Crash de l'A320 dans les Alpes: pourquoi les enquêtes sur les catastrophes aériennes sont si importantes (et pas que pour des enjeux de sécurité)

Atlantico : Quels sont les principaux enjeux des enquêtes diligentées à la suite des crash aériens ? Que sont-elles destinées à établir ?

Michel Nesterenko : Le but d'une enquête suite à un crash aérien est de déterminer la cause du crash. Il faut savoir si il s'agit d'une défaillance technique, d'une faute de pilotage où bien d'un événement météorologique imprévu. La seconde question qui en découle est de savoir s'il est possible de définir des modifications appropriées, techniques où de procédure, de façon à éviter qu'un tel accident se reproduise dans le futur.

Au plan strictement technique, que cherche-t-on à savoir concrètement et comment ces données sont-elles traitées par la suite, notamment pas l'industrie aéronautique ?

Le bureau d'enquête qui fait partie de l'organisme national de certification du transport aérien est l'entité en charge de l'enquête. C'est cet organisme qui est chargé de l'analyse des boîtes noires. Dans certains cas et certains pays cette analyse peut se faire sous contrôle judiciaire. Très souvent le constructeur de l'avion participe aussi à l'enquête car il est le premier concerné, connaissant parfaitement l'avion impliqué, et il est seul capable d'identifier rapidement la faiblesse technique à corriger éventuellement. Une fois que l'organisme d'enquête à remis son rapport c'est à l'organisme de certification national de statuer si une modification s'impose, ou bien est simplement recommandée. Dans certain cas c'est toute la flotte d'avions de ce type qui restera clouée au sol en attendant que les modification soient effectuées. 

Quelles responsabilités cherche-t-on à distinguer ? Quelles en sont les implications concrètes, notamment en termes d'indemnisation ? Détermine-t-on ainsi qui paiera quoi ?

L'enquête technique cherche à déterminer les causes de l'accident, pas qui est responsable. C'est à la Justice de déterminer la responsabilité civile et/ou pénale. Pour la Justice la question principale est de savoir si il y a eu négligence de la part du constructeur, de la compagnie aérienne où des pilotes voire du contrôle aérien. La question qui se pose est : y a t il eu une prise de risques inconsidérée en connaissance de cause ? Si c'est le cas, le montant des indemnisations sera beaucoup plus important. Dans la très grande majorité des cas l'assurance ne paie qu'une partie du coût total. La stratégie des avocats des victimes est d'impliquer le constructeur, car c'est ce dernier qui a les poches les plus profondes.

Quel est le profil des équipes qui interviennent sur ces enquêtes ? Combien de temps ces enquêtes durent-elles ?

Le équipes d'enquêteurs sont composées d'ingénieurs et le travail se fait principalement en laboratoire. Dans de nombreux cas il faut reconstituer l'avion à partir du puzzle des pièces récupérées sur le site de l'accident. Si il s'agit d'une explosion les tests pour identifier les type d'explosif utilisé seront sans doute faits par les experts de la police judiciaire. Dans certains cas les juges d'instruction peuvent consulter des experts aéronautiques. Les assureurs aussi seront de la partie avec des enquêteurs spécialisés pour collecter toutes les informations permettant d"évaluer l'ampleur des dommages à indemniser et le montant des indemnisations. Sauf dans les cas où un avion militaire est impliqué, ou en cas d'attaque d'un site stratégique, le Ministère de la Défense n'est pas concerné par les enquêtes civiles. Il faut noter le fait que, en France, techniquement parlant, la Gendarmerie est considérée comme un organe du Ministère de la Défense.

Que se passe-t-il lorsqu'on ne parvient pas à établir clairement les responsabilités ? Cela est-il d'ailleurs seulement possible ?

Lorsque les responsabilités ne peuvent pas être établies clairement, comme par exemple pour l'avion de la Malaysia Airlines qui a disparu quelque part au fonds d'un Océan, ce sont les assurances qui sont lourdement sollicitées.