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Trump peut-il être réélu ?
©NICHOLAS KAMM / AFP

Disraeli Scanner

Lettre de Londres mise en forme par Edouard Husson. Nous recevons régulièrement des textes rédigés par un certain Benjamin Disraeli, homonyme du grand homme politique britannique du XIXe siècle.

Disraeli Scanner

Disraeli Scanner

Benjamin Disraeli (1804-1881), fondateur du parti conservateur britannique moderne, a été Premier Ministre de Sa Majesté en 1868 puis entre 1874 et 1880.  Aussi avons-nous été quelque peu surpris de recevoir, depuis quelques semaines, des "lettres de Londres" signées par un homonyme du grand homme d'Etat.  L'intérêt des informations et des analyses a néanmoins convaincus  l'historien Edouard Husson de publier les textes reçus au moment où se dessine, en France et dans le monde, un nouveau clivage politique, entre "conservateurs" et "libéraux". Peut être suivi aussi sur @Disraeli1874

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Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Donald Trump ou le chaos ? 

Hughenden, 
Le 7 juin 2020

Mon cher ami, 

La prochaine campagne présidentielle américaine va être une des plus bizarres de l’histoire mais aussi l’une des plus décisives. Ce qui se joue autour de la réélection de Donald Trump, c’est rien moins que l’avenir de l’Occident pour une génération. 

Des représailles qu’il vaut mieux ne pas imaginer

Imaginons que le président ne soit pas réélu. On aurait droit à de terribles représailles de la part de tous ceux qui, depuis novembre 2016, consciencieusement, s’efforcent de savonner la planche de celui qu’ils considèrent comme un intrus à la Maison Blanche. La chasse aux sorcières s’intensifierait dans les universités contre tous ceux qui ne pensent pas à gauche. Le mouvement pour la vie - anti-avortement et opposé aux réformes sociétales - commencerait vite à regretter le président qui l’a soutenu plus encore que Ronald Reagan. Partout, on aurait une politique de « proscriptions » pour se débarrasser de tous ceux qui ont servi Trump. Ce dernier serait sans doute l’objet de poursuites judiciaires.  

Une grande confusion s’installerait dans la vie économique: d’un côté il serait absurde de remettre en cause les gains considérables apportés par la renégociation des traités commerciaux par Trump; ou bien on imagine difficilement que la politique vis-à-vis de la Chine se remette en place comme auparavant; cependant, on peut imaginer que, pour compenser ce qu’ils ont perdu en terme de « mondialisation sans contrôle », les néo-libéraux se reconvertiraient définitivement en obsessionnels de l’environnement, soucieux de se créer une nouvelle rente, celle de l’économie verte subventionnée et de créer de nouvelles règles qu’ils détourneraient à leur profit; cela ne pourrait que casser les petites et moyennes entreprises de l’Amérique profonde, qui ont tant besoin d’un retour à la liberté d’entreprendre à l’abri de frontières économiques raisonnables. 

«Sleepy Joe » ou bien « Chaotic Joe »? 

Vous me direz que je prête beaucoup de consistance aux ennemis de Donald Trump. Le parti démocrate n’a pas été capable de faire émerger un autre candidat que Joe Biden, celui que Trump appelle par provocation, dans ses tweets, « Sleepy Joe », « Joe l’endormi ». Ce n’est pas seulement que l’on a des doutes sur la vigueur d’esprit de l'ancien vice-président de Barack Obama; c’est que le parti démocrate est lui-même profondément divisé et en train de se radicaliser idéologiquement. Le fait que Bernie Sanders, marxiste millionnaire, ait décidé de se rallier à Biden, ne fait pas mettre un point final aux forces centrifuges du parti. Si la politique mise en oeuvre par un futur président démocrate était favorable au monde des affaires, on aurait une compensation dans le domaine idéologique, avec la poussée de l’idéologie du genre, du multiculturalisme et, plus généralement, de l’hyperindividualisme. Cela ne pourrait signifier qu’une chose, la perpétuation des forces de dislocations de la société américaine, avec la récurrence des émeutes comme celles qui se déroulent actuellement aux Etats-Unis. On oublie souvent de mentionner, quand on parle de Minneapolis, que le Minnesota est l’un des Etats les plus marqués idéologiquement: le maire de la ville, le procureur et le gouverneurs de l’Etat se font concurrence pour savoir qui sera le plus à gauche. Je ne crois pas que nous sommes condamnés au grand dessein d’un Biden hypercohérent; ni même à la tartufferie d’un Barack Obama, dont la placidité apparente cachait une haine idéologique profonde de tout ce qui constitue l’Occident. Non, nous devrions plutôt nous attendre à une déstructuration accélérée de ce qui fait la nation, une montée de l’anarchie et du chaos. Et j’ai tendance à penser que le dollar aurait du mal à supporter les turbulences incontrôlées d’une ère Biden. 

