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La réforme des retraites doit être présentée ce mardi 10 janvier.
La réforme des retraites doit être présentée ce mardi 10 janvier.
©THIBAUD MORITZ / AFP

Réforme des retraites

En France, le dossier des retraites ressemble à une mauvaise pièce de théâtre. Spectateurs de ce spectacle qui n’en finit pas, les citoyens s’ennuient.

François Garçon

François Garçon

Auteur de France défaillante, Il faut s’inspirer de la Suisse, Ed. L’Artilleur, 2011, prix Aleps du livre libéral 2022. François Garçon a rédigé plusieurs ouvrages sur les mérites de la Suisse (Le modèle Suisse, Perrin – Le Génie des Suisses – Tallandier) , et a enseigné pendant plusieurs années à la Sorbonne.

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En France, le dossier des retraites ressemble à une mauvaise pièce de théâtre. Chacun (syndicalistes, parlementaires, représentants de l’exécutif) surjoue un rôle, mal écrit, incohérent, trompettant à qui veut l’entendre qu’il campe sur une ligne intransigeante : il ne négociera pas, et l’autre, en face, désigné comme l’ennemi, devra forcément capituler. 

Spectateurs de ce spectacle qui n’en finit pas, les citoyens s’ennuient. Eux savent qu’une fois la lumière éteinte et Guignol couché, ils vont écoper de grèves d’avertissements, de grèves de soutien, bref de perturbations en pagaille qui viendront pourrir leur quotidien. 

Pourtant, si l’on met de côté l’antienne que taxer les sociétés du CAC 40 et leurs actionnaires suffirait à tout résoudre de manière définitive (déficit des caisses, pénibilité, etc.), personne n’est vraiment dupe. Trois moyens permettent la pérennité d’un système équilibré : soit augmenter les cotisations, soit diminuer les pensions, soit reculer l’âge du départ à la retraite. 

Moins stupides qu’il y paraît, les Français ont compris que, dans son fonctionnement actuel, le système actuel très généreux, est condamné. 

Mais, un malheur arrivant rarement seul, les Français ne peuvent compter sur les journalistes pour éclairer le tunnel où ils sont enlisés : sur les plateaux de télévision, les invités de tous bords qui ânonnent que le régime général est à l’équilibre - voire légèrement excédentaire - , ne sont jamais poussés dans les cordes sur les déficits abyssaux des régimes spéciaux et de celui des fonctionnaires, qui ne survivent que par la grâce des subventions de l’Etat, autrement dit vous et moi. 

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Et s’il était demandé aux Français d’arbitrer ? Un arbitrage dans l’isoloir, avec non pas un bulletin de vote mais avec un questionnaire sur lequel chaque citoyen serait appelé à se  prononcer sur des questions relatives aux retraites et à leur financement.

Le formulaire, que chaque Français recevrait dans sa boîte aux lettres un mois avant le scrutin, poserait une série de questions qui pourraient être formulées, par exemple, de manière suivante.

« Pour assurer la pérennité de notre régime des retraites, seriez-vous favorable :

- à une diminution des pensions : oui-non

- à une augmentation des cotisations : oui-non

- à une modification de la durée de cotisations (âge pivôt) :

 Age de départ à la retraire à 60 ans, 61 ans, 62 ans, 63 ans, 64 ans, 65 ans 

- à la généralisation d’un système de capitalisation sur le modèle Préfon : oui-non

- à un alignement du régime de retraite des fonctionnaires civils sur celui du régime général (calcul de la pension sur les 25 meilleures années, pension de réversion) : oui-non

- à la réintroduction des primes dans le calcul de la retraite des fonctionnaires : oui-non

- au maintien des régimes de retraite dits spéciaux pour :

RATP, oui-non

SNCF, oui-non

aiguilleurs du ciel oui-non

danseurs Opéra de Paris oui-non

Electriciens et gaziers oui-non

- à une augmentation de la dette publique oui-non

Liste non limitative de questions.

Une telle votation devrait se préparer sur un minimum de six à huit mois. Le temps pour les partenaires sociaux de peaufiner leurs arguments et au gouvernement les siens. Huit mois pendant lesquels les partenaires sociaux échangeraient des arguments et non des pavés.

Un mois avant la date du scrutin, chaque électeur recevrait dans sa boîte aux lettres une brochure de cinquante à cent pages où, sur chaque point du questionnaire, les arguments et contre-arguments seraient développés sur un nombre rigoureusement identique de pages. Avant expédition, cette brochure serait préalablement validée par les parties prenantes au dossier des retraites. 

En fin de brochure, un récapitulatif sur tableau style Excel indiquerait, pour chacune des questions posées, le vote préconisé par les syndicats, les partis politiques, les associations représentatives, le gouvernement. Une sorte d’aide à la décision destinée à ceux que la lecture de la brochure explicative rebuterait. Chaque électeur disposerait ainsi d’un mois pour réfléchir sur les questions qui lui seraient ainsi soumises et les coches à remplir. 

Evidemment, les résultats de la votation seraient contraignants et annoncés comme tel. 

Utopie ? Folie douce ? Pousse au crime ? Est-on bien certain que, confrontés à une nouveauté dans l’univers décisionnel français, les citoyens répondraient négativement à toutes les questions posées ? Qu’ils se vautreraient dans la démagogie la plus sotte ? 

Nous n’en sommes pas du tout convaincus. Et parions même que les résultats ne laisseraient pas de surprendre. Une chose au moins est acquise : la période de gestation de cette large votation serait vraisemblablement exempte de grèves et autres pollutions sociales. 

Quant aux mécontents de ce qui sortirait de cette votation, le gouvernement pourrait toujours faire valoir que, des urnes, une majorité est sortie, s’est exprimée et que ses choix, dans une démocratie, prévalent. Une majorité qui donnerait au gouvernement de plus larges coudées pour imposer une politique qu’il est aujourd’hui incapable de conduire, faute de volonté certes, mais aussi faute de vision claire de ce que les Français souhaitent. Le 25 septembre dernier, les Suisses ont ainsi voté pour porter à 65 ans l’âge du départ à la retraite des femmes, en l’espèce un alignement sur l’âge de départ des hommes. Une votation sans bruit ni fureur.

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