Discours sur l’état de l’Union : petites suggestions de dernière minute à Ursula von der Leyen (sur l’état… réel de l’Europe)<!-- --> | Atlantico.fr
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La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors d'une conférence de presse à Bruxelles le 17 juillet 2023.
La présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, lors d'une conférence de presse à Bruxelles le 17 juillet 2023.
©Jean-Christophe Verhaegen / AFP

UE

Ursula von der Leyen va prononcer, ce mercredi, son discours sur l’état de l’Union, le dernier de son mandat de présidente de la Commission européenne.

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester

Rodrigo Ballester dirige le Centre d’Etudes Européennes du Mathias Corvinus Collegium (MCC) à Budapest. Ancien fonctionnaire européen issu du Collège d’Europe, il a notamment été membre de cabinet du Commissaire à l’Éducation et à la Culture de 2014 à 2019. Il a enseigné à Sciences-Po Paris (Campus de Dijon) de 2008 à 2022. Twitter : @rodballester 



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Guillaume Bigot

Guillaume Bigot

Guillaume Bigot est membre des Orwéliens, essayiste, et est aussi le Directeur Général d'une grande école de commerce. Il est également chroniqueur sur C-News. Son huitième ouvrage,  La Populophobie, sort le 15 septembre 2020 aux éditions Plon.

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Atlantico : Ursula von der Leyen prononce ce mercredi 13 septembre un discours sur l’état de l’Union à Strasbourg. Alors que les éléments de ce discours restent inconnus, quels sont les enjeux de ce discours ?

Rodrigo Ballester : Le discours sur l’avenir de l’Union est en soi une imitation un peu grotesque d’une tradition parlementaire américaine bien implantée. Même l’acronyme (SOTEU, State of the European Union) singe le traditionnel State of the Union (SOTU) du Capitole. Un peu ridicule.

Ceci dit, ce discours est devenu l’occasion pour le président de la Commission de faire sa rentrée politique, d’exposer ses priorités législatives et politiques pour l’année suivante et de faire connaître sa vision.

Ce sera le dernier discours de Von der Leyen, du moins pendant ce mandat. Il est attendu car l’UE s’embarque dans une année électorale et il est probable que Von der Leyen se saisisse de l’occasion pour revendiquer son bilan après quatre années de crises à répetitions et lancer la campagne pour sa propre réélection.

Quels en seront les sujets principaux? On le saura bientôt, mais la guerre en Ukraine va encore une fois en être le plat de résistance, avec le scrutin européen de juin prochain et la montée des "populismes" en toile de fond. Les problèmes budgétaires de l’UE risquent également de noircir le tableau. Les caisses européennes sont bien plus vides qu’elles ne devraient l’être et Von der Leyen a été obligée de demander une ralonge budégaire, ce qui n’était absolument pas à l’ordre du jour. En outre, le coût de l’emprunt du Plan de Relance s’avère plus coûteux que prévu.

Finalement, j’attends également une mention à l’agenda digital de la Commission, notamment l’initiative européenne sur les semi-conducteurs et la législation sur l’internet qui régule, entre autres et non sans polémiques, les échanges sur les réseaux sociaux. 

Selon vous, comment va l’Union Européenne ? 

Rodrigo Ballester : Vaste question qui appelle une réponse nuancée. Géopolitiquement vulnérable, financièrement exsangue, politiquement divisée, économiquement fragile, idéologiquement dogmatique, elle n’a pas fière allure. En outre, la colère gronde et les élections européennes s’annoncent houleuses avec une montée en puissance des partis souverainistes dont la percée aura des effets clivants.

Mais je pense également que Von der Leyen doit bénéficier de circonstances atténuantes, son mandat a été une succession de crises colossales, ravageuses et inédites. En outre, l’UE s’est montrée plus résiliente et unie que prévu. Elle aurait pu exploser en plein vol et ce n’est absolument pas le cas, même si elle est épuisée.

