Des scientifiques pensent avoir trouvé sur un astéroïde un élément qui explique comment la vie serait apparue sur Terre<!-- --> | Atlantico.fr
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Le 6 décembre 2020, la sonde Hayabusa-2 de la JAXA dépose ses échantillons sur Terre après avoir atterri sur un astéroïde situé à quelque 300 millions de kilomètres de la Terre et y avoir prélevé des matériaux.
Le 6 décembre 2020, la sonde Hayabusa-2 de la JAXA dépose ses échantillons sur Terre après avoir atterri sur un astéroïde situé à quelque 300 millions de kilomètres de la Terre et y avoir prélevé des matériaux.
©MORGAN SETTE / AFP

Origine de la vie sur Terre

C’est ce qu'ont déclaré des scientifiques japonais au sujet de l'astéroïde Ryugu.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : En 2020, la mission japonaise Hayabusa 2 a ramené sur Terre des échantillons de l'astéroïde Ryugu. Les analyses révèlent que ce dernier est riche en matière organique primitive. De quoi s’agit-il exactement ? Que contient vraiment cet astéroïde ? 

Olivier Sanguy : Tout d’abord, un rapide rappel sur la mission japonaise Hayabusa2. Cette sonde lancée en décembre 2014 a atteint Ryugu en juin 2018 et procédé à deux prélèvements d’échantillons de cet astéroïde en 2019. Revenue vers la Terre en décembre 2020, Hayabusa2 a largué vers l’Australie une capsule contenant la précieuse récolte. Les échantillons de Ryugu ont ensuite été confiés à différents laboratoires pour analyse et le résultat que vous évoquez a été obtenu par l’équipe de Yasuhiro Oba à l’université d’Hokkaido au Japon. Leur travail s’est fait sur un échantillon de 10 milligrammes exposé à de l’eau chaude afin d’en extraire des molécules organiques, c’est-à-dire des molécules comportant des atomes de carbone et d’hydrogène. Le mot « organique » peut au passage être trompeur, car si la vie telle que nous la connaissons implique de telles molécules, en revanche, le contraire n’est pas exact. Autrement dit, la présence de molécules dites organiques ne signifie pas forcément une chimie du vivant.
Toutefois, l’équipe de Yasuhiro Oba a détecté dans son échantillon de Ryugu de l’uracile, ce qui est très intéressant, car il s’agit d’une base nucléique propre à l’ARN (acide ribonucléique) dont on connaît l’importance dans les mécanismes du vivant. C’est plus une confirmation, cruciale certes, qu’une nouveauté. En effet, on a déjà détecté de l’uracile dans des météorites, donc des fragments d’astéroïdes tombés sur Terre. Toutefois, ces météorites ont pu être contaminées par l’environnement terrestre. Les échantillons de Ryugu ayant été ramenés sans une telle contamination, on a donc ici une confirmation de la présence d'uraciles au sein des astéroïdes. C’est à rapprocher d’une étude mise en avant le 7 mars par le CNRS* qui explique que (je cite) « plus de 20 000 molécules organiques composées de carbone, hydrogène, oxygène, azote et soufre ont pu être détectées » dans des échantillons de Ryugu ramenés par Hayabusa2. Pour être clair, cela ne signifie pas qu’il y a eu de la vie sur l’astéroïde bien sûr, mais que celui-ci et d’autres contiennent des briques de base que l’on retrouve dans la chimie du vivant.

(*) https://www.inc.cnrs.fr/fr/cnrsinfo/lasteroide-ryugu-contient-les-briques-de-bases-necessaires-la-vie

En quoi l'astéroïde Ryugu est-il si spécial, voire unique en son genre à l’heure actuelle ? Surtout, comment l’analyse de ses échantillons peut-elle nous livrer des indices sur l’origine de la vie sur Terre ? 

C’est là que le choix de Ryugu est intéressant. Tout d’abord, c’est un astéroïde de type C pour carboné. On estime que ce type représente 75 % des astéroïdes. Ryugu est donc assez banal et en l’étudiant on a affaire à un bon échantillon témoin des autres objets de son genre. D’un autre côté, et le CNRS le souligne dans son communiqué du 7 mars, Ryugu est issu de la destruction d’un astéroïde primordial par collision, ce qui a figé les réactions chimiques en son sein très tôt lors de la formation du Système solaire. On sait que les astéroïdes sont les laissés pour compte de la formation des planètes (donc aussi de la Terre) et du coup des témoins importants de ce qui se passait à ce moment-là. Or, la collision fait que Ryugu a été en quelque sorte figé très tôt lors de ce processus. Le CNES estime d’ailleurs qu’il nous donne « accès à un échantillon très primitif et représentatif du Système solaire originel ». Les molécules trouvées dans les échantillons de Ryugu lors des analyses en laboratoire ont alors pour probable origine ce qui se trouvait dans la nébuleuse primitive à partir de laquelle notre Système solaire s’est formé.

Suite à cette découverte, peut-on penser que les éléments constitutifs de la vie ont été apportés sur Terre par des astéroïdes ou des comètes ?

C’est en effet une théorie mise en avant. Disons qu’au début du Système solaire, le bombardement météoritique (ou par des comètes) était bien plus intense que maintenant. Les astéroïdes auraient ainsi pu amener des briques de base nécessaires à l’amorce d’une chimie du vivant. L’eau de notre planète pourrait aussi avoir été ainsi apportée. Je rappelle ce que j’ai dit plus haut, à savoir qu’on considère que Ryugu a figé la chimie au début de la formation du Système solaire et que les molécules qu’on trouve dans ses échantillons sont probablement issues de la nébuleuse primitive. On rejoint ici un schéma plus général. Après le Big Bang, les éléments lourds nécessaires à la chimie du vivant (carbone, fer, etc.) n’existaient pas dans l’univers. Ils se sont forgés dans les réactions de fusion des étoiles et lors de leur destruction. En « mourant », ces astres ont répandu ces précieux éléments au sein de nuages de gaz qui ont ensuite servi à former d’autres étoiles. C’est pourquoi on peut retrouver des éléments lourds et complexes dans la nébuleuse primordiale de notre propre Soleil. C’est ce mécanisme que Ryugu confirme. Nous sommes bien des poussières d’étoiles !

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