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Contraventions : comment contourner les obstacles volontairement dressés pour dissuader la contestation
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Bonnes feuilles

L'ex numéro 1 du service des contraventions livre un guide de conseils aux automobilistes injustement condamnés et dénonce les dérives de la répression actuelle, les violations de leurs droits et la course effrénée à la rentabilité via une dictature des résultats mettant sous pression des policiers exténués. Extrait de "Le Grand Racket des automobilistes" (1/2).

Philippe Vénère

Philippe Vénère

Philippe Vénère a été policier pendant 40 ans. Ce grand spécialiste français du doit des automobilistes a été notamment commissaire divisionnaire et officier du ministère public du tribunal de police de Paris de 1992 à 1996. Il a également enseigné à Paris 8 où il a effectué plusieurs travaux de recherche sur la délinquance des mineurs.

Il a publié Manuel de résistance contre l'impôt policier (J'ai lu / mars 2011) et Les flics sont-ils devenus incompétents ? (Max Milo / septembre 2011)

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L’Administration voit d’un très mauvais œil les requêtes en exonération qui ont pour effet de ne pas pouvoir percevoir le montant des amendes dans les meilleurs délais.

D’une part, vous avez pu vous rendre compte que la procédure de contestation est assez complexe et que pour s’en sortir il faut être très attentif, pour ne pas laisser filer les délais impartis par la loi ni se tromper de destinataire quant à la contestation.

D’autre part, les officiers des ministères publics dans les juridictions de proximité s’arrogent trop souvent le droit de rejeter les réclamations au motif que les moyens invoqués ont déjà été jugés, ou encore qu’ils considèrent la réclamation comme une demande d’indulgence et qu’ils refusent de l’accorder. Malgré plusieurs condamnations de la France par la Cour européenne de justice, cette dérive persiste et je vous indiquerai le moyen de refuser cette décision et de demander l’application du droit qui vous est reconnu par les textes.

Par ailleurs, certains agents verbalisateurs vous incitent à payer la contravention qu’ils viennent de relever à votre encontre pour vous éviter des ennuis. Ou encore vous assènent cette contre-vérité : si vous payez tout de suite, vous ne perdrez pas de points. Bien évidemment, tout cela est faux et je déplore vraiment que des personnels de la force publique puissent mentir aussi effrontément.

De quels ennuis parlent-ils ? Contester vous permet de faire valoir vos arguments sans que vous soyez hors la loi. Je ne mets pas en doute le fait que certains juges de proximité se considèrent plus comme des justiciers que comme des magistrats. Mais dans ce cas il y a des voies de recours que je traiterai dans un autre chapitre.

La perte de points est automatique pour les contraventions qui prévoient cette mesure et fait l’objet d’un traitement informatisé : la contravention payée entraîne d’office le retrait de points qui y est attaché. Combien d’automobilistes ont suivi, en toute bonne foi, ces pseudo-conseils et se sont fait avoir en recevant un avis de retrait de points envoyé par le Fichier national du permis de conduire. Même si ces contrevenants évoquent par courrier les affirmations de l’agent verbalisateur, cela n’a jamais eu pour effet la restitution des points. Dans le meilleur des cas, une réponse est fournie dans le sens que je viens d’indiquer, mais en général aucune réponse n’est même faite !

Fautifs, les agents verbalisateurs ? Sûrement ! Le ministère de l’Intérieur a-t-il fait un rappel à l’ordre dans les services ? Jamais. Trop content d’encaisser des « dividendes ».

Je vous conseille donc, lorsque vous vous estimez injustement sanctionné, de ne pas céder aux sollicitations de l’agent verbalisateur. Ne signez pas le procès-verbal et ne payez pas l’amende, mais contestez.

J’ai toujours considéré que relever une contravention est une décision qui n’appartient qu’au policier, mais qu’il a le devoir d’être loyal envers le contrevenant. Ce non-respect des règles ne risque pas d’améliorer les rapports entre les citoyens et sa police.

J’ai le souvenir d’une contravention qui m’avait été dressée par des gendarmes motocyclistes, en sortant de ma commune. Je me suis rendu compte que ces personnels avaient inversé le sens de circulation et l’on ne pouvait qu’en déduire que j’avais pénétré dans la commune, alors que j’en sortais. C’est avec un parfait cynisme que ce militaire m’a dit que je n’avais qu’à contester. J’ai perdu une demi-journée à la gendarmerie. Et si un gradé présent sur place a bien compris la supercherie, il m’a dit que les motocyclistes ne dépendaient pas de son autorité. J’ai eu un entretien avec un responsable, qui a mon sens n’en était pas un, et les termes méprisants qui m’ont été adressés n’avaient d’autre but que de me faire perdre mon sang-froid, afin que je puisse proférer des paroles répréhensibles, ce qui lui aurait permis de me mettre en garde à vue pour outrage. Je peux affirmer que c’est mon ancienne qualité de commissaire de police qui les a poussés à agir de la sorte.

Avec un air goguenard, le motard qui m’avait dressé procès-verbal m’a dit qu’il avait établi huit contraventions et que j’étais le seul à contester. Moi, je savais quoi faire et la contravention a été annulée par l’officier du ministère public. Mais qu’en a-t-il été des sept autres automobilistes ? Non, il n’y a pas de quoi relever la dignité de la fonction avec de tels procédés.

Voilà pourquoi il faut être attentif à bien lire ce qui est inscrit sur une contravention et ne rien lâcher lorsque l’on se fait abuser de la sorte.

Je constate aujourd’hui que la désinformation du public sur les moyens de contestation des contraventions est monnaie courante et surtout qu’il n’y a aucune fluidité de l’information lorsqu’elle existe et ne vient servir que les intérêts de l’État.

En effet, la seule information que l’on ait est une information verticale qui ne porte que sur la répression et rien d’autre.

Par ailleurs, ce manque de transparence, voulu par les pouvoirs publics, permet d’accréditer l’idée que la répression apporte des résultats, mais en se gardant bien d’en livrer une analyse objective, car ils en viendraient à admettre que les contraventions qui rapportent le plus n’ont aucune incidence sur la sécurité routière et la lutte contre la mortalité.

Selon une méthode bien connue et appliquée depuis des siècles et des siècles, plus le peuple est tenu dans l’ignorance, plus on peut lui faire avaler ce que l’on veut.

Si, a contrario, le citoyen était aussi bien informé sur ses droits en matière de contravention, il pourrait contester chaque fois que de besoin, ce que l’État ne veut absolument pas : ces contestations pourraient engendrer l’engorgement des services judiciaires et faire échec à cette politique arbitraire de verbalisation à outrance.

Conclusion : il est nécessaire de faire circuler l’information judiciaire horizontalement, c’est-à-dire en servant la défense des citoyens. Ce que font déjà un certain nombre d’associations et de professionnels du droit auxquels je me joins.

C’est, à mon sens, permettre au citoyen de se construire une formation et de le rendre conscient de ses droits. Apporter une connaissance à tous est déjà une avancée sociale. Combattre le petit nombre de ceux qui veulent maintenir le plus grand nombre dans l’ignorance, c’est déjà faire oeuvre de prévention.

Extrait de "Le Grand Racket des automobilistes", Philippe Vénère, (Cherche Midi Editions), 2013. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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