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Comment l’Etat-nation et la démocratie peuvent-ils se sauver des excès de la mondialisation  ?
©PHILIPPE LOPEZ / AFP

Piste

L'Etat nation pourrait être la réponse à l'accroissement des inégalités dans nos sociétés forgées despuis des dizaines d'années par la mondialisation.

Edouard Husson

Edouard Husson

Universitaire, Edouard Husson a dirigé ESCP Europe Business School de 2012 à 2014 puis a été vice-président de l’Université Paris Sciences & Lettres (PSL). Il est actuellement professeur à l’Institut Franco-Allemand d’Etudes Européennes (à l’Université de Cergy-Pontoise). Spécialiste de l’histoire de l’Allemagne et de l’Europe, il travaille en particulier sur la modernisation politique des sociétés depuis la Révolution française. Il est l’auteur d’ouvrages et de nombreux articles sur l’histoire de l’Allemagne depuis la Révolution française, l’histoire des mondialisations, l’histoire de la monnaie, l’histoire du nazisme et des autres violences de masse au XXème siècle  ou l’histoire des relations internationales et des conflits contemporains. Il écrit en ce moment une biographie de Benjamin Disraëli. 

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Atlantico : Dans un article publié par Project Syndicate publié ce 9 août, l'économiste Roger Farmer revient sur le paradoxe qui a pu voir les inégalités croître au sein même des démocraties occidentales alors que les inégalités mondiales (entre les pays) étaient à la baisse, un processus qui serait principalement le fruit du processus de mondialisation qui s'est accéléré au cours de ces dernières décennies. Un processus qui mettrait aujourd'hui en danger les progrès sociaux obtenus grâce à la démocratie au cours des derniers siècles. Par quels moyens les démocraties pourraient-elles se sauver d'un processus de mondialisation, qui constitue souvent une part de leur ADN, et qui les menacent ?

Edouard Husson : Il se passe une révolution intellectuelle dans les milieux dirigeants britanniques.  Le pays de la révolution néolibérale est en train de réinventer le conservatisme et la social-démocratie adaptés au nouveau siècle. Pensons à des auteurs comme Paul Collier sur les sujets d'immigration ou David Goodhart sur le moyen de sortir du populisme. La réflexion de Roger Farmer se situe dans la même veine. Le Brexit ne sort pas de nulle part. La Grande-Bretagne est en avance sur l'Europe continentale.  Elle ramène la question du caractère progressiste de l'Etat-nation sur le devant de la scène. En donnant une priorité sans nuances à la liberté de circulation des hommes, des marchandises et des capitaux, on a ébranlé l'Etat-Providence, la croissance et le modèle égalitaire qui avaient caractérisé les Trente glorieuses en Europe et en Amérique du Nord. Les inégalités se sont accrues en même temps que la richesse nationale augmentait.  

Roger Farmer déclare également "L'Etat-nation ne constitue pas un idéal, mais il a permis d'améliorer le niveau de vie dans les démocraties libérales occidentales.". Que peut encore apporter l'Etat Nation dans un monde mondialisé ? Comment cet Etat Nation peut-il reprendre la main tout en sauvegardant au maximum les acquis de la mondialisation ? Mondialisation et Etat Nation sont-ils forcément antinomiques ? 

Farmer est encore conditionné par la tyrannie intellectuelle du néolibéralisme.  Il n'ose pas dire que l'Etat-nation est une réalité éminemment positive et d'avenir. Evidemment que les progrès de la condition ouvriére et l'enrichissement des classes moyennes sont un produit historique de la nation démocratique.  Les dérives de la construction européenne nous montrent bien qu'il n''y a pas de démocratie sans nations.  On ajoutera que la révolution numérique réduit à néant l'argument selon lequel les nations sont trop petites dans la concurrence économique mondiale.  L'ère digitale donne l'avantage aux petites entités. La nation est aujourd'hui plus compétitive que les entités supranationales. Elle est même concurrencée par des unités infranationales: l'Ecosse ou la Catalogne peuvent affirmer sans se ridiculiser qu'elles seraient viables économiquement en devenant indépendantes. L''Etat-nation est l'avenir. . 

De façon plus pratique, qu'est ce que ce paradoxe implique au niveau français et européen ? 

Nous allons voir se réaffirmer une droite conservatrice et une gauche social-démocrate. Mais cela va être douloureux. L'Union Européenne est une sorte de syndicat des néo-libéraux européens, qui se sont en partie protégés de la mondialisation grâce à la taille du marché intérieur et aux multiples normes qu'ils y ont produites. Le débat est en train d'échapper aux néolibéraux européens sur la question d'une immigration non maîtrisée. Les dirigeants vont devoir choisir entre la préservation de la protection sociale et l'immigration massive. Ce n'est pas un hasard que le monde ouvrier vote pour les partis populistes qui sont les seuls à traiter, souvent de manière simplificatrice, le thème de l'immigration. Mais les élites européistes se rendent la vie facile en criant au populisme.  C'est la démocratie négligée qui cherche à se faire entendre à travers la résurgence du thème de la nation.  Et il n'y a pas de démocratie sans nation ni sans égalité. Soit les élites européennes et mondiales font un compromis avec le retour en force de l'aspiration démocratique soit nous allons vers de sérieux soubresauts. Mais à la fin, comme en 1918, en 1945 ou en 1989, la démocratie l'emportera. 

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