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Comment expliquer que les attitudes et les opinions des intellectuels français se ressemblent toutes ?
©Pixabay

Bonnes feuilles

Science, économie, politique, religion, à travers un sondage auprès de 2 000 enseignants-chercheurs français, toutes disciplines confondues, cet ouvrage analyse les opinions et valeurs des universitaires, à l’heure où ceux-ci participent aux débats publics et politiques et forment une grande partie des élites du pays. Extrait de "Que pensent les penseurs ?", de Abel François et Raul Magni-Berton, publié chez PUG (Presses Universitaires de Grenoble) (2/2).

Abel  François

Abel François

Abel François est maître de conférences à l’université de Strasbourg et professeur à l’École de Management Strasbourg (LARGE).

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Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton

Raul Magni-Berton est actuellement professeur à l'Université catholique de Lille. Il est également auteur de notes et rapports pour le think-tank GénérationLibre.

 

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Une ancienne tradition historique, seule, n’explique pas la persistance d’attitudes au sein d’une population. Encore que, si nous parlions de groupes héréditaires, comme les corporations au Moyen Âge, ou même l’appartenance à une région ou à une nation, l’explication par la tradition pourrait être plausible, dans la mesure où l’éducation familiale ou l’environnement serait le mécanisme par lequel cette tradition perdure. Mais concernant les intellectuels, l’explication par la tradition ne va pas du tout de soi. D’une part, il ne s’agit pas d’une caste : la plupart d’entre eux sont issus de familles ou de milieux qui n’exercent pas eux-mêmes des métiers intellectuels. Il suffit de rechercher la biographie des savants du passé pour s’apercevoir que cette faible héritabilité des métiers intellectuels est relativement ancienne. En somme, contrairement aux arts, à l’artisanat ou aux carrières politiques, les métiers intellectuels ont un faible caractère héréditaire. Par ailleurs, le travail de recherche scientifique (ou littéraire) consiste à produire quelque chose de nouveau par rapport au passé, et non pas à reproduire avec minutie et talent les techniques apprises. C’est donc un métier qui récompense un certain rejet de la tradition, quand bien même la science aurait une vocation cumulative.

Si donc depuis longtemps, et dans de nombreux pays, les hommes et femmes de lettres et de science tendent à cumuler les trois traits associés à leurs différentes origines historiques – s’engager dans la recherche d’une vérité, critiquer la religion et contester l’ordre établi – il doit y avoir des raisons qui résident dans la carrière intellectuelle elle-même.

Charles Kurzman et Lynn Owens (2002) ont construit une typologie des grandes explications des attitudes des intellectuels qui a le mérite de couvrir toutes les théories qui ont vu le jour des années 1920 à aujourd’hui sur les intellectuels. Nous allons donc la reprendre. D’après Kurzman et Owens, il y a trois grands courants en sociologie des intellectuels : ceux qui considèrent les intellectuels comme une classe, ceux qui les considèrent comme une sous-classe, et ceux qui les voient comme sans-classe. Chaque ensemble est hétérogène et regroupe des explications très différentes. Néanmoins, ils résument bien les trois perspectives auxquelles il faut se confronter lorsqu’on analyse cette population. Comme nous le verrons cependant, le langage sociologique des années 1920 et celui d’aujourd’hui ne sont pas toujours les mêmes. Il faudra donc procéder à des traductions modernes de théories qui, si l’on ne se fie qu’aux termes employés, paraissent désuètes. En particulier, le terme de « classe » lui-même, issu du marxisme, est défini comme un ensemble d’individus qui ont des conditions matérielles d’existence communes, ce qui entraîne des intérêts, des opinions et attitudes communes. Cependant, il est probable que les intellectuels en général, et les scientifiques en particulier, partagent à la fois des caractéristiques communes spécifiques, des caractéristiques plus larges qu’ils partagent avec d’autres classes, et, enfin, sur d’autres aspects encore, ils se révèlent une population hétérogène et sans traits communs. Les catégorisations de classe, sous-classe et sans classe se réfèrent alors simplement aux trois grands types de causalités qui peuvent jouer dans l’explication des attitudes des scientifiques français.

Extrait de "Que pensent les penseurs ? - Les opinions des universitaires et scientifiques français", de Abel François et Raul Magni-Berton, publié chez PUG (Presses Universitaires de Grenoble), 2015. Pour acheter ce livre, cliquez ici.

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