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Et Macron sortit de l’enfer de l’impopularité : retour sur ces précédents historiques où l’opposition avait (quasi) disparu
©LUDOVIC MARIN / AFP

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Selon un sondage IFOP pour Paris Match, la popularité d'Emmanuel Macron est en hausse. Il y aurait désormais un Français sur deux satisfait de son action. Une situation qui s'explique notamment par la faiblesse de l’opposition.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Selon un sondage IFOP pour Paris Match publié le 5 décembre, Emmanuel Macron rattrape le chemin perdu en termes de popularité en retrouvant un niveau de 50% de Français satisfaits de son action, ce qui est une "première" depuis l'existence de ce baromètre, révélant par la même la faiblesse des différentes oppositions. Au-delà de cette situation, quels sont les précédents historiques du XXe siècle français ou un exécutif avait pu, dans une telle mesure, reléguer l'opposition à une telle faiblesse ? Quels sont les contextes les plus proches de la situation actuelle ?

Jean PETAUX : Les sondages de popularité sont à prendre avec précaution. D’une part ils ne sont pas à confondre avec les intentions de vote et d’autre part ils traduisent nécessairement une relation entre l’échantillon (représentatif de l’ensemble de la société, là n’est pas le problème) et « l’objet » de la question à un instant t, forcément relative. La preuve en est que lorsque surgissent des événements aussi graves que des attentats ou que se constitue une tension internationale impliquant plus ou moins intensément nos soldats, l’opinion se « ressoude » autour de la fonction présidentielle, et donc de son titulaire, qui voit sa courbe de popularité grimper en flèche avec des « + 25% » entre deux sondages. Pour retrouver son niveau initial à plus ou moins court terme selon la durée de la crise.

Ce qui est en revanche tout à fait nouveau en ce qui concerne la tendance haussière de la courbe de popularité d’Emmanuel Macron c’est qu’elle se fait si l’on peut dire « à froid », sans l’intervention d’une « cause occasionnelle » pour employer une terminologie sartrienne et qu’elle semble répondre au contraire à un « souci profond », là encore comme dirait Sartre. Le premier élément que l’on peut souligner c’est le caractère tout à fait exceptionnel de cette remontée. Giscard aime à rappeler qu’à la différence de ses successeurs il n’a connu qu’une seule fois, en sept années, un passage sous la barre des 50% de popularité. Cela ne l’a certes pas empêché d’être battu à sa propre succession le 10 mai 1981, mais, en effet, aussi bien Mitterrand, que Chirac, Sarkozy et, évidemment, Hollande, n’ont connu (en dehors des « moments de guerre ») que des baisses régulières voire franchement catastrophiques de leur indice de popularité tout au long de leurs septennats ou quinquennats. Le record, la palme, si l’on veut, appartient en ce sens au prédécesseur immédiat d’Emmanuel Macron dans le fauteuil élyséen : François Hollande.

Le « cas Macron » est d’autant plus étonnant que l’on ne peut pas dire que sa politique ait connu le moindre succès depuis six mois. La fameuse « courbe du chômage » ne cesse de monter, de peu certes, mais elle ne change pas de pente. Il n’y a pas eu de « victoire symbolique » spectaculaire au plan international sauf l’obtention des JO pour Paris en 2024 et l’élection d’Audrey Azoulai au poste de directrice générale de l’UNESCO. Pour ces deux faits on ne peut dire qu’Emmanuel Macron a obtenu seul ces succès, d’autant qu’ils étaient tous les deux le fruit d’un vote international. Pas de situations de guerre, pas d’attentats (heureusement) : rien de circonstanciel qui aurait pu « doper » la popularité du plus jeune président de la République que la France ait connu et qui va fêter ses 40 ans dans 14 jours. Le seul crédit dont semble disposer Emmanuel Macron est sa manière de présider. Les « verbatim » de la partie qualitative des sondages depuis 4 ou 5 mois désormais ne cessent de le rappeler : les « sondés » lui donnent acte et lui font grâce « du fait qu’il fait ce qu’il avait dit qu’il ferait… ». Cette proposition revient très souvent y compris dans la bouche de « ses » opposants ou de personnes qui reconnaissent ne pas avoir voté pour lui ni au premier ni au second tour de la présidentielle ou s’ils l’on fait c’était à « contre-cœur » contre Marine Le Pen ou pour éviter que Jean-Luc Mélenchon ne soit présent au second tour.  Pas par adhésion au programme de Macron. Pour la raison simple que très peu d’électeurs lisent les programmes avant l’élection et semblent définitivement convaincus qu’il ne sert à rien d’en prendre connaissance puisque de toute façon « ils ne les mettront pas en vigueur ». C’est, en tous les cas, l’opinion majoritaire qu’ont les Français des candidats en position de l’emporter (ou, au moins, d’être qualifiés pour la finale du second tour) : ils mentent aux électeurs une fois élus, en référence à leurs propositions de campagne. En l’occurrence Emmanuel Macron bénéficie, semble-t-il, d’une « embellie de popularité » tout simplement parce qu’il donne le sentiment (et ce n’est pas qu’un sentiment ce sont aussi des faits) d’appliquer son programme… Quand on se pose deux secondes et que l’on réfléchit à cet état de fait on se dit que, décidément, il ne faut pas grand-chose pour satisfaire le « peuple » mais que l’argument semble bien « court » et ne saurait produire des effets durables si les premiers succès matériels, économiques, sociaux, ne se font connaître spectaculairement d’ici l’été 2018.

