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Et Simone Veil entra au Panthéon au moment même où l’UDF fut dévitalisée par Emmanuel Macron
©STAFF / AFP

Européenne(s)

L'ancienne ministre et présidente du Parlement européen, Simone Veil, fût également tête de liste de l’UDF pour les premières élections européennes au suffrage universel en 1979. Alors qu'elle entre au Panthéon ce dimanche, l'idéal européen des centristes est au centre de l'actualité.

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet, ancien Président de l’Observatoire de l’extrémisme, est chroniqueur, directeur de la Revue Civique et initiateur de l’Observatoire de la démocratie (avec l’institut Viavoice) et, depuis début 2020, président de l’institut Marc Sangnier (think tank sur les enjeux de la démocratie). Son compte Twitter : @JP_Moinet.

 

 

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Atlantico : Un an après son décès, Simone Veil entre aujourd'hui avec son mari Antoine au Panthéon, Emmanuel Macron prendra la parole pour saluer la mémoire de l'ancienne ministre et présidente du Parlement européen, qui fût également tête de liste de l’UDF pour les premières élections européennes au suffrage universel en 1979. Presque 40 ans plus tard, quelle est la place des centristes dans l'échiquier politique ? 

Jean-Philippe Moinet : La place des centristes est... centrale. Simone Veil, aujourd'hui honorée comme il se doit par la République, apprécierait sans doute la situation d'aujourd'hui, au-delà d'épisodes qui peuvent alimenter l'esprit critique: y compris d'ailleurs concernant les membres de sa propre famille politique, l'ex-UDF, le regard critique de Simone Veil, en privé, était très aigu et parfois sévère. L'orientation délibérément, franchement et profondément européenne d'Emmanuel Macron correspond à l'attachement viscéral de Simone Veil à la construction européenne, à la répulsion que suscitait chez elle les nationalismes et la xénophobie, dont elle a pu constater, jeune, dans sa chair, dans sa vie et celle des siens, jusqu'où ils pouvaient mener : la folie meurtrière. Après l'horreur absolue de la Shoah, toute sa vie a été tendue vers cet engagement européen, et l'un des moments les plus émouvants de sa vie politique a été celui où elle a été portée à la présidence du Parlement Européen. Quand l'hémicycle européen, députés allemands compris bien sûr, s'est levé pour l'acclamer, l'histoire de l'Europe résonnait et se grandissait, chassant les démons qui avaient précipité notre continent dans le chaos et la tragédie. 

Dans un contexte différent, cette voie européenne, qui est l'un des points les plus forts de l'identité centriste, est de pleine actualité. Bien sûr, les centristes stricto sensu peuvent paraître, structurellement éclatés et minorés dans le paysage politique français actuel mais, au-delà du jeu des formations politiques, intellectuellement, philosophiquement, ils sont en fait partout, en tout dans ce "grand centre", ce grand dépassement du classique clivage gauche-droite, qu'Emmanuel Macron a incarné, porté au pouvoir, provoquant la recomposition politique que l'on sait. De ce point de vue là, la place des centristes est privilégiée. Bien d'autres pays européens les envient. 

L'électorat centriste rassemble des cadres, des professions libérales et intellectuelles, des urbains, et une base issue de la démocratie chrétienne, se reconnaît dans les valeurs d'Emmanuel Macron. Par ailleurs, cet espace de l’« entre-deux » qui peut s’élargir ou s’amoindrir selon les circonstances, a-t-il une existence propre depuis l'élection d'Emmanuel Macron?

Une existence propre, non. L'électorat centriste est partie intégrante, et intégrée, du "grand centre", ce grand "Marais" qui a participé en 2017 à la double volonté majoritaire de rejeter les partis traditionnels et de se prémunir contre les extrêmes. Entre LR de Laurent Wauquiez et le parti lépéniste d'une part, le PS d'Olivier Faure et le parti mélenchoniste d'autre part, il ne peut y avoir d'existence réellement propre, au sens autonome, pour l'électorat centriste, dans un court et moyen terme en tout cas. Tout l'enjeu de la recomposition souhaitée et organisée par le tandem Emmanuel Macron - Edouard Philippe, est de faire émerger et structurer un vaste mouvement d'idées, un mouvement politique et électoral, au-delà des circonstances. C'est le pari de ce début de mandat présidentiel, inédit à bien des égards sous la Vème République, qui a dérouté et perturbé bien des acteurs et observateurs de la vie politique. La question est désormais de savoir si ce pari va être une réussite dans la durée. Beaucoup dépendra des résultats tangibles des réformes engagées, notamment sur le plan économique et social - le pays va-t-il se redresser, le chômage et la pauvreté reculer sensiblement ? - résultats qui seront peut-être mesurables d'ici un an ou deux. Une partie dépendra aussi de la capacité d' l'organisation, idéologique et politique, de la majorité, de la capacité de LREM notamment à ne pas se replier sur la défense des actions gouvernementales, à s'ouvrir au débat d'idées et à l'avenir, à agir en bonne intelligence avec d'autres courants et à rester ouvert à de nouveaux acteurs de la société civile. Les mois prochains diront si Christophe Castaner par exemple a ou non cette vision, qui dépasse la simple défense de positions.  

Enfin, depuis l'alliance avec François Bayrou jusqu'à aujourd'hui, le centre a-t-il été absorbé par LREM?

Le centre d'avant 2017 n'est plus le grand centre de l'après 2017. Avec la double victoire, de la présidentielle et des législatives, de 2017, LREM a eu naturellement tendance à occuper quasiment tout l'espace. Mais le Modem de François Bayrou, même s'il apparaît en retrait ou effacé aujourd'hui, garde une certaine solidité avec sa cinquantaine de parlementaires et utilité certaine dans le débat public, s'il est audacieux en ce domaine. Ce rôle peut être plus important qu'on le croît, aussi si les dirigeants de LREM, si Emmanuel Macron et Edouard Philippe, savent sortir des impératifs du court terme et privilégier une vision à moyen et long terme. Tout l'intérêt de LREM serait de favoriser dès à présent, en perspective des prochaines élections (européennes de 2019, municipales de 2020), des débats très ouverts, des alliances  renouvelées et de les organiser méthodiquement. Avec le Modem de François Bayrou, situé à "l'épicentre" de l'échiquier, dont le rôle peut être d'autant plus actif, et finalement intéressant, que les principaux dirigeants du Modem ne sont plus au gouvernement: au départ, cela est vécu comme une contrainte et pénitence, à l'arrivée cela peut être retourné comme une chance. Ces dirigeants sont disponibles pour animer le débat d'idées, attirer de nouveaux soutiens, au centre-centre droit, et faire mouvement. Un chantier, de relations et d'organisation du débat politique, est donc potentiellement ouvert, pour l'espace important qui existe entre LREM et le parti LR de Laurent Wauquiez. Qui va être le plus audacieux et imaginatif en ce domaine ? Toute une série de chapelles, dont l'UDI de Jean-Christophe Lagarde, Agir de Franck Riester, sans parler des nombreuses individualités en déshérence qui se reconnaissaient dans la personnalité d'Alain Juppé, seraient à relier dans un espace qui paraît stratégique pour la solidité future de la majorité présidentielle et la réussite d'une recomposition politique durable. L'intérêt pour tous ceux là qui se ressemblent au centre droit seraient, d'une manière ou d'une autre, se rassembler. Et eux-mêmes, comme LREM, s'ouvrir à la société civile pour mieux faire mouvement. 

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