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Derrière les comptes cachés de Jérôme Cahuzac, l'hypothèse jamais démentie d'un trésor de guerre destiné à une campagne présidentielle de Michel Rocard
©DR

Bonnes feuilles

Un extrait de Dissimulations, de Jean-Luc Barré, aux éditions Fayard.

Jean-Luc Barré

Jean-Luc Barré

Éditeur, écrivain et historien, Jean-Luc Barré est le directeur de la collection « Bouquins ». Collaborateur de Jacques Chirac pour la rédaction de ses Mémoires, il est l’auteur entre autres d’une magistrale biographie de François Mauriac en deux volumes parue chez Fayard en 2009 et 2011 et récemment rééditée en « Pluriel ». Il vient de publier "Dissimulations - La véritable affaire Cahuzac" aux éditions Fayard.

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Après son départ du ministère de la santé où il collaborait avec le ministre de l'époque, le rocardien Claude Evin, Jérôme Cahuzac a ouvert une société de conseil travaillant pour les laboratoires pharmaceutiques. Ces même labos que ceux auxquels il avait affaire comme collaborateur du ministre. 

Extrait : 

Jérôme Cahuzac ne se cache nullement de cette autre activité professionnelle qui n’a rien d’illégal. Mais il est, en revanche, plus discret sur ce que recouvre exactement cette seconde source de revenus. Et pour cause : une partie de ces honoraires, non déclarés au fisc, sert à alimenter un compte à l’étranger.

Au fil des années, la société Cahuzac Conseil travaillera pour différents laboratoires : Fabre, Sandoz, Servier, Roche, Inothera, Rhône-Poulenc... Mais les seules rémunérations occultes liées à cette activité que son dirigeant a perçues hors de France seraient celles des laboratoires Pfizer : 817 000 et 504 000 francs versés successivement sur son compte suisse en janvier et mai 1993. À cette dernière date, c’est une somme globale de près de quatre millions de francs (l’équivalent de 600 000 euros) qui a été transférée sur ce compte, alimenté pour le reste par des versements de montants souvent trop élevés – le premier de 285 000 francs en novembre 1992 – pour venir de son seul travail de chirurgien. L’origine de ces fonds sera d’autant plus difficile à déterminer par les enquêteurs ayant mené des investigations au siège de plusieurs laboratoires qu’il ne subsiste plus aucune trace, vingt ans plus tard, de leur provenance, en raison de l’ancienneté des faits, de l’absence de témoins et de documents, comme de l’imprécision des relevés bancaires suisses. Mais c’est surtout leur véritable finalité qui reste à élucider...

L’ancien collaborateur de Claude Évin sert-il ici ses propres intérêts ou agit-il en service commandé, dans le cadre d’une mission financière qui lui aurait été secrètement confiée ? Sciemment ou non, Jérôme Cahuzac laisse la porte ouverte à toutes les suppositions lorsqu’il dit avoir voulu éviter, en dissimulant une partie des sommes issues de ses missions de conseil, que celles-ci puissent passer pour « la contrepartie de services rendus » à l’époque où il officiait au ministère de la Santé. C’est pour ne pas raviver les soupçons qu’il aurait préféré ne pas les déclarer et se faire rétribuer directement sur un compte occulte. Comme s’il s’agissait de placer en lieu sûr un argent dont l’usage aurait pu paraître suspect.

L’hypothèse d’un « trésor de guerre » accumulé en sous-main par les rocardiens, à l’instar des autres familles politiques, n’aurait rien d’invraisemblable. Aucune loi n’encadrait encore le financement des par- tis. Faute de réglementation, tout dans ce domaine semblait permis ou presque. Les abus étaient, si l’on peut dire, monnaie courante. Et le parti socialiste n’était pas le moins épargné par les scandales qui s’ensuivaient à intervalles réguliers...

Vingt-cinq ans plus tard, c’est d’abord par un silence amusé que Jérôme Cahuzac réagit quand on l’interroge sur son rôle au sein de l’équipe rapprochée de Michel Rocard. L’ironie contenue de qui préfère encore se taire que d’avoir à « tout déballer ». Y compris lorsqu’on lui apprend que son ancien leader, dont il est resté longtemps proche, proclame aujourd’hui sur les plateaux de télévision qu’il ne le connaît plus, qu’il ne veut plus entendre parler de lui. De l’art de renier certaines relations quand elles sont devenues embarrassantes...

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