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Cyberharcèlement en milieu scolaire : que faire des élèves agresseurs ?
©Charles Platiau / Reuters

Bonnes feuilles

Un élève sur dix est victime de harcèlement scolaire. C’est parce que comprendre le harcèlement est difficile et qu’intervenir dans de tels contextes est délicat, que cet ouvrage a été conçu à partir du témoignage de professionnels de terrain. Il donne aux professionnels et aux parents les repères qui permettent concrètement de comprendre la dynamique du harcèlement et de savoir que dire, comment et quand le dire, que faire et comment faire. Extrait de "Harcèlement en milieu scolaire", de Hélène Romano, publié chez Dunod (2/2).

Hélène  Romano

Hélène Romano

Docteur en psychopathologie clinique, psychologue clinicienne et psychothérapeute spécialisée dans le psychotraumatisme. Elle coordonne la Cellule d’urgence médico-psychologique du 94 et la consultation de psycho traumatisme au CHU Henri Mondor à Créteil, dans le service du Pr Marty. Depuis de nombreuses années elle intervient en milieu scolaire suite à des événements traumatiques et plus particulièrement sur des formations sur les pratiques dangereuses.

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Le chef d’établissement doit lui offrir la possibilité de sortir de cette situation duelle en lui permettant de reconnaître la gravité de ses actes et les conséquences, particulièrement vis-à-vis de sa victime. Il s’agit de responsabiliser l’élève concernant les faits qu’il a posés.

Il doit comprendre la punition qu’il reçoit, seule préalable pour qu’il élabore le sens de cette sanction et ne réitère pas les mêmes violences. Pour cela, il est nécessaire que le chef d’établissement prenne soin de le convoquer, ce qui nécessite qu’il porte attention aux situations de harcèlement et qu’il ne les banalise pas. Les mesures de responsabilisation sont dorénavant privilégiées à partir de sanctions visant la réparation et la prise de conscience de ce qui a été commis.

Ces mesures disciplinaires doivent avoir du sens non seulement pour l’élève harceleur, pour sa victime mais également pour les pairs et les parents d’élèves : ne pas intervenir conduit à une conviction groupale que les adultes de l’établissement cautionnent et que la violence imposée à l’un des leurs est légitime. Il est ainsi fréquent que l’élève harcelé se trouve stigmatisé, du fait de cette indifférence des responsables et des personnels de l’établissement à ce qu’il subit, comme un élève « à problèmes », voire un élève qui « cherche les problèmes ».

Ce processus conduit à une inversion des valeurs : le harceleur devenant la victime d’un harcelé qui l’aurait provoqué. Il peut aussi être décidé par méconnaissance des processus à l’œuvre une sanction générale comme ce principal de collège qui avait pris l’initiative d’un travail d’intérêt général à faire en commun entre l’élève harcelé et le harceleur « pour qu’ils apprennent à s’entendre »...

Avant toute intervention auprès des élèves, il est recommandé aux chefs d’établissement de ne pas hésiter à solliciter la cellule Stop-Harcèlement et/ou les services du médiateur académique, tout en établissant le lien avec les professionnels de l’établissement concerné (vie scolaire, professeur principal au secondaire et professeur des écoles en primaire, professionnels médico-psycho-sociaux). Cette évaluation à plusieurs permet certaines fois de constater que la situation n’est pas un harcèlement mais relève d’un fait de violence, circonscrit, qui ne se traite pas de la même façon : un fait de violence limité dans le temps peut conduire à une sanction ; un fait de harcèlement qui s’inscrit dans le temps et qui témoigne de toute part d’une souffrance psychique, ne peut se réduire à une sanction mais nécessite qu’une attention médico-psychologique soit portée à la victime comme au(x) mis en cause.

Lors de l’entretien avec un élève mis en cause en tant qu’auteur de harcèlement, le chef d’établissement peut ainsi :

• lui demander s’il sait pour quelle(s) raison(s) il est convoqué ;

• partir des faits (date, heure, lieu, victime présumée, ce qui a été constaté, dégâts matériels) ;

• demander à l’élève d’expliquer ce qu’il peut dire, souhaite dire de cette situation, comment peut-il l’expliquer ;

• rechercher la reconnaissance de la gravité des faits ;

• repérer s’il exprime une empathie à l’égard de sa victime et des regrets ;

• lui rappeler le règlement intérieur de l’établissement ;

• lui rappeler la loi du Code pénal vis-à-vis des violences volontaires ;

• lui demander ce qu’il compte faire compte tenu de la situation (excuses spontanées, réparation, etc.) ;

• valoriser les réactions d’affects exprimés (regret, culpabilité, inquiétude pour l’élève victime) ;

• l’informer de la suite administrative qui va être donnée (type de sanction, délais, etc.) ;

• lui rappeler qu’aucune mesure de rétorsion ou de représailles ne saurait être tolérée à l’encontre de l’élève victime (ou de sa fratrie ou de ses amis) ; • lui appeler qu’Internet, les SMS et autres supports sociaux ne sauraient être des défouloirs et qu’il existe des plaintes possibles si ce type de dérives était constaté ;

• ne jamais organiser de confrontation entre victime et mis en cause ; le chef d’établissement n’est ni policier, ni gendarme.

La confrontation entre une victime et l’auteur des violences est une situation très éprouvante, voire insoutenable, pour les élèves harcelés qui ne peuvent que réactiver la violence des faits subis. Une telle procédure conduirait à une regrettable confusion qui hypothéquerait définitivement toute restauration d’un lien de confiance à l’égard de l’élève harcelé. Un grand nombre de responsables la justifient « pour être bien sûrs de ce qui s’est passé » ; mais ils oublient la dynamique du processus d’emprise et le fait qu’ils seront inévitablement pris émotionnellement par ce qui leur sera donné à voir et à entendre. S’ils doutent des faits et qu’ils ne pensent pas qu’ils s’agissent de harcèlement, ils peuvent l’expliquer aux élèves sans imposer de telles mises en scène et ajuster les conséquences éventuelles à cette incertitude.

Extrait de "Harcèlement en milieu scolaire", de Hélène Romano, publié chez Dunod, 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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