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La convergence économique et fiscale franco-allemande est-elle vraiment possible ?
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Ich bin ein fiscaliste

Rencontre Angela Merkel/Nicolas Sarkozy ce lundi. Pour lutter contre la crise économique actuelle, France et Allemagne doivent-elles aller plus loin en matière d'union économique ?

Jérôme Chartier

Jérôme Chartier

Jérôme Chartier est un homme politique français, actuel maire de Domont et député de la 7ème circonscription du Val d'Oise.

Il est notamment l'auteur d'un rapport sur la convergence fiscale franco-allemande. 

 

 

 

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Atlantico : Nicolas Sarkozy et Angela Merkel se rencontrent de nouveau ce lundi. La question d'une éventuelle convergence fiscale entre les deux pays demeure. Vous êtes l'auteur d'un rapport sur le sujet. Qu'est-ce qui pourrait justifier aujourd'hui une telle convergence et de quoi parle-t-on précisément lorsqu'on évoque les termes de "convergence fiscale" ?

Jérôme Chartier : La situation exceptionnelle vécue ces derniers mois par les économies des pays européens a conduit à la mise en œuvre d’un regard convergent des pays de la zone euro sur les politiques budgétaires de chaque Etat, marqué par l’apparition du « semestre européen » qui influera à n’en pas douter sur la structure des projets de loi pluriannuels d’orientation des finances publiques. [NDLR : Le semestre européen est le processus qui vise à coordonner à l'avance les politiques économiques et budgétaires de la zone euro, en lien avec le Pacte de stabilité et de croissance].

Chacun en est maintenant convaincu : la mise en œuvre d’une monnaie unique avec comme unique objectif commun de politique économique la limitation à trois points de PIB du déficit public annuel, dont chacun avait pu mesurer avec le temps les difficultés d’une comptabilité précise, ne pouvait suffire à moyen et long terme. Et la création d’une dette « maastrichienne » et « non maastrichienne » n’avait eu pour conséquence que d’emberlificoter davantage encore les regards les plus attentifs en créant un contournement dans les faits de la règle imposée par le traité.

A autre temps, autre mœurs. Si quelques convictions restent encore à emporter, les pays européens, à plus forte raison lorsque l’euro est leur monnaie, sont désormais convaincus qu’il appartiennent à un espace économique aux solidarités forcément partagées et à la fiscalité nécessairement convergente au risque qu’une concurrence fiscale ne produise un effet dévastateur pour tous. A cette prise de conscience s’est ajoutée la conviction d‘une lutte nécessaire contre les déficits publics, une démarche dans laquelle l’Allemagne s’est engagée plus tôt que la France, mais qui n’est n’était pas si différente voici quelques années.

Le 21 juillet 2010, lors d’un conseil des ministres auquel assistait pour la première fois sous la Ve République le ministre allemand des Finances Wolfgang Schaüble, Nicolas Sarkozy, rappelant que le niveau de prélèvements obligatoires en Allemagne est proche de ce qu’il est en France, a formulé un avertissement très clair quant au risque que des divergences trop importantes de politique économique et fiscale feraient peser sur l’emploi, sur l’intégration économique comme sur l'approfondissement du marché intérieur en Europe. Il lançait ainsi le coup d’envoi de la réflexion sur le rapprochement de nos politiques économiques et de nos dispositifs fiscaux.

C'est de cela dont il est question lorsque l'on évoque l'idée d'une "convergence franco-allemande".

Mais peut-on faire converger deux pays de natures si différentes ?

La France et l'Allemagne sont deux pays qui se sont construits à partir de points forts qui appartiennent à notre histoire et qui marquent une exceptionnelle complémentarité qu’une convergence économique et fiscale ne pourrait que renforcer.

France et Allemagne sont désormais deux pays qui commencent par se ressembler. Ils se collent en terme de revenu par habitant, l’Allemagne étant 21ème pays mondial avec 34 212 dollars par habitant, la France 22ème, avec 33 679 $. Le stock d’endettement allemand est important, ce qui fait que France et Allemagne sont à un ratio d’endettement rapporté au PIB respectivement de 77 % et 72 %, loin de l’image d’une Allemagne désendettée mais qui – crise financière mise à part – ne creuse plus le trou de sa dette et use de décisions volontaristes pour s’écarter de la spirale déficitaire.