L’autre argument que l’on peut avancer pour expliquer la remontée sondagière de Macron est la faiblesse non pas de « son » opposition mais de « ses » oppositions. On le sait elles sont au moins 5 principales : Les Républicains ; le Parti Socialiste ; La France Insoumise ; le Parti Communiste et le Front national (non pas en termes de voix obtenus à la présidentielle mais en nombre de députés élus). Mais chacune de ses formations est parcourue de tensions plus ou moins fortes les minant de l’intérieur. La palme revient ici à LR en pleine crise interne pour l’élection de sa présidence. Lire à ce sujet l’excellent ouvrage de Patrick Stéfanini, « La Déflagration »). Le PS est jeté à l’encan (son  siège, ses leaders, son projet). FI multiplie les erreurs de communication et les problèmes idéologiques en son sein (telle que la question de laïcité) ne sont pas apaisés du tout. Inutile d’évoquer la situation du FN entre le départ de son idéologue en chef Philippot et la quasi-dépression (politique s’entend) de sa présidente. Autrement dit LREM est majoritaire devant une opposition fragmentée, éclatée, parcourue de forces centrifuges, sans programme et avec des leaders qui ne sont plus au « bord de la crise de nerfs » comme dirait Pedro Almodovar, mais carrément dedans. Entre les délires de Mélenchon, les désirs de Wauquiez, les déboires de Le Pen et les défroques des socialistes dont on ne connait le nom des administrateurs provisoires que lorsque l’un de ses cadres énervés poste un tweet odieux… cela fait beaucoup de déclinants et de déboussolés.  Est-ce là la principale cause du score de Macron ? C’est une des causes incontestablement. Parce qu’il est forcément plus simple de « régner » en l’absence de solution alternative crédible pouvant prétendre occuper le pouvoir rapidement.

Ce type de situation où une ou des oppositions ont été tellement faibles, s’est déjà produite dans des situations politiques passées. La majorité d’alors a pu donner le sentiment de « gouverner par défaut » une sorte de « Désert politique des Tartares », scrutant, tel le lieutenant Drogo, le héros de Buzzati, une opposition qui ne semble jamais devoir venir. Sous la IVème République, dans les premiers mois des « événements de la guerre d’Algérie », jusqu’en 1957 au moins, les oppositions gaullistes et communistes au gouvernement Mollet par exemple vont être très faibles. D’une part parce qu’un réel consensus (y compris du côté du PCF) se constitue par exemple pour voter (ou s’abstenir sur) les « pouvoirs spéciaux » au gouvernement et même pour envoyer le « contingent » (les Appelés) à partir de mars 1956 en Algérie. Le résultat de cet état de fait politique ne va pas tarder à produire ses effets. Le gouvernement de « Front Républicain » conduit par le « patron » de la SFIO Guy Mollet, en dépit par exemple des départs d’Alain Savary (sur la question, entre autre, de l’usage de la torture) ou du retrait de Pierre Mendes-France, ministre d’Etat sans portefeuille et véritable « cocu » des élections de janvier 1956, le cabinet Mollet donc va battre tous les records de longévité de la IVème République. D’autant que des gaullistes y siègent, tels Jacques Chaban-Delmas ou Maurice Lemaire (au titre du CNRS), alors qu’un Michel Debré continue dans son intransigeante opposition à « militer » pour la fin de la  IVème République et le retour du « Sauveur »,  le Général évidemment.

