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États généraux de la bioéthique : la France face aux lourds défis de notre individualisme forcené
©Flickr/genue.luben

PMA

Don d'organe, euthanasie, PMA, autant de questions qui seront abordées lors des Etats généraux de la bioéthique qui se sont ouverts ce mercredi 17 janvier.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Atlantico :  Les Etats généraux de la bioéthique se sont ouverts ce mercredi 17 janvier dans toute la France. À l’occasion de  ces États généraux les citoyens, experts ou non, pourront débattre de questions telles que le don d'organe, l'euthanasie, la PMA, en vue de la rédaction d'un rapport pour le Comité consultatif national d'éthique. Dans une tribune publié par Le Monde, 110 personnes dont Elisabeth Badinter ou Pierre Rosanvallon souhaitent que la GPA (gestation pour autrui) soit intégrée au débat au motif que "Les enfants nés par le recours à la GPA sont là, on ne peut plus les ignorer comme des fantômes et faire comme s’ils n’existaient pas". Les défenseurs de la GPA s’appuient sur des cas individuels. Cette approche individualiste ne masque-t-elle pas les questions de fond que pose la GPA ?

Bertrand Vergely : La GPA pose deux questions. La première humaine. Quand un enfant est fait par GPA à l’étranger cet enfant existe. Reste que la GPA étant interdite en France, si cet enfant est rapatrié, bien qu’existant il n’aura pas d’existence légale. Ce qui est bien évidemment gênant. D’où la question posée par les signataires de la tribune du Monde : « Ne serait-il pas temps de donner une existence légale à ces enfants ? » Il est certain que, si une reconnaissance légale est donnée à tous les enfants nés par GPA à l’étranger, un drame humain sera évité. Mais d’un autre côté, cette reconnaissance  va de fait reconnaître la GPA faite à l’étranger. Et reconnaissant la GPA à l’étranger inévitablement la question se posera : pourquoi la GPA pour les enfants nés à l’étranger et pas la GPA en France ? C’est là qu’intervient la deuxième question posée par celle-ci.  

Deux hommes, deux femmes ne peuvent pas avoir d’enfants. Si le législateur décide que demain, ce qui est impossible puisse devenir possible grâce à un détour médical et juridique, on ne va pas changer de société. On va changer d’humanité  pour trois raisons. 1) De fait, il sera reconnu que l’on n’a plus besoin du couple homme-femme comme couple de base pour donner la vie, d’autres couples étant possibles. 2) Il sera reconnu que l’on n’a plus besoin du couple père-mère pour éduquer un enfant, d’ »autres couples étant possibles. 3) Autrement dit, noyés dans la pluralité des couples en n’étant plus qu’un couple parmi d’autres, le couple homme-femme qui est à la base de la vie et le couple père-mère qui est à la base de l’éducation disparaîtront.  Il y aura certes encore des couples homme-femme et des couples père-mère. Mais ce ne sera plus la même chose. Un couple possible parmi d’autres isl seront déréalisés, dématérialisés, vidé de leur substance dans un l’indifférenciation générale. L’indifférenciation étant le propre de la mort et du nihilisme, via la noyade des données de la vie et de l’éducation la pulsion de mort et le nihilisme pourront continuer à envahir nos esprits. Témoin les conséquences de la disparition du couple homme-femme et du couple père-mère comme couples fondateurs. Ainsi, on ne le voit pas et on ne veut pas le voir mais la fin du couple homme femme pour faire un enfant et du couple père-mère pour l’élever, cela veut dire que la mère est désormais inutile. Quelle gifle pour les mères et, derrière elle, quelle gifle pour les femmes ! Et pour un enfant la privation d’une mère avec la souffrance que cela suppose, quelle gifle pour l’enfant ! La violence avance toujours masquée, fait remarquer René Girard. Avec la GPA c’est le cas. Derrière ce qui est avancé comme un progrès sociétal c’est, pour le confort des adultes, une gifle adressée, aux mères, aux femmes et aux enfants. 

Y a-t-il d’autres cas où les cas individuels sont instrumentalisés ? Cette instrumentalisation, que révèle-t-elle ? 

Il y a d’autres cas.  L’euthanasie. À l’autre bout de la vie. Là encore, il y a les cas individuels qui sont dramatiques, bouleversants. Et il y a l’humanité. Euthanasier quelqu’un c’est le tuer. L’aider à se suicider c’est l’aider à se tuer. L’humanité évoluée dans laquelle nous essayons de vivre repose sur l’idée que tuer n’est pas une solution. C’est la pire des solutions. La plus violente des solutions. Et se tuer également. Pour faire vaciller ce principe les partisans de l’euthanasie ont recours à des cas individuels particulièrement dramatiques. Forcément, quand on est contre le fait de tuer, on ne sait pas quoi dire. Vous avez raison de le souligner, derrière cela il y a un enjeu politique et idéologique à deux niveaux. 

Premier niveau : : politiquement, s’agissant de la GPA, il renvoie à une certaine approche du féminisme et à une certaine approche des droits de l’homme. Il y a parmi les féminismes un féminisme anti-mère, la mère étant censée enfermer la femme. D’où l’alliance de ce féminisme avec les partisans de la GPA.  Il y a parmi les défenseurs des droits de l’homme des partisans du droit sans devoir. D’où l’alliance de cette vision des droits de l’homme avec les partisans de la GPA qui réclament des droits sans se préoccuper de leurs devoirs à l’égard des femmes, des mères et des enfants. S’agissant de l’euthanasie, l’aspect politique renvoie à une volonté de déculpabiliser la violence au nom de la souffrance et la violence envers soi au nom de la liberté individuelle et de la démocratie. 

Deuxième niveau : celui-ci repose sur un mélange de libéralisme et de désespoir qui sert déjà d’idéologie dominante et que ses partisans entendent propager. Le, libéralisme ? Il repose sur le désir de décider de tout. Le désespoir ? Il repose sur l’idée que Dieu étant inexistant, la vie tragique, et l’homme totalement seul au monde, il n’existe qu’une vérité, la mort, celle-ci étant le point final de l’existence. Libéralisme absolu sur fond de désespoir. C’est le programme philosophique et métaphysique dans lequel se reconnaissent l’individualisme libéral et la révolte libertaire et qu’ils veulent faire triompher.  

Que faudrait-il pour qu’un débat ait lieu dans lequel les cas individuels et les questions de fond puissent cohabiter ? 

Une seule chose : se calmer. Se taire. Faire silence. Revenir sur la présence profonde à soi. Et laisser parler la Vie avec un grand V. Nous possédons tous la présence de la vie en nous. Quand on revient à celle-ci, il est étonnant de voir combien elle inspire et combien elle fait découvrir des solutions et des réponses là où l’on pensait qu’il n’y en avait aucune. Notre  monde cherche la noce profonde avec la vie qui lui permettra d’accoucher de lui-même. Quand il veut à la fois démanteler la famille et inventer de nouvelles parentalités, il agit ainsi parce qu’il cherche sa noce intérieur, son masculin et son féminin intérieurs, son père, sa mère et son enfant intérieurs. Quand il ira en lui-même dans sa présence profonde, trouvant sa noce intérieure, il cessera de faire souffrir le monde en prétendant refaire la carte de la vie. 

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