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Coup de mou ou pas, la Chine reste solidement sur la route de la superpuissance économique
©DR

On garde le cap

Alors que le ralentissement de l'économie chinoise suscite de nombreuses inquiétudes, l'ancien secrétaire du Trésor Américain Henry Paulson assure que l'Empire du Milieu est sur le point de retrouver un cycle de croissance. Une bonne nouvelle qui, pour une fois, pourrait bien se réaliser.

Lars Christensen

Lars Christensen

Lars Christensen est un économiste danois spécialisé en économie internationale, marchés émergents et politique monétaire ayant plus de 20 ans d’expérience au sein de gouvernements et d'établissements bancaires. Il est l'auteur du site marketmonetarist.com. Son compte Twitter : @MaMoMVPY.

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Atlantico : Dans un article publié dans China US focus (lire ici), l’ancien secrétaire du Trésor américain Henry Paulson affirme que les réformes de libéralisation portées par le gouvernement de Xi Jinping pourraient remettre l’économie du pays "sur les rails". Partagez-vous ce point de vue ?

Lars Christensen : La Chine a connu pendant trente ans une période de croissance que l’on pourrait qualifier littéralement de formidable, avec une augmentation du PIB à deux chiffres pratiquement chaque année. Cette tendance s’est logiquement tassée à partir de 2010 et il est clair que depuis Pékin a connu un certain ralentissement de son activité. Depuis les autorités chinoises, notamment les dirigeants de la Banque du peuple chinois (banque centrale), ont pris conscience de ces problèmes et tentent de corriger les errements de la politique monétaire qui a été pratiquée jusqu’ici. Cela étant dit, on peut affirmer que les scénarios pessimistes prévoyant une chute de la croissance de 7 à 3% pour 2014 ont aujourd’hui peu de chances de se réaliser. Même s’ils ne retrouveront probablement pas les 10-12% des années 1980-1990, on devrait plutôt voir la croissance chinoise revenir dans une fourchette de 7 à 8% pour la prochaine décennie, ce qui reste conséquent.

La Chine doit toujours cependant affronter deux défis majeurs. Tout d’abord la politique de l’enfant unique mise en place au début des années 1970 a rendu la démographie locale assez maussade, ce qui la place sur ce plan dans une situation plus ou moins similaire à celles de la Russie et de certains pays de l’Est. Le pays a de plus atteint un plafond en termes de développement économique qui limite logiquement son potentiel de croissance, donc de rattrapage face aux difficultés de la crise. Néanmoins, si on prend une vue d'ensemble, l'état de la croissance chinoise reste relativement bon actuellement.

Les autorités chinoises ont récemment affiché leurs volontés de changer de modèle de croissance. Quand bien même cette déclaration serait suivie d'effets, ont-elles réellement le potentiel de réformer efficacement un modèle aussi centralisé ?

L'un des premiers problèmes de la Chine est d'avoir encouragé la croissance à travers une politique d'investissement public massif, en particulier sur les dix dernières années. A l'inverse, la consommation des ménages sur l'ensemble du PIB représente aujourd'hui à un niveau assez bas.

Source : Quartz.com "If Chinese people aren’t consuming, why are they spending like crazy on cars?". Septembre 2013.

La Chine marche sur deux jambes, et seulement l'une d'entre elles est capitaliste. L'allocation d'un crédit bancaire y reste contrôlée par le gouvernement, ce qui freine bon nombre de jeunes chinois dans l'accès à la propriété et empêche une consommation continue et répartie sur l'ensemble de la vie comme dans les économies de marchés "classiques". Le système bancaire s'est principalement concentré jusqu'ici sur l'investissement, ce qui a provoqué une carence de soutien aux ménages, et par ricochet une distorsion du marché immobilier local.

Lorsque les autorités chinoises évoquent un changement de modèle de croissance, elles cherchent donc bien à aller dans le sens d'une politique ré-équilibrée en faveur de la consommation. Cela pose logiquement problème au Parti Communiste qui va devoir accepter de relâcher une partie de son pouvoir d'orientation sur l'économie, alors qu'il avait su encourager de manière efficace le progrès économiques depuis les années 1980. Il s'agit d'un fait assez rare venant d'un régime politique autoritaire pour qu'il soit souligné. Néanmoins, cela signifie à terme ouvrir les frontières, libéraliser Internet, avec en toile de fond la montée d'une classe moyenne aux exigences politiques bien supérieures à celles de leurs aînés. Le Parti est donc contraint à la libéralisation économique, sans laquelle la croissance se tasserait en pleine crise mondiale, tout en redoutant une libéralisation politique contraire à son logiciel de pensée.

Plusieurs économistes affirment que la situation chinoise est bien pire qu'annoncée, d'aucuns assurant que les chiffres officiels, dont ceux de la croissance, sont en bonne partie truquées. Est-on trop optimiste sur le cas chinois ?

Je fais partie des personnes qui pensent effectivement que les données officielles sur la Chine sont assez mauvaises, en particulier au niveau régional où le maquillage des chiffres est plus que fréquent. L'administration locale excelle en la matière non pas tant pour tromper les investisseurs, mais pour s'éviter les foudres du gouvernement central. Cela explique pour beaucoup les distorsions que l'on peut rencontrer dans le recoupage de plusieurs statistiques.

Cependant, depuis l'ouverture progressive du pays aux investisseurs étrangers, on trouve de nombreuses informations plus fiables grâce aux études réalisées par le secteur privé. HSBC notamment réalise des enquêtes PMI (Purchasing Managers Index, indicateur de l'activité dans le secteur manufacturier) qui offrent une relative visibilité sur l'économie du pays. Le MIT propose quant à lui une étude baptisée "Billion Price Project" qui permet de mesurer l'inflation tandis que les chiffres des importations depuis la Chine publiés par les autres pays permettent de mesurer plus sérieusement les exportations. L'ensemble de ces données ont confirmé ce ralentissement de l'économie sur les dernières années, sans que les résultats soient pour autant catastrophiques, la tendance étant plutôt à une stabilisation de la croissance actuellement. A l'inverse de certains pessimistes, je ne pense pas que la Chine soit dans un scénario de récession aujourd'hui, bien que la situation ne soit pas aussi bonne que le laisse entendre la Banque du peuple chinois.  

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