Le voilà bien le constat que l’on peut tirer : peu ou pas d’opposition, des oppositions « dispersées aux quatre coins de l’Assemblée façon puzzle » (« Les Tontons… » sic), et le gouvernement « règne » sans trop d’obstacles, au moins parlementaires… voire sociaux du 1er février 1956 au 21 mai 1957 : 474 jours quand la durée de vie moyenne des gouvernements sous la IVème est de 270. On peut multiplier ensuite les exemples : de juin 1958 à mi-1959 et même encore jusqu’aux Accords d’Evian (18 mars 1962), le Général de Gaulle n’a face à lui que quelques opposants irréductibles : le PCF (et encore… : la situation est subtile et assez critique pour le PCF en proie à un vrai débat interne dans la fin de « l’ère Thorez » dont Laurent Casanova et Marcel Servin feront les frais d’ailleurs) ; Mitterrand (et encore… : le « scandale de l’Observatoire » va manquer de l’abattre politiquement de peu…) ; Mendes-France (et encore… : il boude dans son coin et tout le monde l’ignore) et quelques « seconds couteaux » : Hernu, Savary, Dumas, etc. Il faut attendre le « coup du référendum » sur le mode d’élection du président de la République au suffrage universel, en octobre 1962 pour voir se reformer un « Cartel des Non » dans lequel on compte même jusqu’à un Paul Reynaud pour qu’un semblant d’opposition unie se forme… Mais comme le référendum du 28 octobre 1962 se solde, avec une abstention tout à fait « recevable » de 23,03%, par un score plutôt médiocre de 37,75% pour le « Non », les oppositions se fragmentent de nouveau aussitôt tant il est plus simple (mais bien plus éphémère) de former des « coalitions négatives » que des « alliances programmatiques ». En juin 1968, après le « raz de marée » gaulliste des législatives anticipées consécutivement aux « événements de Mai », il n’y a pour ainsi dire plus aucune opposition au gouvernement Couve de Murville. Et il va falloir attendre le Programme commun de la Gauche en 1972, après la refondation du PS au congrès d’Epinay de 1971 pour que se reforme une « alternative politique » crédible qui, en dépit des hauts (municipales de 1977) et des bas (législatives de 1978) aboutira à la victoire de Mitterrand le 10 mai 1981. Entre cette victoire et les municipales de 1983, l’opposition « chiraco-barriste » (elle-même divisée) ne va pas exister en dehors d’une guérilla parlementaire nerveuse et vive mais limitée quand même. C’est le retour de la « guerre scolaire » en 1984 qui va doper les « droites » françaises et engager le processus de retour à l’Assemblée d’une majorité de droite en mars 1986 pour une première cohabitation tendue. Même traversée du désert oppositionnel pour le PS entre 1993 et 1997… Qu’on s’en souvienne : les « Guignols » montraient un Lionel Jospin dans la voiture de « Oui-Oui » et avaient surnommé cette marionnette : « Yo-Yo au pays des idées » montrant ainsi que le PS était en panne de sens et en panne d’idées… Et pour faire bonne mesure, même si Jacques Chirac occupait l’Elysée entre 1997 et 2002, l’opposition parlementaire entre les épisodes des Européennes de 1999 (une séquence totalement ridicule entre Séguin et Sarkozy et la dissidence Pasqua-de Villiers) et la perte en mars 2001 de la mairie de Paris normalement imperdable (défaite de Séguin, cavalier seul de Tibéri, incapacité à régler le dossier de « sa » mairie par Chirac) montrent bien que la droite a pu connaitre, elle aussi, des temps de profonde dépression politique. Si nouveauté il y a, depuis le 7 mai 2017 et la victoire de Macron, c’est que désormais ce sont la droite et la gauche ensemble, conjointement, qui errent comme des canards sans tête… Oppositions certes mais surtout opposées à elles-mêmes et entre elles !

Par quels moyens et dans quelles circonstances ces oppositions ont elles pu, dans les cas évoqués, retrouver leurs forces ? S'agit il plus d'erreurs commises par l'executif, une forme de lassitude, ou véritablement la capacité de ces oppositions de se renouveler qui ont pu permettre un retournement de tendance ? 

