions. Interdiction de circuler en voiture, en avion, éliminer les activités les plus polluantes et surtout changer toutes nos habitudes de vie et de consommation en revenant au plus strict nécessaire.

Pas de croissance, pas de pollution. Le projet est simple mais inenvisageable. Les plus radicaux de ses partisans de la croissance s'imaginent mal vivre sans les fruits de la croissance dont ils profitent. Le progrès technologique, l'espérance de vie, la santé, la vie n'a été de tout temps qu'un combat pour s'affranchir des vicissitudes imposées par la nature.

Le projet de planification écologique proposé par Emmanuel Macron tente d'échapper aux principes de la contrainte sans pour autant laisser les marchés totalement libres de faire les arbitrages parce que de toute façon, le marché ne fera pas ces arbitrages. Son projet, c'est d'abord de prendre acte que les entreprises sont capables de prendre en charge une grande part des mutations et des changements. Beaucoup de grandes entreprises ont déjà entamé leur transformation sous la pression conjointe de leurs clients, de leurs salariés et de leurs actionnaires. Ensuite, il s'agirait de créer un écosystème très favorable à la mutation volontaire de la part des acteurs économiques et sociaux, en multipliant les encouragements fiscaux et en ciblant les aides et les subventions. Enfin, il faut aider au financement de la mutation écologique, à commencer par la mutation énergétique. Pour l'instant, l'État a repris le contrôle d'EDF qui doit relancer son programme nucléaire, mais l'effort d'investissement va bien au-delà d'une mise en place d'une politique de l'électricité. Ça touche à l'automobile, au logement, à l'urbanisation, etc., etc.

La France, qui veut éviter la décroissance d'un côté et échapper à une politique européenne qui a déjà piégé toute l'Europe en se mariant (via l'Allemagne) avec le gaz russe de l'autre côté, va donc avoir à affronter deux obstacles de poids. L'obstacle allemand qui est hostile au nucléaire alors que toute l'Europe du Nord est prête à s'associer au projet.

L'obstacle financier. Pressée par la nécessité de protéger la fin du mois, de lutter contre l'inflation, la France ne pourra pas financer les investissements nécessaires à la mutation et continuer de faciliter à coup d'argent public l'utilisation d'énergie fossile (le pétrole). C'est le pari d'Emmanuel Macron : obtenir de l'opinion publique la capacité de financer la transition écologique, alors que le budget a fait le plein des dépenses publiques, que Bercy ne pourra plus emprunter ou proposer des impôts nouveaux.

On a l'impression que le président de la République s'est mis tout seul dans un corner , mais savait bien que . la France a des réserves, et les Français dorment (souvent mal) mais sont installés sur un trésor qu'ils n'utilisent pas et qui ne sert qu'à calmer leur angoisse, leur stress et leurs insomnies. Ce trésor représente 6000 milliards d'épargne liquide ou très rapidement réalisables.

La logique économique voudrait que cette épargne soit mobilisée pour financer la mutation écologique. Si l'opinion a peur du réchauffement climatique et si c'est à cause de cette peur qu'elle épargne aussi massivement, qu'on lui propose des investissements capables de lutter contre le réchauffement climatique. La renationalisation de EDF se justifiait peut être par des raisons politiques , mais le financement de la relance du nucléaire , le développement de l hydror- industrie pourrait rester financés par le privé.

Dans ce cas-là, on pourra dire que cette épargne de précaution privée prépare l'avenir. La question des véhicules financiers capables de porter cette épargne et de l'orienter vers les secteurs dont on a besoin ne doit pas être difficile à résoudre par l'industrie financière. La proposition n'est pas utopique quand on voit les progrès que réalise l'Amérique et les projets qu'elle développe. En tout cas, les moyens existent pour financer cette mutation sans passer par l'impôt ou par l'État. En ouvrant les portes, l'État fait son job.

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