Le budget consacré à l’école rapproche encore la France et l’Allemagne, qui consacrent respectivement 6044 et 5548 $ par élève en primaire (18ème et 19ème rangs mondiaux) et 12773 et 13823 $ par étudiant pour l’enseignement supérieur (12èmeet 15ème rangs mondiaux). Ce chiffre rend logique le nombre de diplômés de l’enseignement supérieur, 27% en France contre 25% en Allemagne (22ème et 23ème rang mondiaux).

Le niveau des dépenses de santé à la charge des ménages est un indicateur également significatif. A cet égard, le pourcentage des dépenses prises en charge par les ménages est de 21% en France et 23% en Allemagne, soit le 9ème et 10ème rang mondial. Enfin, France et Allemagne rivalisent en nombre de champions mondiaux puis nous comptons 9 entreprises sur les 90 premiers groupes mondiaux lorsque l’Allemagne en compte 11.

Au-delà de ces proximités, il y a naturellement des domaines dans lesquels une marge de progression d’un côté comme de l’autre existe, qui relève d’ailleurs de la culture ou du patrimoine de chaque pays, ce qui rend leur alliance d’autant plus utile.

Ainsi, la différence du niveau de la dépense publique qui représente 55,9% du PIB en France contre 47,9% en Allemagne est à mettre à l’actif – au passif - de notre culture interventionniste, mais ne doit pas s’écarter du niveau de l’indice comparatif des inégalités qui rappelle qu’elles sont à un niveau inférieur en France. Le niveau de dépenses de protection sociale est notamment nettement plus élevé en France qu’en Allemagne avec 4627$ par habitant contre 4209 $.

L’Allemagne reste un champion de l’exportation avec un excédent commercial record là où la France accuse un déficit important. La France reste néanmoins le 7ème exportateur au niveau mondial (l’Allemagne est 3ème), mais conserve quelques point d’attractivité importants comme la fréquentation touristique : la France reste le premier pays attractif au niveau mondial avec 74 millions de visiteurs lorsque l’Allemagne en accueille seulement 24 millions. Et Francfort, 9ème plateforme aéroportuaire mondial en trafic de fret, continue à chercher le chemin pour rattraper Roissy Charles de Gaulle (5ème mondial).

Quelques indices marquent enfin des différences préoccupantes. Le chômage des jeunes est de 22% en France, contre 11% en Allemagne, soit moitié moins, du fait notamment du développement de l’apprentissage outre-Rhin. 21,9% de la population active française est fonctionnaire contre 10,4% en Allemagne. Enfin, l’indice d’évaluation du niveau de développement place l’Allemagne au 9ème rang mondial lorsque la France est 14ème. Notre refus, pendant des années, de considérer l’accroissement de la dépendance à la puissance publique comme une entrave au développement a fait long feu. Sa réduction pour libérer l’énergie créatrice doit constituer notre priorité.

Cette convergence fiscale franco-allemande est donc, selon vous, souhaitable ?

Oui, l’ensemble des éléments que je viens de vous exposer justifient, s’il en était encore besoin, ce parcours en proximité franco-allemande.

Car cette réflexion dépasse le seul objectif d’une politique économique et fiscale cohérente, sans qu’elle soit forcément unique. Elle établit une référence de progression pour l’efficacité de nos politiques publiques en mal de progression, pour notre structure économique trop hétérogène, pour notre réalisme fiscal face à un univers concurrentiel. Elle donne une référence sur bien des aspects, utiles d’un côté comme de l’autre du Rhin.

Elle montre en tout cas combien la France doit poursuivre son engagement sur la voie de réformes supplémentaires de telle sorte que la complémentarité entre la France et l’Allemagne ne se transforme jamais en décalage.

NB : Cliquer ici, pour lire le rapport de Jérôme Chartier sur la convergence franco-allemande.

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