La fameuse question des « circonstances » chères au Général de Gaulle, à Georges Pompidou, à Valéry Giscard d’Estaing ou à François Mitterrand... Les circonstances ce sont les aléas de la vie politique. Un leader politique doit, tel le pêcheur à la ligne, les surveiller de l’œil et les traiter avec précaution s’il ne veut pas voir se décrocher sa proie politique. Il est une constante dans l’organisation des oppositions et leur victoire éventuelle : forcer la main du destin, tenter de lui donner un coup de pouce favorable à votre sort, est une erreur à ne pas commettre. En mai 1968 Mitterrand croit que son heure est arrivée. Candidat en novembre 1965 face au Général de Gaulle, il parvient à l’amener au ballottage (ce qui ne plut pas du tout au président fondateur de la Cinquième République) autant d’ailleurs par la candidature de Jean Lecanuet, candidat centriste, que par son propre potentiel qui fut quand même grand en tant que candidat unique des formations de gauche, du PCF alors puissant aux Radicaux socialistes en passant par la SFIO. A la tête de la Fédération de la Gauche Républicaine et Socialiste (FGDS) le « président Mitterrand » comme il aime s’y faire appeler, manque de peu d’emporter les législatives « ordinaires » de 1967. Mitterrand se vit, se représente, comme le premier opposant au premier ministre Georges Pompidou. Il se croit proche du « Capitole » mais la « roche Tarpéienne » est encore plus proche de ce dernier. Dans une conférence de presse prononcée le 28 mai 1968, Mitterrand croit ouverte la succession du Général. La « disparition » de ce dernier de Paris dans la journée du 29 mai va accréditer cette thèse. Mitterrand se dit « disposé à prendre ses responsabilités » et à prendre le pouvoir au terme  d’élections anticipées. Funeste manœuvre : le Général rentre de Baden-Baden, renverse la table, dissout l’Assemblée, appelle les « grognards du gaullisme » sur les Champs-Elysées et quatre semaines plus tard, la gauche est littéralement liquidée…  Ne pas confondre vitesse et précipitation en politique… Ne pas confondre vista politique et opportunisme.

Ce qui aide en revanche pour sortir du trou noir politique c’est la faute de quart de la majorité, de celui qui occupe le pouvoir. On ne prononce pas la dissolution de l’Assemblée pour « convenance personnelle » ou alors on le paie « cash » et même une opposition à peine remise de quatre ans de purgatoire, comme en avril 1997, peut gagner pour peu qu’elle passe un accord politique minimaliste entre des forces aussi mal en point les unes que les autres prises individuellement. Le PS de Jospin ne pensait même pas en février 1995 pouvoir se qualifier au second tour de la présidentielle tant la présence du « couple-divorcé » Chirac-Balladur semblait acquise et tant, surtout, la Bérézina des législatives de 1993 et des européennes de 1994 avait été violente. Le PCF était (déjà) « à la rue » et les Verts avec Dominique Voynet faisaient (déjà aussi) les « intéressants » se prenant pour des poids lourds politiques alors qu’ils ne représentaient rien. La dissolution de 1997 a donc permis à la « Gauche plurielle » (appellation d’origine incontrôlée d’autant plus vide politiquement qu’elle annonçait déjà les inflexions idéologiques que le PS, sous Hollande, allait opérer) de l’emporter plus par défaut d’une droite gouvernementale capable de se succéder à elle-même que par sa dynamique propre. Entre 2012 et 2017 l’opposition de droite est dans un tel état de compétition interne entre un Sarkozy battu en 2012 qui refuse de se considérer comme tel, un Fillon et un Copé qui manquent (de peu) d’en venir aux mains pour la présidence de l’UMP, un Juppé qui attend son heure et un Lemaire qui se voit (déjà encore) à l’Elysée, qu’on aurait pu penser que les socialistes avaient un véritable boulevard politique devant eux. C’était sans compter sans la défaite rancunière de Martine Aubry aux primaires de novembre 2011, sans l’esprit de trahison de cinq « Quarterons de Frondeurs » que l’incapacité des dirigeants du PS à réduire au silence a rendu particulièrement doué dans l’art du « planter de bâton » dans le dos du président Hollande, sans compter non plus dans l’aptitude de ce dernier à multiplier les gaffes quand il aurait dû, simplement, présider comme il a su le faire au moment de décider de frapper l’ennemi à l’extérieur et de tenir le pays sous le feu des attentats à l’intérieur. Le résultat là encore n’a pas manqué : l’opposition de droite s’est perdue dans ses primaires et dans la victoire du plus mauvais de ses candidats ; l’opposition de gauche (Mélenchon) a cru gagner par son cinéma, ses hologrammes et ses outrances de guévaristes plus incongrus qu’insoumis ; l’opposition socialiste interne à François Hollande a fait naufrage en même temps que son candidat (Hamon). Pas étonnant alors que ce soit un « tiers-état » qui ramasse la mise : elle était au milieu du terrain de jeu, tout le monde l’avait oubliée tant il était plus urgent de se neutraliser les uns les autres que de se préoccuper de gagner…

