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Et la meilleure preuve que la politique monétaire accommodante de la BCE n’y est quasi pour rien dans les prix immobiliers record des grandes villes françaises est…
©JOEL SAGET / AFP

Bulles ? A qui la faute…

Ceux qui s’inquiètent que le quantitative easing ne soit rien d’autre qu’une version sophistiquée de la planche à billets oublient souvent des contre-arguments pourtant très convaincants

François Geerolf

François Geerolf

François Geerolf est économiste, professeur à l'Université de Californie (UCLA).

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Atlantico : On entend souvent que les prix de l’immobilier sont élevés en France et à Paris, à cause de la politique expansionniste de la BCE : les taux 0 et le Quantitative Easing. Dans quelle mesure est-ce une interprétation erronée ?


François Geerolf : Pour le comprendre, il faut replacer la hausse des prix de l’immobilier en France dans une perspective historique. La hausse des prix de l’immobilier a été bien plus importante entre 1998 et 2008 (+170%) qu’entre 2008 et aujourd’hui (+30%). Or, les taux d’intérêt de la BCE diminuent plutôt depuis la crise de la zone euro en 2011. Donc la crise de l’immobilier date d’une période où les taux d’intérêt n’étaient pas spécialement bas. Par ailleurs, il existe une grande hétérogénéité en France dans l’évolution dles prix de l’immobilier depuis 2010. Notamment, ils augmentent beaucoup plus à Paris, Lyon, mais diminuent à Marseille ou dans de nombreuses communes moins dynamiques. Si c’était effectivement dû au QE et aux taux d’intérêt, il n’y aurait pas de raison que cela se limite uniquement à ces métropoles. Et on ne retrouve pas le même phénomène dans d’autres pays d’Europe dont les taux d’intérêt dépendent aussi de ceux de la BCE, comme en Italie. En fait, la France est dans une position vraiment singulière en Europe eu égard à l’évolution des prix de l’immobilier : les prix n’ont jamais vraiment diminué après la crise de 2008.

Qu’est ce qui explique qu’on avance régulièrement cette explication si elle est si facilement réfutable ?

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Les vrais déterminants des prix de l’immobilier ne sont pas ceux qu’on avance le plus souvent

C’est sans doute dû en partie à l’importation en France du débat public ayant lieu dans d’autres pays européens. L’Allemagne n’a pas connu de hausse des prix de l’immobilier contrairement à nous, au contraire, dans les années 1998-2008. En revanche, depuis la politique des taux bas, il est vrai que les prix de l’immobilier augmentent. Cela ne veut pas dire qu’il existe une relation causale entre les deux. Il y a eu la crise immobilière en Espagne, avant cela les prix baissaient et ils augmentent depuis 2014-2015. Mais en Italie, les prix de l’immobilier continuent à baisser. Si l’on avance cette explication c’est sans doute parce qu’on a des difficultés à comprendre l’évolution des prix des actifs. Les prix des actifs dépendent des anticipations et de ce que les gens pensent et sont prêts à faire. Et cette histoire qu’on raconte sur les prix de l’immobilier c’est surtout une manière pour les gens de rationaliser les choses. Robert Shiller, économiste américain explique dans son livre Narrative Economics que l’on recherche des narratives, des histoires derrière ce que l’on observe. Pour qu’une bulle se forme, il faut toujours avoir une histoire à raconter. La nouvelle économie d’internet, les crypto-monnaies, etc.. Ceux qui expliquent que les prix de l’immobilier augmentent toujours quand les taux sont bas, s’ils sont certains de leur analyse n’auraient qu’à acheter des biens immobiliers quand les taux sont élevés. 

Cela veut-il dire que le QE et les taux bas n’ont aucun impact sur les prix de l’immobilier ? 

Non, le QE a un impact, il n’y aucun doute derrière cela : je dis juste que la relation n’est juste pas simple qu’on le dit souvent. L’explication n’est pas mono-causale. Quand les taux d’intérêts réels baissent, le coût d’être débiteur diminue donc cela réduit le coût de l’endettement, ce qui solvabilise les acheteurs et participe d’une augmentation des prix de l’immobilier. Et quand les taux sont bas c’est souvent que l’inflation est basse car la BCE cible l’inflation. Lorsque l’inflation est basse, cela relâche la contrainte de crédit pour les emprunteurs, puisque votre salaire aujourd’hui est très proche de celui que vous aurez demain. Donc, les prix de l’immobilier élevés viennent aussi de ce que l’inflation était basse jusqu’ici.

Vers quelle grille d’analyse faut-il plutôt chercher l’explication des prix de l’immobilier ? 

En France, l’une des raisons trop rarement citées est que la performance des marchés actions est décevante historiquement. Quand on regarde rétrospectivement, investir dans l’immobilier a été une bien meilleure affaire qu’investir dans les actions françaises, le CAC 40 par exemple. En France le lieu de la spéculation, c’est le marché immobilier. Aux Etats-Unis c’est beaucoup moins clair : les particuliers sont également nombreux à spéculer sur les marchés actions via les fonds de pension dont ils sont détenteurs. En France, il y a aussi une idée fortement ancrée qui veut que la pierre soit du solide, une valeur sûre, que l’immobilier ne puisse jamais baisser, contrairement aux placements financiers qui seraient forcément plus hasardeux..

Sur Paris en particulier, il y a évidemment le caractère international de la métropole, ainsi que le succès croissant des plateformes de location saisonnière comme Airbnb. Les prix de l’hyper-centre parisien sont déterminés par une clientèle étrangère, et sont équivalents à ceux d’autres grandes villes internationales. Mais en France les salaires et les inégalités sont plus faibles. En quelque sorte, nous importons les inégalités immobilières de l’étranger. Enfin, on cite souvent comme raison la présence de dispositifs d’aide à la pierre qui sont pensés pour solvabiliser les ménages mais qui se retrouvent rapidement dans les prix de vente, et bénéficient finalement aux vendeurs. De même que l’allongement des durées de prêt, de 25 à 27 ans par exemple, s’il paraît au départ favoriser les acheteurs, leur permettant d'accroître leur capacité d’achat immobilière, aboutit aux mêmes effets pervers d’un renchérissement des prix de l’immobilier…



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