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Comment obliger les GAFAN à des objectifs de production, de distribution et de financement de contenus nationaux et européens
©DAMIEN MEYER / AFP

Bonnes feuilles

Balayant les idées reçues, Simone Harari Baulieu s'interroge dans son livre "La chaîne et le réseau : Pourquoi Internet ne va pas tuer la télévision" publié aux éditions de l'Observatoire sur l'importance d'un audiovisuel fort et en particulier d un service public universel renouvelé, dans ses missions comme dans son financement, pour relever les défis contemporains. Elle rappelle l'importance des mass médias dans la vie quotidienne de chacun comme face aux grands enjeux collectifs. Extrait 1/2.

Simone Harari Baulieu

Simone Harari Baulieu

Simone Harari Baulieu est diplômée de Sciences Po Paris et ancienne élève de l’E.N.A (promotion Guernica). En 1984, elle crée Télé Images, un groupe de production et de distribution audiovisuelle. En 2005, elle créé une nouvelle société de production, Effervescence. Elle a présidé l’USPA (Union syndicale de la production audiovisuelle) entre 2003 et 2007.Parallèlement à ses activités de productrice, Simone Harari participe en 2008 à la Commission pour une Nouvelle Télévision Publique. Officier de la Légion d’honneur et commandeur de l’ordre national du mérite, elle est également l’auteur de plusieurs ouvrages, dont La télé déchaînée (Flammarion) en 2009 et La Chaîne et le Réseau (Editions de l’Observatoire) en 2018.

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Je propose pour ma part trois changements pour soumettre les GAFAN à des obligations de production, de distribution et de financement de contenus nationaux et européens. Il me semble évident que les plates-formes de SVOD doivent continuer d’investir et ainsi contribuer au financement de la création française en fonction du chiffre d’affaires qu’elles réalisent dans notre pays, donc selon un pourcentage défini, au minimum celui imposé aux groupes audiovisuels. Ces obligations comportent des investissements directs mais aussi une contribution au CNC et un respect des obligations posées par le CSA. Est-ce pour échapper à ces dernières que Netflix a choisi de fermer ses bureaux parisiens pour s’installer aux Pays- Bas ? Sans le respect de ces règles, il ne saurait y avoir de concurrence équitable entre les diffuseurs classiques et les plates-formes disruptives. Ces nouvelles plates-formes de SVOD peuvent largement contribuer à ce que des talents français et européens soient également présents dans cette offre mondialisée nouvelle, dans le domaine de la fiction (scénaristes, comédiens, réalisateurs ou producteurs) comme dans celui des documentaires (par des points de vue différents de ceux des artistes américains). Pas seulement de façon exceptionnelle et brillante pour un lancement dans un nouveau pays, pas pour une simple opération marketing, mais sur une base régulière. Il en va de l’avenir culturel et politique de l’Europe qui ne peut pas laisser son espace ouvert sans que ses propres voix puissent s’exprimer. Ensuite, leurs algorithmes doivent permettre de proposer aux téléspectateurs situés en France une part plus importante d’ouvres françaises et européennes. Grâce à l’insistance de la ministre Françoise Nyssen, un pourcentage de 30 % d’œuvres nationales sera désormais dans le catalogue de leur offre. Ma demande est que ce soit 30 % de chaque affichage de leur offre. S’il faut voir passer 20 titres de séries ou films américains avant de se voir proposer des programmes nationaux, relégués dans les profondeurs du classement, dans les pages 5 ou 6 de l’affichage des offres, la mesure restera sans portée réelle. Si j’aime les comédies américaines, rien ne m’empêche d’être le public des comédies à la française. Si j’aime les thrillers américains, je peux aussi aimer les thrillers français. On le sait, les pages d’accueil de services de SVOD comme Netflix sont personnalisées : dans une même famille, chaque titulaire d’un compte ou profil n’a pas, sur l’écran où il est enregistré, la même page d’accueil.

Et pour un même film, l’image qui s’affiche pour incarner le film est parfois différente : plus masculine, plus romantique, plus enfantine... Cela arrivait déjà dans la presse magazine américaine : deux couvertures différentes, l’une avec un mannequin homme, l’autre avec un mannequin femme, mais avec à l’intérieur les mêmes articles. Si l’algorithme sait différencier par type de goût et de genre, il peut sans difficulté combiner les goûts avec un simple critère de nationalité. Si nos films, nos séries, nos documentaires, nos séries sont relégués ailleurs que dans ce qui s’affiche dans l’écran d’accueil, cela équivaut à ce qu’ils ne soient pas visibles dans les kiosques ou dans les têtes de gondole des supermarchés. Il y a une part de désir, de pulsion pour une affiche, une présentation. Il ne suffit pas d’être accessible par la fonction « Rechercher ». Cela peut paraître un peu technique mais c’est de la technique de vente, c’est essentiel pour être vu et choisi.

Enfin, nous devons engager une réflexion sur les données, les fameuses « data » récoltées et utilisées par les GAFAN : ces données pourraient représenter une formidable contribution à la réflexion des professionnels de la création. Que regarde le public ? Par quel type de programmes est-il captivé ? À quel moment décroche-t-il d’un film ou d’une série ? Quel est le public de tel ou tel programme ? Autant de paramètres intéressants pour nous, que nous pouvons obtenir après les diffusions télévisées classiques, grâce à l’étude fine des audiences publiées le lendemain par Médiamétrie, mais malheureusement pas des plates-formes de SVOD, pour lesquelles les chiffres de visionnage semblent être un secret à conserver aussi précieusement que la formule du Coca-Cola...

Extrait de "La chaîne et le réseau : Pourquoi Internet ne va pas tuer la télévision" de Simone Harari Baulieu, publié aux éditions de l'Observatoire

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