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Une partie du discours politique, en particulier à droite, a pris pour cible la bureaucratie tentaculaire qui paralyse l’action publique.
Une partie du discours politique, en particulier à droite, a pris pour cible la bureaucratie tentaculaire qui paralyse l’action publique.
©Flickr

Impérialisme de la bureaucratie

Depuis quelques années, une partie du discours politique, en particulier à droite, a pris pour cible la bureaucratie tentaculaire qui paralyse l’action publique, et qui, contrairement à l’idéologie qu’elle sécrète pour justifier son existence et son extension à toutes les sphères de l’activité humaine, n’a rien de « rationnelle ».

Frédéric Mas

Frédéric Mas

Frédéric Mas est journaliste indépendant, ancien rédacteur en chef de Contrepoints.org. Après des études de droit et de sciences politiques, il a obtenu un doctorat en philosophie politique (Sorbonne-Universités).

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Quelles incitations pourraient limiter l’impérialisme de la bureaucratie ? Depuis quelques années, une partie du discours politique, en particulier à droite, a pris pour cible la bureaucratie tentaculaire qui paralyse l’action publique, et qui, contrairement à l’idéologie qu’elle sécrète pour justifier son existence et son extension à toutes les sphères de l’activité humaine, n’a rien de « rationnelle » (au sens de Max Weber). A partir d’une certaine taille critique l’organisation administrative et la classe qui en vit pèse sur la vie publique plus que les fonctions élues, qui quant à elle se doit de passer sous ses rets pour voir leurs décisions mises à exécution. 

Bureaucraties publiques et privées

Au sein des organismes privés, la réponse théorique est assez simple : le coût de l’organisation et mis en vis-à-vis du bénéfice qu’elle permet d’obtenir en situation concurrentielle. Les coûts de transaction inévitables pour fluidifier les relations d’échange sont régulés par la pression exercée par l’existence des différents offreurs existants proposant les mêmes types de services et de produits (Coase, 1960). L’entreprise doit faire des profits, et pour se faire, les variations internes dans la division des tâches et la répartition des compétences dépend de ses performances économiques. 

Bien entendu, la croissance de l’organisation interne tend à se stratifier avec la taille de l’organisation et l’intensité de la concurrence : un marché dominé par quelques grandes corporations incitera moins lesdits acteurs à s’interroger sur leurs organisations internes qu’un marché émergent entre plusieurs petites unités économiques luttant pour leur survie. Un autre facteur, qui mériterait de plus amples développements, vient de l’importance de l’innovation de marché, qui demande l’accumulation croissante de compétences et d’expertise au sein des entreprises pour survivre et se maintenir dans un environnement économique complexe.

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Pour ce qui est de la bureaucratie publique, les incitations au développement ne sont pas déterminées par le profit en situation concurrentielle, mais par les ressources fiscales de l’Etat, c’est-à-dire en dernière analyse le marché politique plus que l’échange économique. Ce n’est pas de l’usager comme acteur économique que le bureaucrate dépend pour subsister, mais de la capacité de sa direction à accroître son budget en fonction de son entregent politique. 

Sa capacité à convaincre les décideurs politiques de l’importance de sa mission, sans qu’en face existent des indicateurs extérieurs de prix pour justifier sa croissance ou sa décroissance (Tullock, 1965) est essentielle, car c’est son lien de subordination hiérarchique à la législation qui prime sur la qualité des services qu’elle produit.

La question budgétaire

De fait, la problématique essentielle devient une question de finances publiques, celle de l’allocation des ressources entre les différentes bureaucraties est sujet à arbitrage politique, arbitrage dans laquelle ses différentes factions pèsent de tout leur poids pour prospérer et se développer, c’est-à-dire accroître son coût. Comme l’observe l’économiste Randy T. Simmons (1994) : 

« C'est avec les législateurs siégeant dans les commissions des crédits, habilitées à recommander des budgets à l'ensemble du corps législatif, que les bureaucrates s'engagent le plus directement et le plus continuellement. Une telle interaction et une telle dépendance mutuelle ne manqueront pas de garantir ou de renforcer de puissantes tendances à dépenser davantage de fonds. Ces commissions sont composées de politiciens largement auto-sélectionnés, désireux de gagner les votes de leurs électeurs reconnaissants. Étant donné que la coopération avec les fournisseurs de services bureaucratiques génère des votes, nous ne pouvons guère nous étonner des efforts conjoints déployés par les politiciens et les bureaucrates pour maintenir l'offre de services, élargir l'offre et, d'une manière générale, être utiles aux électeurs. »

Cela ne signifie pas que cette alliance de circonstance va nécessairement produire trop de biens et de services, mais que gonfler les budgets va générer des bureaucraties surdimensionnées comparées aux bureaucraties privées (Niskanen, 1971). Les fonds supplémentaires sont consacrés à des agences surchargées de personnel, employant des procédures coûteuses, offrant des revenus plus élevés et des avantages superflus à leurs employés, et leur garantissant un stress minimum.

La bureaucratie est-elle donc condamnée, par le jeu démocratique, à s’accroître sur le dos des contribuables jusqu’à épuisement de son hôte ? Le politologue Gordon Tullock envisage dès 1965 une voie pour la contenir, qui converge avec les buts affichés d’une partie du centre-droit d’aujourd’hui, à savoir faire revivre la démocratie locale comme manière d’en contrôler le fonctionnement. Par l’économie d’échelle qu’elle suppose, elle inverse la relation de subordination du citoyen au bureaucrate et l’implique pleinement dans la vie locale. 

Pour se faire, elle indique une direction générale à la réforme de l’Etat, vers une décentralisation politique réelle, au rebours de la recentralisation qui s’est opérée par le levier fiscal et technocratique à partir des années 2000, achevant de renvoyer aux oubliettes de l’histoire les tentatives de décentralisation opérées dans les années 1980. Gordon Tullock comme la droite libérale d’aujourd’hui ont en tête le modèle suisse. Qui pour l’implémenter en France ?

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