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DSK, Christine Lagarde : 
quand la fonction dicte le discours
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EDITORIAL

DSK qui préconise d’effacer la dette grecque après avoir prôné le contraire lorsqu’il était à la tête du FMI. Christine Lagarde qui dénonce la solidité des banques européennes après les avoir défendues comme Ministre. Incohérent ?

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Nous sommes habitués au devoir de réserve, nous connaissons également le principe de la solidarité gouvernementale, nous condamnons souvent la langue de bois même si nous savons, selon la formule consacrée, que « toute vérité n’est pas toujours bonne à dire ». Ce dimanche, avec la fausse vraie interview de Dominique Strauss-Kahn sur TF1, l’ex-Directeur général du FMI a tenu sur la dette grecque des propos jamais tenus en tant que directeur général du FMI. Tout d’un coup, il faut purement et simplement « prendre ses pertes » et effacer la dette de la Grèce. Certains aujourd’hui cherchent à nuancer ces propos, qui furent pourtant très clairs (ceux-là) : Claire Chazal : « Il faudrait rayer la dette purement et simplement ? ». Réponse de DSK « C’est un peu l’idée » […] « il faut accepter de reconnaître qu’il faut prendre sa perte ».

Si sur le fond nous pouvons raisonnablement nous interroger sur la capacité de la Grèce à rembourser effectivement (d’ailleurs tout le bruit médiatique ambiant prépare psychologiquement les populations à cette éventualité), ce qui est surtout frappant, et navrant, c’est le changement de ton et de discours dès lors que celui qui s’exprime occupe ou n’occupe plus telle ou telle fonction.

Pour être objectif, Christine Lagarde exprimait elle aussi il y a quelques temps des propos en tant que nouvelle Directrice générale du FMI sur le besoin de recapitalisation des banques européennes (sans préciser lesquelles certes) qu’elle ne tenait pas précédemment en tant que ministre de l’Économie.

Ces changements, ou disons ajustements, de discours que nous observons aussi régulièrement auprès d’anciens Ministres lorsqu’ils retrouvent leur liberté de parole, comme libérés du carcan de leurs responsabilités gouvernementales, sont dommageables à la crédibilité des autorités et institutions en place et créent ce sentiment de double langage. Ceci d’autant plus que souvent les propos des « ex » semblent plus sincères et crédibles parce qu’ils sont aussi perçus comme plus libres, plus sages, avec cette once de décryptage des coulisses dont nous sommes si friands, persuadés sans doute que la représentation sur scène prend de temps en temps des allures théâtrales.

Aujourd’hui, trop souvent, la fonction dicte davantage le discours que la conviction de son auteur.

Dès lors, du côté de la majorité ou de l’opposition, on est « forcément » en accord ou en désaccord avec le gouvernement, quitte à forcer certaines argumentations où c’est davantage le militantisme que l’expertise qui parle. Ceci est d’ailleurs valable aussi bien en politique qu’au sein des entreprises où les diverses contraintes économiques, sociales, syndicales, commerciales, poussent, si ce n’est à travestir, du moins à ajuster certains propos, qui in fine seront non seulement décryptés, mais pourront engendrer un risque de dissonance, qui, révélée, sera assez dommageable. Le citoyen comme le consommateur décrypte aussi vite qu’il écoute.

Nous aurions intérêt à écouter et à consulter davantage d’anciens ministres, dirigeants d’entreprises, Présidents, sportifs, syndicalistes, militaires, hauts fonctionnaires, etc, et pas uniquement dans leurs mémoires ou dans leurs confessions, ni non plus seulement avec une écoute empathique comme s’il s’agissait de vétérans de guerres passées.

La sincérité, la constance, la liberté de ton, pour sortir des paroles de composition, des postures de façade, répétées, travaillées, parfois surjouées, pour laisser une place à la spontanéité et une chance à l’authenticité. L’exercice est difficile, mais demandons-nous toujours qui prend le dessus entre la fonction et l’homme, entre la posture et la conviction. Plus le décalage sera perceptible, moins le discours sera audible.

Parler avec le cœur et la raison, avec les tripes aussi.

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