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Et les partis du Centre alors ? Cet espace politique que les Constructifs d’Agir semblent confondre avec une terre vierge
©Reuters

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Les Constructifs sont "convaincus qu'une place importante existe entre LREM et LR", oubliant que le centre était déjà occupé politiquement...

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet

Jean-Philippe Moinet, ancien Président de l’Observatoire de l’extrémisme, est chroniqueur, directeur de la Revue Civique et initiateur de l’Observatoire de la démocratie (avec l’institut Viavoice) et, depuis début 2020, président de l’institut Marc Sangnier (think tank sur les enjeux de la démocratie). Son compte Twitter : @JP_Moinet.

 

 

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​Dans une interview donnée au Figaro, Frank Riester déclare "​Nous sommes convaincus qu'une place importante existe entre LREM et LR”​ (...) ​”Oui, un espace politique important existe, et nombreux sont nos électeurs qui se sentent orphelins. Il fallait répondre à leur appel!​" Même si Franck  Riester évoque une alliance avec l'UDI, la notion "d'espace vide"​ n'est elle pas une négation de l'existence même de l'UDI, de son histoire et de ses valeurs, au profit de la "modération" que souhaite incarner le mouvement "Agir" ? En quoi le centrisme est il porteur d'un héritage qui ne peut être résumé par cette volonté de modération ?

Jean-Philippe Moinet L'esprit de modération est un élément constitutif du centrisme mais le centrisme politique ne se réduit pas, en effet, à cela. Franck Riester n'a pas pour autant forcément tort d'observer qu'un espace politique important existe entre LREM, le principal mouvement de la majorité présidentielle (et législative), et le parti LR, surtout si le favori Laurent Wauquiez remporte l'élection pour la présidence de ce parti den décembre. Mais le ralliement de Bruno Le Maire, puis récemment de Gérald Darmanin, Sébastien Lecornu et Thierry Solère au mouvement LREM, réduit quelque peu cet espace, en tout cas crée une dichotomie au sein des élus de droite qui se reconnaissaient comme "Constructifs", même si Franck Riester indique qu'il pourrait y avoir double appartenance entre LREM et le nouveau mouvement qu'il annonce, "Agir", parti qu'il définit comme celui de la "droite ouverte et humaniste".
La conciliation, entre cette droite humaniste des "constructifs", à double appartenance possible, et le centrisme traditionnel, lui-même scindé (entre l'UDI et le Modem), cette conciliation est à l'ordre du jour des réflexions. Le risque, pour ceux qui se disent de "droite ouverte" comme Franck Riester et ceux qui se reconnaissent dans les centres séparés (Modem et UDI), est de manquer de masse critique suffisante et peser faiblement, s'ils restent séparés comme aujourd'hui, dans le débat public. Au-delà d'une existence en chapelles, il serait pour elles salutaire qu'une cathédrale du rassemblement prenne forme, rapidement. Cela permettrait à cet espace de peser, réellement dans les débats et les choix politiques, et d'éviter le syndrome de la balkanisation, ou de la marginalisation. 

A plusieurs reprises, François Bayrou avait décla​ré "rassembler les centristes, c'est comme essayer de conduire une brouette pleine de grenouilles, elles sautent dans tous les sens". UDI, Modem, constructifs et les autres....cette volonté d'unir les centristes par le simple effet d'étau entre LR et LREM n'est elle pas une illusion ? Quelles sont les difficultés qui peuvent expliquer cette difficulté d'union au centre ? N'est ce pas justement une confusion entre la perception de "modération" de certains, et un véritable héritage politique à défendre pour d'autres ?

La formule de François Bayrou n'est pas fausse. Les petites chapelles du centre n'ont eu de cesse, depuis plus de 10 ans, de s'ignorer et même de se chamailler, Nicolas Sarkozy ayant  parfaitement instrumentalisé, à son profit dans un premier temps mais à son détriment dans un second temps, les ambitions des uns et des autres. C'est comme cela qu'Hervé Morin, avec le Nouveau Centre, s'est opposé au Modem de François Bayrou qui, lui-même, avec le premier, s'est opposé à l'UDI de Jean-Louis Borloo, puis de Jean-Christophe Lagarde. Chacun a eu pour première préoccupation non pas de rassembler les chapelles, mais de garder sa propre boutique, pour neutraliser le voisin de palier. C'est ainsi, alors que l'aspiration des Français était de dépasser fortement le clivage traditionnel gauche-droite, que le centre s'est paradoxalement affaibli. Laissant ouvert un espace de conquête à Emmanuel Macron qui, en 2017, profitant de la défaite d'Alain Juppé à la primaire de la droite et du centre, a réalisé un véritable hold up sur cet électorat, sociologiquement et idéologiquement central.
La difficulté de l'union au centre, aujourd'hui ? Elle provient surtout d'une absence de leadership clair au sein de cette famille, chacun passant son temps à neutraliser l'autre. Et, en réalité, c'est la figure présidentielle et tutélaire d'Emmanuel Macron, qui surplombe politiquement cet électorat central, et qui bloque l'émergence d'un leadership puissant au centre. François Bayrou, avec ses trois candidatures passées à la présidentielle, pourrait jouer "le sage" rassembleur. Mais ses petits camarades de l'UDI ne semblent pas vouloir, sauf surprise, lui laisser ce rôle. Et de leur côté, Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin ne semblent pas avoir dépassé leur rivalité. Résultat, au lieu de partir, rassemblée, à la conquête d'espaces politiques nouveaux, l'UDI semble "gelée" sur ses positions, cherchant à limiter la casse, entre le puissant mouvement LREM et son allié Modem, et le parti LR, qui reste pour l'instant dominant chez les élus locaux de droite. 

Valéry Giscard d'Estaing​ était parvenu à produire une telle union. Quelles sont les conditions d'un tel succès et quels sont les obstacles existants aujourd’hui à une telle union ?

Dans votre question, il y a la réponse : VGE était, en 1974, cette figure libéralo-centriste et réformiste qui avait réussi le tour de force de mettre fin à l'hégémonie du mouvement gaulliste, face à la gauche unie. Il avait permis, par son leadership et son accession surprise à l'Elysée, à confédérer ensuite les libéraux, les centristes et les radicaux, au sein d'une famille, l'UDF, qui faisait contrepoids au puissant RPR. Mais cette famille confédérale n'a pas tenu très longtemps sa primauté dans la durée, après la défaite de Giscard en 1981, face à la concurrence, l'ambition et le leadership de Jacques Chirac, qui a fini par arriver à ses fins en 1995. A ce moment, l'UDF a été disloquée, s'est séparée en deux, les libéraux vivant leur vie avec l'aventure Alain Madelin, les centristes cherchant à sauver le reste, sous la houlette de François Bayrou. Depuis, le "centre-centre droit" comme disait Giscard, s'est cherché sans jamais vraiment retrouver le vaste espace de rassemblement que lui avait permis de trouver VGE.
Aujourd'hui, soit les libéraux-centristes arrivent à organiser une confédération forte et représentative, permettant à toutes les chapelles éclatées de se retrouver - du mouvement "Agir" de Franck Riester et de quelques autres ex-LR au Modem en passant par l'UDI et les radicaux réunis - soit ces courants continuent à vivre leur petite vie séparément, trouvant certes des arrangements régionaux et locaux mais sans aucune dynamique, ni visibilité nationale. C'est à chacun des hauts responsables du centre droit de choisir s'ils préfèrent un chemin collectif aux cheminements individuels. Mais on ne peut pas dire que l'esprit de cohésion ait, jusqu'à présent, dominé...

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