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Pouvoir politique vs jeunes :
le divorce
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Émeutes

Les émeutes urbaines se succèdent ces dernières années en Europe. A chaque fois, les dirigeants semblent surpris par leur violence. Faut-il y voir une difficulté de leur part à saisir le monde actuel ?

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet

Aurélien Fouillet est chercheur au Centre d’Etudes sur l’Actuel et le Quotidien (Université Paris V René Descartes). Il est docteur en Sociologie. Sa thèse s’intitule : "L’esprit du jeu dans les sociétés post-modernes. Anomies et socialités : Bovarysme, mémoire et aventure." Il a également collaboré à l’ouvrage dirigé par Michel Maffesoli et Brice Perrier : L’homme postmoderne.

Ses thématiques de recherche sont : le jeu, le risque, la morale, les nouvelles technologies, la science fiction et la bande dessinée.

Il est membre de la rédaction des Cahiers Européens de l’Imaginaire et l’un des trois fondateurs de La Tête qui manque.

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Ces dernières semaines, et ces dernières années, on a assisté à un certain nombre d’émeutes et d’incendies de voiture dans les capitales européennes. Ces mouvements sont qualifiés par nos hommes politiques comme étant dénués de revendications politiques. Comme si cela était rassurant, ils répètent cette sentence tels des mages vaudou qui répètent une formule magique pour conjurer le mauvais sort. Mais ces jeunes ne sont-ils que des barbares destructeurs ?

La revendication politique, le projet et plus globalement l’avenir ne sont certainement pas le problème de ces jeunes (parfois très jeunes) qui « allume le feu » dans nos cités policées – Johnny Hallyday inciterait-il aussi aux émeutes ? On a reproché à des groupes de rap d’inciter à la violence contre les forces de l’ordre, on emprisonne aujourd’hui des utilisateurs de Facebook pour la même raison ; on discute même d’interdire les réseaux sociaux !

"Barbare" la jeunesse actuelle ?

Apéros Facebook, téléchargement illégal, Skins parties, sites de rencontres adultères et autres « déviances » semblent se répandre dans la jeunesse contemporaine. L’État reste impuissant face à ces phénomènes et ne trouve comme seule réponse que l’usage du bâton et de l’illustre « violence légitime ». On peut alors se demander si le barbare est bien celui qu’on croit ? Et si les comportements décris comme tels sont véritablement déviants ?

Rappelons qu'à l'origine le barbare est celui qui ne parle pas la langue grecque, c’est-à-dire celui qui n’est pas capable de comprendre la société. Mais il semble ainsi qu’aujourd’hui ce soit nos hommes et femmes politiques qui auraient besoin de cours de langue. Sans faire l’apologie du « tous pourris » il faut bien remarquer que les politiques européens ne comprennent pas grand chose au monde contemporain. Le fait qu’ils restent bloqués sur des positions dignes du début du XXe siècle reste mystérieux et horripilant.

Coupe du monde de l’émeute, comptage des voitures calcinées et autres concours destructeurs ne sont pas simplement absurdes. L’irrationnel n’est pas dénué de sens et d’une certaine logique. Le sociétal s’exprime parfois de manière violente mais exprime aussi le vouloir-vivre brutal de toute société. Le carnaval, les fêtes votives, les cérémonies sacrificielles, sont d’autres manifestations de cette puissance vitale qui s’exprime en d’autres temps ou d’autres lieux et qui peut devenir violente.

XXIe siècle recherche lien social désespéremment

C’est lorsque la puissance sociétale n’est plus en congruence avec les institutions sociales que celle-ci devient violente. Il serait alors bon de s’interroger sur les transformations qui taraudent le monde contemporain. Les questions ne sont ni d’ordre économique, culturel ou social, il s’agit bien d’une question sociétale, c’est-à-dire des formes contemporaines que cherche à revêtir le lien social. Autrement dit, nous devrions nous interroger sur ce qui fait société aujourd’hui, sur ce qui fait que « ça colle » comme l’évoquait déjà Giordano Bruno.

Cette civilisation grotesque – la nôtre, voulons-nous dire – ne vous a-t-elle jamais fait penser à la fameuse histoire du poulet décapité mais courant encore nerveusement, vaguement ridicule, avant de s'effondrer raide mort ? J'aurais tendance à penser que ce que les biologistes nomment réflexe médullaire caractérise une bonne partie de l'environnement contemporain : passage direct à travers les nerfs, sans intervention du cerveau. À l'évidence, une tête manque; il faudra bien un jour se poser la question d'où elle se trouve. Ou si ça repousse ?

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