Pour finir disons que les oppositions ne peuvent redevenir majorités qu’en unissant leurs forces. En transcendant les lignes apparemment infranchissables et en faisant fi des « interdits » et autres « lignes rouges ». C’est parce qu’il a eu l’intelligence politique de passer une alliance avec le PCF que Mitterrand en construisant l’Union de la Gauche, même si celle-ci a explosé en septembre 1977,  a pu l’emporter en 1981. C’est parce qu’il a apporté son soutien à Macron en février 2017 que Bayrou est non seulement sorti de son ostracisation politique au point de compter aujourd’hui, avec le MODEM, le troisième groupe parlementaire de l’Assemblée nationale mais a aussi contribué à la victoire de Macron le 7 mai dernier. Mélenchon et la France Insoumise s’ils veulent se donner une quelconque espérance de victoire devront forcément réunir toutes les gauches autour d’eux. A droite, par ailleurs, le futur ou la future personnalité à la tête de LR ne pourra pas faire l’économie d’une vraie réflexion sur une alliance avec le FN… Structuralement comparable à celle que passa Mitterrand avec le PCF en 1972…

Quelles sont les leçons à en tirer pour l'opposition actuelle ? Un rebond de l'opposition devrait il plus dépendre des actes, et éventuelles fautes d'Emmanuel Macron ou de leur capacité respective de proposer une offre politique renouvelée ?

Attendre qu’Emmanuel Macron fasse des erreurs n’est pas une manière de s’opposer des plus excitantes et emballantes. Ce n’est pas que le jeune Président n’en commette pas. Plutôt doué dans tous les compartiments du jeu, il aurait tendance à être même excellent dans celui des dérapages et des « boulettes ». Mais il dispose d’une grande qualité tactique : il ne s’entête pas, reconnait assez facilement qu’il a fait une  bêtise et tend à apprécier fortement la technique du « passement de jambe » lui qui aime le foot ou plutôt celle du dribble instinctif… Autrement dit il n’est pas facile à attraper, même en flagrant délit de provocation ou de « parler cash ». Là où d’autres auraient attiré ripostes et critiques (voire ironie condescendante ou lever de boucliers des « bonnes âmes ») Emmanuel Macron semble passer à travers les gouttes quand son prédécesseur était abonné à se les prendre par seaux entiers sur la tête…

Je ne crois guère dans une offre politique renouvelée comme « arme fatale » de l’Opposition dans la mesure où Macron, dans une sorte de stratégie du coucou, récupère et recycle à peu près tout ce que la droite a été incapable de mettre en place depuis son retour aux affaires en juin 2002 à partir des législatives gagnées et de la confirmation à Matignon de J.P. Raffarin. Et cette offre politique, quand bien même aurait-elle quelque probabilité de concrétisation, ne pourra exister dès lors qu’il existera comme nous l’avons dit en préambule de notre entretien au moins cinq « oppositions ». Il me semble évident que la cure d’Opposition des oppositions à Emmanuel Macron et à son fort talentueux premier ministre Edouard Philippe qui réussit, en tous points, un parcours sans faute à Matignon, va durer au moins jusqu’aux européennes de 2019 et même aux municipales de 2020. L’avenir dira si la France va connaitre une période d’instabilité politique chronique par explosion/implosion de la « majorité Macron » ou bien par incapacité de l’exécutif à gérer une crise sociale et sociétale imprévisible et aussi soudaine et inattendue que celle qui secoua le pays il y aura un demi-siècle en mai prochain. Mais même dans un tel scénario uchronique rien ne dit que les oppositions sauront se coaguler pour présenter une alternative acceptable aux citoyens français. On est au moins sûr que ce n’est pas le cas actuellement.

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