Et si la France poussait l’exemplarité publique jusqu’à… remettre fondamentalement en cause l’insincérité de ses budgets ?<!-- --> | Atlantico.fr
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La France a connu un demi-siècle une dérive considérable des finances publiques.
La France a connu un demi-siècle une dérive considérable des finances publiques.
©ludovic MARIN / AFP

Concours Lépine de nouvelles dépenses

Nicolas Sarkozy a été condamné au nom de l’exemplarité des élus en matière de gestion. Soit. Quid alors de la conception comme de l’exécution des lois de finances dont les petits arrangements sous le tapis ou les dérives se comptent en dizaines de milliards, notamment en période de campagne électorale ? Sans parler du monstre souterrain du hors bilan…

Charles Reviens

Charles Reviens

Charles Reviens est ancien haut fonctionnaire, spécialiste de la comparaison internationale des politiques publiques.

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Atlantico : Alors que le dépassement de frais de campagne a valu un an ferme pour Nicolas Sarkozy, on peut s’interroger sur l’exemplarité des élus en matière de gestion de l’argent public. L’insincérité des budgets des pouvoirs publics public est-elle une chose répandue ? Les dérives des comptes publics sont-elles nombreuses et acceptées ?

Charles Reviens : Il y a une distinction majeure entre le dossier de la condamnation de l’ancien Président de la République et l’enjeu de l’insincérité des comptes publics et donc plus généralement de la gestion de l’argent public.

La décision de justice à l’encontre de Nicolas Sarkozy concerne le financement de la vie politique et le dépassement des frais de campagne pour l’élection de 2012 et non sa gestion de l’argent public. Cette affaire constitue le dernier avatar de la dérive du gouvernent des juges qui est par exemple dénoncé par Mathieu Bock-Coté ou Régis de Castelnau avec de multiples responsables publics mis en examen (ce qui vaut de fait déjà condamnation médiatique) ou condamnés : François Fillon, Nicolas Sarkozy (plusieurs fois), Eric Dupont-Moretti, Agnès Buzyn. On note sur ce point la place centrale du recadrage profond de l’Etat de Droit dans le pré-programme d’Éric Zemmour.

La gestion des comptes publics relève encore, et c’est heureux, du seul champ de la responsabilité politique, mais dans un écosystème politique français qui dans quasiment l’intégralité de son spectre assume depuis un demi-siècle une dérive considérable des finances publiques françaises dont le seul autre exemple occidental me semble être les Etats-Unis.

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Donc l’augmentation de la dette est assumée et le « quoi qu’il en coute » d’Emmanuel Macron n’a fait l’objet d’aucune opposition puissante. On via dans les préprogrammes des candidats pour 2022 un véritable concours Lépine de nouvelles dépenses sur la quasi-totalité du spectre politique : chéquier ouvert pour l’exécutif dans la logique américaine de pork-barrelling, retraite à 60 ans pour Marine Le Pen, augmentation des bas salaires pour Valérie Pécresse, « prime au travail » pour Xavier Bertrand, sans même évoquer les programmes de gauche. Les voies appelant à la sagesse budgétaire sont extrêmement rares : à droite David Lisnard, tandis que l’enjeu de la dette publique et des déficits extérieurs constituent une composante du discours général sur le déclin français d’Éric Zemmour.

Au-delà de la sanction politique, certains Etats se trouvent à un moment dans une situation où ils ne peuvent plus se financer et doivent de fait accepter une mise en tutelle par leurs financeurs externes dans le cadre de financements conditionnels, à l’instar de la situation dans laquelle s’est trouvée la Grèce il y a une décennie.

Les projets de loi de finances qui sont censés rassembler les recettes et dépenses de l’État pour les années à venir sont-ils respectés ? Des années sont-elles à retenir à ce propos ? Y-a-t-il un cadre réglementaire en cas de non-respect d’une loi finance ?

Les enjeux de finances publiques sont encadrés en France par différents dispositifs de contrôle institutionnels : la loi de règlement du budget, les dispositifs pluriannuels inclus dans le pacte de stabilité et de croissance de 2012 pour la zone euro, les avis consultatifs du haut conseil des finances publiques institué également en 2012.

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Concernant la loi de règlement, c’est en France un exercice largement vide qui renvoie à la faiblesse du contrôle parlement évoqué dans l’une de mes contributions.

Le programme de stabilité est une obligation pour les pays membres de la zone euro et inclut une perspective des finances publiques. Le dernier programme a été publié en avril 2021 mais l’analyse dans la durée dévoile une incapacité structurelle de la France à tenir ses objectifs tant un matière de dette que de déficits, notamment par un biais systématiquement optimiste concernant ses prévisions de croissance et l’oubli de tous les chocs récessifs.

Le caractère insincère des budgets de fin de mandat est un classique de l’économie politique identifié depuis longtemps par l’école des choix publics. L’exemple récent le plus éclatant concerne tout simplement le refus récent et inédit en dix ans du haut conseil des finances publiques de rendre son avis consultatif sur le projet de loi de finances pour 2022. Même un économiste keynésien et donc pro dépenses comme Mathieu Plane de l’OFCE admet que de gros milliards de dépenses sont oubliées dans la dernière copie budgétaire du quinquennat Macron.

L’exercice budgétaire peut être parfois un équilibre difficile à tenir pour les élus. Au-delà de la crise du Covid, lorsque les collectivités s’endettent sur plusieurs années, l’action des élus est-elle tolérée ? Y-a-t-il des exemples probants ? Cela représente-t-il un contournement des lois de l’État est d’une bonne tenue budgétaire ?

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Le budget constitue à côté du pouvoir normatif le principal outil de mise en œuvre de l’action publique. Leur politique budgétaire est soumise à un contrôle politique via la réélection.

On peut donner deux exemples antinomiques de gestion budgétaires pour de grands élus récemment réélus. D’un côté Laurent Wauquiez facilement réélu il y a quelques mois à la tête de la région Auvergne-Rhône Alpes en insistant sur la maîtrise de la dépense et la stabilité de la fiscalité, de l’autre Anne Hidalgo également réélue en dépit d’un quasi doublement de la dette de la ville de Paris notamment du fait d’une politique d’achat de logements pour augmenter le parc social de la ville.

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