Ce président qui polarise pour mieux gouverner

L’élection de Donald Trump, en 2016, a servi de révélateur. Jamais un président n’avait été aussi favorable à l’alliance avec Israël; du coup, on a vu une forte poussée du gauchisme pro-palestinien et des forces favorables aux Frères musulmans s’affirmer ouvertement. Jamais on n’aurait pensé qu’un président américain serait capable de défier la Chine et son non respect des accords internationaux comme l’a fait Trump; si bien que l’on voit ressurgir les réflexes de la Guerre froide, quand une partie de l’establishment démocrate voulait à tout prix trouver des accommodements avec le régime totalitaire d’en face. Même Ronald Reagan - il faut revenir encore une fois à la comparaison - n’avait pas poussé la lutte contre la bureaucratie et les lois inutiles aussi loin que Donald Trump, qui a fait supprimer deux textes à chaque fois qu’un nouveau était voté. Vous pouvez être sûr qu’il y a des armées de lobbyistes et de consultants qui n’attendent qu’une chose, la défaite de celui qui est en train de leur retirer leur gagne-pain. Ce à quoi l’on assiste depuis l’élection de novembre 2016, c’est à la poussée régulière de mouvements au sein de l’establishment politico-médiatique, aussi virulents qu’ils sont inconsistants. Les enquêtes autour d’un prétendu Russiagate ou d’un non moins imaginaire scandale ukrainien auront coûté 50 millions de dollars au contribuable américain; on ne compte plus les gains des éditeurs de livres tendant à prouver que le président Trump est un déséquilibré mental; comme tout cela n’a pas suffi, les démocrates ont espéré que le confinement servirait à casser le marché de l’emploi qui est l’une des plus belles réussites du président; à présent que les Etats républicains, en poussant à une sortie rapide du confinement, ont brisé le rêve de casser l’économie américaine, la coalition hystérique atteinte du « syndrome de dérangement de Trump » instrumentalise honteusement une bavure policière en essayant de mettre les Etats-Unis à feu et à sang. J’aimerais bien qu’un journaliste indépendant enquête sur l’origine des fonds que les militants antifa ou assimilés distribuaient la semaine dernière aux attroupements de casseurs et de pilleurs qui manifestaient moins pour la mémoire de George Floyd que pour détruire cette Amérique qu’ils détestent et dont Trump est le rempart: l’état de droit, Le goût de la libre entreprise, les vertus familiales, l’amour du drapeau, la conviction qu’il existe une « destinée manifeste » du peuple américain et que chaque génération s’en tirera mieux que la précédente. 

Trump peut perdre mais il doit gagner 

Il existe un mouvement mécanique qui renforce Trump à chaque fois qu’échoue une coalition d’intérêts passionnels contre sa personne. Lui-même a bien compris qu’il avait intérêt à la polarisation, pour réussir. Cependant, on peut bien imaginer une brèche: même les combattants les plus concentrés ont leur moment de relâchement; Trump n’est pas plus à l’abri que ses prédécesseurs d’une tentative d’assassinat; ou d’une trahison venue de son entourage. Y aura-t-il une polémique autour de la publication des déclarations d’impôt du président? On pourrait imaginer aussi qu’émerge un candidat indépendant, qui viendrait troubler le jeu. Personne ne peut prédire avec certitude que les créations d’emploi reprendront à la vitesse du mois de mai. La réélection n’est pas faite, même si le président américain met toutes les chances de son côté. Et il n’a pas encore abattu son atout: le fameux programme de grands travaux qu’il a sagement gardé en réserve, pour des temps plus difficiles. 

Dans tous les cas, mon cher ami, nous avons intérêt à la réélection de Donald Trump. Non seulement parce qu’un chaos américain nous mettrait dangereusement à la merci des Etats autoritaires de la planète. Mais aussi parce que la réussite du nouveau conservatisme américain, que l’actuel hôte de la Maison Blanche met en oeuvre, à l’abri de la polarisation qu’il entretient savamment, conditionne la réussite du conservatisme européen encore fragile.  

Bien fidèlement à vous 

Benjamin Disraëli

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