CRISPR-CAS9 : la Chine devance désormais l'Occident en matière de modification du génome humain ; et la France n'aura bientôt pas d'autre choix que de s'y mettre aussi<!-- --> | Atlantico.fr
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Une équipe chinoise à l’université du Sichuan, a injecté pour la première fois fin octobre à un patient atteint d’un cancer du poumon, des cellules dont l’ADN a été modifié génétiquement grâce à la technique CRISPR-CAS9.
Une équipe chinoise à l’université du Sichuan, a injecté pour la première fois fin octobre à un patient atteint d’un cancer du poumon, des cellules dont l’ADN a été modifié génétiquement grâce à la technique CRISPR-CAS9.
©wikipédia

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Les scientifiques chinois sont les premiers à avoir injecté dans le corps humain un génome scientifiquement modifié. La Chine est désormais en tête de le course à la recherche dans ce domaine abandonné par l'occident.

Laurent Alexandre

Laurent Alexandre

Chirurgien de formation, également diplômé de Science Po, d'Hec et de l'Ena, Laurent Alexandre a fondé dans les années 1990 le site d’information Doctissimo. Il le revend en 2008 et développe DNA Vision, entreprise spécialisée dans le séquençage ADN. Auteur de La mort de la mort paru en 2011, Laurent Alexandre est un expert des bouleversements que va connaître l'humanité grâce aux progrès de la biotechnologie. 

Vous pouvez suivre Laurent Alexandre sur son compe Twitter : @dr_l_alexandre

 
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Atlantico : Un groupe de scientifique chinois a injecté pour la première fois un génome modifié par la méthode CRISPR dans un corps humain. En quoi consiste cette méthode ? Quelles vont être les retombées scientifiques de cette expérience ?

Laurent AlexandreUne équipe chinoise à l’université du Sichuan, a injecté pour la première fois fin octobre à un patient atteint d’un cancer du poumon, des cellules dont l’ADN a été modifié génétiquement grâce à la technique CRISPR-CAS9.

Cet essai clinique a reçu l’approbation d’un comité d’éthique chinois cet été.

Les chercheurs ont extrait les lymphocytes du sang du patient, et ont désactivé un gène dans ses cellules en utilisant la technologie CRISPR-CAS9. Le gène bloqué code la protéine PD-1 avec l’objectif de bloquer la prolifération des cellules cancéreuses. Les cellules modifiées ont été réinjectées au patient pour que ses cellules immunitaires "attaquent" les cellules cancéreuses. Cela avait déjà été réalisé en utilisant la technologie TALEN, mais c’est la première fois en utilisant CRISPR-CAS9.

Une dizaine de patients seront traités prochainement.  D’autres essais sont prévus en Chine, pour le traitement du cancer de la prostate, de la vessie et du rein.

On constate une accélération des thérapies géniques notamment en Chine. La réécriture de nos chromosomes pourrait y devenir banale

Contrairement aux pays occidentaux la Chine n’interdit pas la modification du génome transféré chez l’Homme. Pourquoi refusons-nous ce type de recherche scientifique ? N’allons-nous pas être obligé au final d'accepter en France les recherches sur le génome modifié ?

La Chine souhaite asseoir son hégémonie en optimisant le génome de ses concitoyens grâce aux manipulations génétiques. Dans la compétition économique entre l’Asie et l’Occident, la généralisation de ces techniques serait un avantage géopolitique considérable pour la Chine qui est très décomplexée.

N’oublions pas que la première manipulation génétique portant sur 86 embryons humains, qui n’ont toutefois pas conduit à des bébés, a d’ailleurs été menée en avril 2016 par des scientifiques chinois, qui ont publié leurs travaux juste après la médiatisation d’une pétition internationale opposée à ces expérimentations !

Les pays européens ont une crainte très forte de dérapages eugénistes et freinent l’utilisation des technologies génétiques notamment sur les embryons. La France sera contrainte de libéraliser ces expérimentations si elle ne veut pas être complétement dépassée par la Californie et les pays asiatiques.

La Chine étant la seule nation à utiliser ces méthodes de recherche sur le génome, va-t-elle devancer les pays occidentaux dans certains domaines scientifiques ?

La position de la société civile sur l’utilisation de ces technologies chez l’homme sera cruciale.

Et la Chine va beaucoup pousser ces technologies. Et pas seulement à des fins scientifiques.

Faudra­-t-­il se limiter à corriger des anomalies génétiques responsables de maladies ou, comme le souhaitent les transhumanistes, augmenter les capacités, notamment cérébrales, de la population ? Une enquête internationale à paraître menée par l’agence de communication BETC révèle des différences considérables entre pays à propos de l’acceptation de l’"eugénisme intellectuel".

Les Français sont ultra­-bioconservateurs : seulement 13 % jugent positive l’augmentation du quotient intellectuel (QI) des enfants en agissant sur les fœtus. Alors que respectivement 38 % et 39 % des Indiens et des Chinois y sont favorables. Chez les jeunes Chinois branchés, ce pourcentage atteint même 50 %. Les Chinois sont de fait les plus permissifs en ce qui concerne ces technologies et n’auraient aucun complexe à augmenter le QI de leurs enfants par des méthodes biotechnologiques.

Les pays où régnera un consensus sur l’augmentation cérébrale des enfants pourraient, lorsque ces technologies seront au point, obtenir un avantage géopolitique considérable dans une société de la connaissance. Le philosophe Nick Bostrom, de l’université d’Oxford, estime que la sélection des embryons après séquençage permettrait en quelques décennies d’augmenter de
 60 points le QI de la population d’un pays. En ajoutant la manipulation génétique des embryons, on pourrait obtenir une augmentation encore plus spectaculaire.

Cette perspective est vertigineuse et effrayante. 

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