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En 2013, la macroéconomie, c'est fini !
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Bilan 2013

Cette année restera dans les annales de la France comme l'exemple prototypique de politiques publiques destructrices de croissance et d'emploi.

Gérard Thoris

Gérard Thoris

Gérard Thoris est maître de conférence à Sciences Po. il a notamment rédigé une Analyse économique des systèmes (Paris, Armand Colin, 1997), contribue au Rapport Antheios et publie régulièrement des articles en matière de politique économique et sociale (Sociétal, Revue française des finances publiques…).

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Du temps où la croissance économique paraissait relever des phénomènes spontanés, les hommes politiques avaient beau jeu de s’en approprier la paternité : le déficit budgétaire leur servait de sésame ! Aujourd’hui, il leur faudrait bien reconnaître que l’essentiel de ce qu’ils peuvent faire est de ne pas en compromettre l’occurrence. Dans les faits, ce sont les entrepreneurs et les salariés qui travaillent à améliorer l’efficacité du système productif.La politique économique consiste surtout à ne pas entraver leur action.2013 restera dans les annales de la France comme l’exemple prototypique de politiques publiques destructrices de croissance et d’emploi.

Qu’on en juge d’abord par les prévisions de budget. Au départ, le déficit budgétaire pour 2012 était estimé à 4,5 % (réalité 4,8 %). Notre engagement européen portait sur un déficit de 3% en 2013. L’effort à faire représentait 30 milliards d'euros d’impôts supplémentaires ou de réductions de dépenses publiques. Or, l’impact de ces flux entre l’Etat et les autres agents économiques n’a pas été intégré dans les prévisions de croissance pour 2013. Il n’est donc pas surprenant que, dès le mois de février 2013, le président François Hollande ait dû reconnaître que l’objectif gouvernemental de 0,8 % de croissance ne serait pas atteint (19 février). De fait, nous en sommes à 0,2 % ! 
Après un certain nombre de tergiversations, il a fallu faire l’effort intellectuel de la rétroaction entre la faible croissance et l’objectif des 3% de déficit budgétaire. La Commission européenne, bon prince, a donné à la France un délai supplémentaire de deux ans pour l’atteindre (3 mai). Le déficit budgétaire 2013 sera à peine inférieur à celui qui était initialement prévu pour 2012, soit 4,1% du PIB. Au total, 30 milliards d'euros de restrictions budgétaires ont permis de diminuer le déficit de, au mieux, 15 milliards d'euros. Les Français, bons princes, n’ont pas amplifié la rigueur impulsée par le gouvernement. Reste que le futur est écrit : pour atteindre le taux de 3% de déficit budgétaire en 2015, il faut renouveler l’effort de 2013 durant les deux prochaines années. La rigueur est devant nous !
Reste que le délai accordé par la France l’a été sous conditions de réformes structurelles. Nous en revenons au fait que la croissance est le fait d’intégrer l’innovation dans les systèmes productifs, qu’ils soient agricoles, industriels ou de services. Au moins, que l’Etat n’éteigne pas la flamme qui vacille ! Au mieux, qu’il lui donne l’oxygène dont elle a besoin ! Sur le chapitre des réformes structurelles, François Hollande aura tout fait pour ne rien voir, ne rien faire, ne rien entendre. Sur ce dernier verbe, il aura obtenu le report de publication d’un rapport pourtant commandé par lui-même auprès de l’OCDE dès 2012. Finalement publié en novembre 2013 (contre mars initialement prévu), ce rapport ne dit rien que l’on ne sache pas encore (alors pourquoi en faire retarder la publication ?). Mais il balaye systématiquement les domaines où il faudrait mettre le bateau en cale sèche : "rendre le secteur public plus efficace", "réformer la fiscalité", "réformer le marché du travail" - malgré l’accord du 13 janvier 2013, "améliorer le fonctionnement du marché du logement" - avant les lois Duflot qui paralysent encore un peu plus ce qu’on ose encore appeler "marché" ! 
Quant au "faire", 89 % des Français ne sont pas satisfaits de la réforme des retraites (sondage IFOP pour la Fondation Jean Jaurès du 10 septembre 2013) . Evidemment, il est difficile d’accepter de travailler davantage, mais il est de plus en plus difficile d’accepter que les règles ne soient pas les mêmes d’un salarié à l’autre.
Quant au "voir", pas question de se laisser éclairer par nos partenaires européens. C’était le 29 mai ; c’était suite à une recommandation de la Commission européenne à propos de la réforme des retraites ; le ton était glacial : "la Commission européenne n’a pas à nous dicter ce que nous avons à faire". Pourtant, que ce soit le budget de l’Etat à échéance 2017, le budget de la Sécurité sociale ou l’équilibre des régimes de retraite, tous ont besoin du carburant d’une croissance à 2% pour ne pas être obligé de servir leurs prestations à crédit. Comme rien n’a été fait pour réduire la voilure des dépenses dans chacune de ces fonctions de l’Etat, la dette publique va continuer à s’accroître.
Tout cela a-t-il eu un effet de rétroaction sur l’attitude du président ? Certainement pas. L’échec de son verbe en 2013 ne l’empêche pas de prophétiser "l’exigence" gouvernementale de "renouer durablement avec la croissance". Peut-être pourrait-il écouter les Français qui, dans un sondage du Monde , mais oui, estiment à 59 % que, "pour relancer la croissance, il faut limiter au maximum le rôle de l’Etat" (11 décembre 2013). On n’est peut-être pas sûrs de ce que signifie ce "au maximum" alors, fions-nous à un autre item du sondage : "A qui faites-vous le plus confiance pour relancer la croissance économique de la France ?". La réponse devrait éclairer tous les auteurs de programmes politiques pour les élections à venir : à 54 % aux Français eux-mêmes, à 43 % aux entreprises, à 13 % à l’Etat. Les Français ont compris, plus vite que leurs élites, la fin de la macroéconomie. 

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