Par contre, elle doit changer de cap, se montrer plus pragmatique, renoncer à ses prétensions messianiques et se rapprocher de ses deux sources principales de légitimité: les peuples, et les Etats membres. Sinon, je crains que le prochain mandat soit celui d’un divorce continental, et pas vraiment à l’amiable.

Guillaume Bigot : L’idée que l’Europe est un contre-pied des Etats-Unis est morte. Ça n’a plus aucun sens. Rien que le nom « le discours sur l’état de l’Union » , cette expression est la singerie des Etats-Unis jusqu’au bout ! C'est un copié-collé. Il n’y a pas d’Union, ça n’existe pas. Les Etats sont confiés à une organisation qui n’a pas de légitimité, ni même de budget. Il y a une organisation internationale qui a fabriqué une monstruosité avec une monnaie. Le Parlement européen est hors sol. Dedans, il y a davantage de lobbyistes dedans que de parlementaires. 

C’est un parlement sans opinion publique. Être élu député européen, on peut déclencher une alerte enlèvement ! Personne ne sait qui ils sont, ni ce qu’ils font. La vie politique européenne est vidée de sa substance 

Les prérogatives du conseil européen sont très limitées. La commission européenne, on ne sait pas qui c’est. Qui a élu ces gens ? 

Dans quelle mesure la guerre en Ukraine et les questions écologiques remettent-elles à plat les rapport de force en Europe ?

Rodrigo Ballester : La guerre a été et reste un choc systémique, l’évènement le plus grave depuis la création de l’UE, un tremblement de terre qu’elle n’a pas cessé d’encaisser et qui laissera des traces, c’est évident. La guerre a rebattu des cartes cruciales: basculement de son centre de gravité vers l’Est (Pologne et Pays Baltes), couple franco-allemand en perte de vitesse, défense, élargissement, etc…Mais plus qu’une remise à plat, la guerre a surtout affaibli l’UE qui reste la grande perdante géopolitique du conflit, même si elle a bien mieux résisté que prévu. 

Concernant les questions écologiques, je crois (et j’espère) qu’elles soient remises à plat par la guerre. Ce messianisme vert était à peine tenable en temps de paix, il est désormais temps de le remettre au diapason du pragmatisme et de la géopolitique. Personnellement, je pensais un peu naïvement que ce serait le cas dès février 2022; je constate avec consternation que l’UE persiste dans son dogmatisme, même en temps de guerre. 

Parlons des antagonismes au sein de l’UE. On voit clairement que les Polonais n’ont pas les mêmes attentes et objectifs que les espagnols, et même les allemands… comment tout cela peut-il marcher ?

Guillaume Bigot : Partager des affinités entre pays, ce n’est pas fabriquer un Etat. Un Etat sans monnaie, sans armée, sans justice… ça n’existe pas !

Pour faire une fédération, il faut un fédérateur disait De Gaulle, c’est-à-dire autour d’un Etat fort. Il n’y en a pas dans l’Union Européenne. La phase de la construction de l’Euro a été une bonne affaire au début pour les pays très productifs. Aujourd’hui, avec la guerre en Ukraine et la fin des livraisons de gaz russe, l’Allemagne est entrée en récession. Là, ça devient très compliqué. On est en train de s’attacher, les uns aux autres, aux Etats-Unis. Tout le monde va manger du gaz de schiste. En dehors de la commission européenne, personne ne croit à l’Union, sauf la classe dirigeante française. 

Pourquoi cet entêtement de la classe politique française ?

Guillaume Bigot : Ça dépasse la question de l’Union Européenne. Je pense que depuis longtemps les politiques se donnent une vocation, une mission. Les français ont besoin de se projeter à l’étranger. Ça a commencé avec les croisades, plus récemment dans notre époque la colonisation. C’est le fameux : « la France, pays des droits de l‘homme etc ». Dès lors que la colonisation était terminée, elle s’est projetée dans l’idée européenne. Soit on est sympa et on dit qu’on est un pays d’idéalistes. Soit on est méchant et on dit qu’on est dans le fantasme de grandeur. Un pays qui ne peut agir que pour le monde entier. 

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