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Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un Conseil des ministres
Emmanuel Macron et Bruno Le Maire lors d'un Conseil des ministres
©CHRISTOPHE ENA / POOL / AFP

Dérapages budgétaires

La schizophrénie française sur la question des finances publiques doit laisser la place à la lucidité.

Didier Salavert

Didier Salavert

Didier Salavert est co-fondateur du think-tank la Fondation Concorde qu'il a aujourd'hui quitté.

Vice-président et porte parole d’Alternative Libérale, il a participé à plusieurs campagnes électorales de Jacques Chirac, sans toutefois jamais adhérer au RPR.

 

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L’heure de vérité sur les finances publiques de la France, longtemps retardée ou dissimulée, arrive de manière inexorable. La schizophrénie française sur le sujet doit laisser place à la lucidité, sauf à perdre pour longtemps la maîtrise de notre destin national.

A titre liminaire, il convient de clarifier le terme « faillite » pour ceux qui en doute encore. D’aucuns prétendent que ce terme est un abus de langage quand le déficit budgétaire n’est « que » de 5,5 % du PIB. Ce ratio ne saurait rassurer que ceux qui considèrent que l’état peut capter sans conséquence pour ses propres besoins toute la richesse créée par les Français (PIB). Le seul ratio qui donne une image réelle de la situation est celui, en 2023, de la couverture des dépenses de l’Etat (454 milliards €) par les rentrées fiscales (291 milliards €). Donc, les recettes couvrent seulement les 2/3 des dépenses. Autrement dit, à niveau de dépenses constant, l’équilibre exigerait une hausse de tous les impôts de près de 50 %. Les états peuvent s’affranchir des réalités comptables un certain temps mais elles finissent toujours par les rattraper.

Une sortie « par le haut » d’un tel déficit serait possible seulement par une forte augmentation des rentrées fiscales, ou par une baisse drastique des dépenses publiques, et par les deux à la fois pour un retour plus rapide à l’équilibre Or, du côté des rentrées, nous assistons à un rendement décroissant de l’impôt. Ceci signifie concrètement que plus la taxation augmente moins les impôts rentrent dans les caisses de l’état. Pour le surplus, la France ne peut pas compter sur une croissance significative de son PIB au cours des années à venir, alors que son taux de croissance est structurellement en baisse depuis 60 ans. Et du côté des sorties, nous assistons à l’explosion des dépenses structurelles, donc contraintes (vieillissement de la population, coût de la dette, financement de la transition énergétique, investissement dans la réindustrialisation, démondialisation, etc.). Nous ne pouvons plus nous mentir : la situation est inextricable à train de vie constant, c’est-à-dire sans diminution de nos dépenses non-contraintes.

Pour ce qui est de la réduction de la dette publique par la cession des participations de l’état et de son patrimoine immobilier, l’avantage ne serait que très temporaire et marginal puisque le produit de ces cessions ne représenterait qu’un an et demi de déficit budgétaire, à imaginer qu’il soit possible de tout céder. Reste donc la captation par l’état d’une partie de l’importante épargne financière des Français (4 500 milliards €) pour réduire la dette publique (plus de 3 000 milliards €) dont la charge financière est devenue le premier poste de dépenses budgétaire. La créativité de la haute fonction publique pour ce faire est illimitée et il lui sera sans doute fait appel.

Dans un pays où plus de la moitié de la richesse créée est redistribuée sous l’égide de l’Etat, la réduction des dépenses publiques non contraintes entrainera mathématiquement une diminution des revenus des bénéficiaires de la redistribution. La seule question est de décider comment cette diminution sera appliquée.

La première solution est d’appauvrir indifféremment toutes les catégories sociales et tous les âges. La seconde est de faire porter le poids de l’appauvrissement sur certaines catégories et certaines tranches d’âges seulement. La décision pourrait être fondée sur l’efficience d’un choix plutôt qu’un autre en termes de rapidité de retour des équilibres. Mais la situation budgétaire et le nombre de bénéficiaires de la redistribution sont tels que ce choix est très limité et dès lors, c’est l’ensemble du spectre âge/catégories sociaux-professionnelles qui va être impacté. Pour le surplus, les décideurs seront confrontés à des réalités incontournables.

La première de ces réalités est sociologique : les Français pris dans leur ensemble ne veulent pas consacrer au travail productif plus de temps. L’augmentation du PIB exige dès lors que le taux d’emploi augmente (la France est en deçà de la moyenne européenne et dix points en deçà de l’Allemagne). Concrètement, cela signifie qu’un plus grand nombre de Français vont devoir assumer un emploi productif.

La seconde réalité est démographique. Elle se traduit dans le ratio actifs/inactifs. Il s’agit d’une tendance lourde qui ne peut être infléchie que par une politique nataliste et la variable de l’immigration. L’une comme l’autre a un impact sociologique et civilisationnel qu’on ne saurait cacher. Mais même si la tendance démographique se regarde sur le long terme, il faut conserver en mémoire qu’elle n’est ni linéaire ni unidirectionnelle. A terme, le nombre de retraités dans la population active diminuera. Le déficit des régimes de retraite a seulement un cap à franchir.

Enfin, dernier élément à rappeler aux responsables politiques, la création de richesse est le résultat de la quantité de travail fourni multipliée par le taux de productivité. Les industries n’ayant pas toutes le même taux de productivité, les politiques pour l’industriel sont déterminantes. Elles se doivent bien sûr d’être tempérées par le facteur sécurité d’approvisionnement.

Malgré tous les efforts qui seront faits et l’intelligence des réponses apportées, le courage politique est de ne pas cacher aux Français que leur pouvoir d’achat va baisser au cours des années à venir avant de pouvoir espérer le voir remonter. Dire la vérité est rarement un programme politique porteur mais c’est toujours l’apanage des grands hommes d’état.

Didier Salavert, Industriel

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