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Dis-moi comment tu fais tes courses... L'étude de l'Insee qui montre le décalage croissant entre les habitudes des Français et les archaïsmes de la réglementation
©Reuters

Consommation

L'Insee publie ce jeudi une étude qui s'intéresse à la pratique des courses en France depuis 40 ans. Durée, fréquence, mode de déplacement, tout y est passé à la loupe.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Ce 22 janvier, l’INSEE publie une intéressante étude sur « le temps des courses depuis 1974 ». Ses principales conclusions montrent que la population urbaine française consacre désormais plus de temps à faire ses courses, mais qu’elle le fait notamment plus loin de son domicile et plutôt le week-end. L’étude est révélatrice des tendances profondes de la société française depuis 40 ans, qui consomme plus mais de la façon qu’elle souhaite. Elle montre aussi combien les réglementations archaïques françaises (travail le dimanche, urbanisme commercial) répondent à ce que les élus recherchent pour des visées électorales qui leur sont propres, mais sont à contre-courant des aspirations des Français.

Un premier point qu’il est intéressant de relever, c’est que les grandes surfaces ont été plébiscitées ces quatre dernières décennies. Alors que la réglementation s’ingéniait à trouver de nouvelles façons d’empêcher leur développement au nom de la défense du petit commerce, les Français, eux, s’y précipitaient. L’INSEE relève ainsi que les grandes surfaces « concentrent en 2010 les trois quarts des dépenses alimentaires ». Cela explique certainement que les courses se font aujourd’hui en voiture (65% en 2010 contre 38% en 1974), alors qu’en 1974, elles se faisaient très majoritairement à pied (53%, contre 17% en 2010).

Les parlementaires, animés par une préoccupation certainement sincère d’aménagement du territoire et par une inquiétude électorale pour leur avenir (un boucher menacé parle plus à ses clients des prochaines élections qu’une caissière de supermarché heureuse), ont multiplié les normes dites « d’urbanisme commercial ». Les conséquences de cette multiplication de textes complexes sont connues : ils ont tué la croissance et l’emploi, comme l’avaient montré Philippe Askenazy et Katia Weidenfeld ou Pierre Cahuc, Francis Kramarz et André Zylberberg.

Un second point révélateur de l’étude, c’est combien l’évolution de la distribution a permis aux Français de devenir maîtres de leur temps de courses: bref, plus libres de leur quotidien. L’extension des horaires d’ouverture des magasins, tant combattue par nos responsables politiques en quête de notre bonheur contre notre gré, a libéré les palettes de choix à disposition des consommateurs.

Les consommateurs en ont profité pour faire leurs courses pendant la pause du déjeuner (la part de consommateurs a triplé sur cette tranche horaire), ou le soir entre 20h et 21h. Cette liberté nouvelle n’a cependant pas conduit à un bouleversement total des pratiques commerciales. Les parts des consommateurs faisant leurs courses à ces horaires "atypiques" sont limitées : 1,2% pour la pause méridienne et 0,3% entre 20h et 21h en 2010. De la même façon, l’évolution des horaires d’ouverture a permis aux Français d’étaler leurs courses dans la journée – chargée ! – du samedi, évitant le rush étouffant qu’on relevait le samedi matin en 1974. Significatif également : le temps que les Français consacrent aux courses le dimanche a augmenté en moyenne, passant de 40 minutes en 1974 à 62 en 2010.

Ces tendances ne valent pas leçon absolue et incontestable, mais ils offrent un éclairage particulier au moment où le Parlement débat du travail le dimanche. Nos savants députés, comme Karine Berger (PS), s’engagent ainsi dans des débats théologiques pour savoir s’il vaut mieux laisser les magasins ouvrir  7 dimanches plutôt que 12. On s’étonne presque qu’ils n’aient pas proposé la gamme infinie qui va de 7,1 à 11,9. S’ils regardaient un peu cette étude de l’INSEE et ses enseignements, ils verraient que les Français aiment avoir le choix de leur mode de vie et de consommation, plutôt que de subir un bonheur administré.

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