Emmanuel Macron, c’est Fabrice Del Dongo à la bataille de Waterloo<!-- --> | Atlantico.fr
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Emmanuel Macron assiste à une cérémonie marquant le 82e anniversaire de l'appel du général de Gaulle, au mémorial du Mont Valérien, le 18 juin 2022
Emmanuel Macron assiste à une cérémonie marquant le 82e anniversaire de l'appel du général de Gaulle, au mémorial du Mont Valérien, le 18 juin 2022
©GONZALO FUENTES / POOL / AFP

Stendhal n’avait pourtant pas pensé à lui

Et il est bien vrai, que c’est une morne plaine

Isabelle Larmat

Isabelle Larmat est professeur de lettres modernes. 

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« Je ferai tout durant les cinq années qui viennent pour qu’ils n’aient plus aucune raison de voter pour les extrêmes. » Ainsi parlait, non pas Zarathoustra, mais Emmanuel Macron, notre jeune Frétillant de la République. Il s’adressait alors aux électeurs de Marine le Pen, le 11 mai 2017.

En juin 2022, on ne peut que saluer la réussite pleine et entière de son projet : le Rassemblement national est devenu la deuxième force d’opposition du pays, tandis que Mélenchon rafle un paquet de sièges.

L’Arrogant de la République a chu de l’Olympe. Terra-Mater lassée de ses frasques comme de son mépris a signé la fin de la partie, lui fourrant le nez dans la lassitude des manants qu’il gouverne. La fête va pouvoir maintenant battre son plein à l’Assemblée nationale transformée en Piste aux étoiles. Gageons que le prince déchu aura du mal à se soustraire aux réjouissances.

Emmanuel Macron va devoir composer avec la pétaudière qu’est devenue ladite Assemblée nationale, ingérable sans l’appui des Républicains. On salue au passage les nouvelles recrues, pour le moins prometteuses d’une actualité croustillante, qu’on doit à la NUPES : Rachel Keke ancienne femme de chambre qui se qualifie comme « féministe et défenseuse des gilets jaunes » a balayé Roxana Maracineanu et se propose de « faire trembler l’Assemblée ». Tandis que l’inénarrable Sandrine Rousseau promet « le chahut » à Damien Abad, Aymeric Caron est lui aussi dans la place, prêt à défendre moustiques et drosophiles.

On se souvient que notre petit roi avait laissé traîner ostensiblement ses livres de chevet sur le présidentiel bureau afin de mettre en scène la photo officielle de son premier quinquennat. On avait alors tout particulièrement remarqué « Le Rouge et le Noir », roman de Stendhal. Comme on ne peut pas imaginer une seconde que la funeste destinée de Julien Sorel ait inspiré pareil choix au roitelet, il faut chercher ailleurs la raison de cette élection. La morgue du Président, toujours affichée même dans ses plus complets ratages, est de nature à nous éclairer. En effet, la maxime de Julien : « Qui s’excuse s’accuse. » a, à coup sûr, inspiré le jeune homme. 

Il semble, mais c’est toujours facile de commenter après coup, que choisir la « Chartreuse de Parme » du même Stendhal aurait été plus judicieux de la part de notre Jupiter d’opérette. En tout cas, les résultats des dernières législatives vont dans ce sens.

Macron, et depuis un certain temps déjà, se comporte comme Fabrice Del Dongo, jeune aristocrate naïf du roman de Stendhal, confronté à l’épreuve du feu alors qu’il se trouve sur le champ de bataille de Waterloo. Dans un célèbre passage de l’œuvre, le narrateur de la « Chartreuse » dresse un portrait ironique du héros, assistant à la furie de la guerre, sans la comprendre : « Il faut avouer que notre héros était fort peu héros en ce moment. »

Voyons plutôt : « Ah ! m’y voilà donc enfin, au feu ! se dit-il. J’ai vu le feu ! se répétait-il avec satisfaction. Me voici un vrai militaire. À ce moment, l’escorte allait ventre à terre, et notre héros comprit que c’étaient des boulets qui faisaient voler la terre de toute part. Il avait beau regarder d’où venaient ces boulets, il voyait la fumée blanche de la batterie à une distance énorme, et, au milieu du ronflement égal et continu produit par les coups de canon, il lui semblait entendre des décharges beaucoup plus voisines ; il n’y comprenait rien du tout. » On imagine facilement là notre Président lors de la campagne des Législatives. Celle-ci vient de s’achever par la déroute du soldat Macron. 

On a alors entendu les accents victorieux du discours de Marine le Pen qui s’est même, avec beaucoup de malice, payé le luxe de reprendre deux des formules préférées du roi défait. Après avoir précisé que le Rassemblement devenait « un peu plus national » par ce suffrage, elle a ajouté remerciant ses électeurs : « Cette confiance nous oblige. » Puis elle a précisé que : « la seule et unique boussole (du RN) seraient les intérêts de la France. » On aurait cru entendre le discours du vainqueur de la Présidentielle.

Jean-Luc Mélenchon, toujours mesuré dans ses propos, a d’abord salué l’échec de Jean-Michel Blanquer au premier tour des législatives. Ensuite, il s’est félicité d’avoir évincé « l’éborgneur Castaner » et « l’injurieuse Montchalin » pour se louer d’avoir réussi à « faire tomber celui qui, avec autant d’arrogance, avait tordu le bras à tout le pays. » 

Il a enfin tenu à rassurer tous ses sectateurs. Il avait, on se le rappelle, tout au long de la campagne des Présidentielles, largement insisté sur son âge : « Soixante-dix ans » qui sonnaient pour lui l’heure de l’ultime bataille. Mais, c’est avec solennité qu’il a pourtant annoncé vouloir rester auprès des siens : « Quant à moi, je change de poste de combat. Mon engagement demeurera, jusqu’ à mon dernier souffle, dans les premiers de vos rangs, si vous le voulez bien. » « Le Cid » à côté, c’est du pipi de chat. 

Tandis que les Républicains précisaient, eux, ne pas vouloir constituer la variable d’ajustement nécessaire à Emmanuel Macron dans l’exercice de son gouvernement, Élisabeth Borne nous a gratifié, d’une oraison funèbre qui n’avait malheureusement rien de commun avec celles qu’en son temps, proféra Bossuet.

Elle informa que : « le gouvernement était au travail » (Qui aurait l’audace d’en douter ?). Il continuerait « à protéger » et à « assurer la sécurité de chacun. » On espère bien que ça aura rassuré quelques « happy few. »

En tout cas, Emmanuel Macron gagnerait à approfondir sa connaissance de Stendhal, ça ne peut que lui profiter. Aussi on lui conseille la lecture du Journal de l’auteur. Il y a là pour notre Président matière à réflexion. On a, à titre d’exemple, relevé : « À vouloir vivre avec son temps, on meurt avec son époque. », ou encore : « C’est un moyen de se consoler que de regarder sa douleur de près. »

Isabelle Larmat, professeur de Lettres modernes

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