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Comment Benoît Hamon peut tenter de sauver sa campagne ?
©AFP

Retour aux sources

Alors que le candidat du parti socialiste a connu une importante défection avec l'adhésion de l'ancien maire de Paris Bertrand Delanoë, qui a rallié Emmanuel Macron, certains à la droite de son parti mettent en cause un programme "dangereux" ou "utopiste". Mais peut-on en vouloir au candidat socialiste de proposer un programme de gauche ?

Virginie Martin

Virginie Martin

Virginie Martin est Docteure en sciences politiques, habilitée à Diriger des Recherches en sciences de gestion, politiste, professeure à KEDGE Business School, co-responsable du comité scientifique de la Revue Politique et Parlementaire.

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Atlantico : Benoît Hamon semble peiner à exister aux côtés d'Emmanuel Macron, François Fillon ou Marine Le Pen. Les sondages le disent à la traîne. Jeudi soir, il doit participer à l'Emission Politique sur TF1 afin d'y présenter son programme. Mais un de ses objectifs principaux n'est-il pas d'éviter les défections, principalement à la droite de son parti vers en Marche ?

Virginie Martin : Je pense que son principal problème est avant tout de défendre et présenter son programme. Il doit convaincre les Français que ce programme peut tenir la route. Il doit faire campagne, et on fait campagne sur un projet et des idées fortes. C'est son projet qui lui a permis d'arriver premier au primaire de la gauche. 

Après je trouve qu'il devrait faire preuve d'un peu plus d'autorité. Il a gagné la primaire, haut la main, sans les voler, mais il ne dit pas assez  qu'il est de fait légitime. En même temps on entends rien d'autre que Fillon en ce moment : il y a une hystérisation telle du débat médiatique qu'il est très difficile pour les autres d'exister. Mais malgré tout, il devrait faire respecter les mesures qui ont été mises en place d'un commun accord. Il n'a pas à arrêter les défections, elles devraient s'arrêter d'elles-mêmes. Il me semble qu'il y a une inversion de la charge de la preuve. Qui a gagné ? Pas Delanoë il me semble ! Et pas la ligne du président de la République. 

Il doit instaurer un plus grand rapport de force en sa faveur. Il doit faire son trou, creuser son sillon, imposer ses idées et sa personne. Certes, il ne veut pas jouer le personnage providentiel. C'est tout à son honneur : nos institutions sont immatures, ce qui pousse chacun à vouloir trouver son dieu ou sa déesse. Il n'a pas tout à faite tort de ne pas vouloir incarner ce super-Messie. Mais il sait bien, lui qui a été au MJS pendant des années, que la politique est aussi une histoire de rapport de force. La démonstration de force aujourd'hui, il ne l'a fait pas assez parce qu'il est peut-être, contrairement à ce que disent les gens, beaucoup trop sur le fond de son programme, qui se veut innovant, intéressant et moderne et oublie d'affirmer qu'il est le favori. Peut-être qu'il l'imposera par la suite.

Son projet est souvent porté comme "tourné vers l'avenir" mais pas assez vers la présidentielle. Doit-il se débarrasser de son étiquette d'utopiste pour progresser aujourd'hui ?

Qui peut prouver que ce programme est utopiste ? Personne ne peut le dire. Quand on regarde son programme, on voit qu'il tente de répondre à la question de la transition économique, à la question de la transition écologique, à la question du travail, à la crise du modèle politique etc. Ce programme me semble très ancré au contraire dans la réalité, dans les questions que la modernité nous pose. Ce que vise les gens, c'est quand même bien la robotisation, l’asphyxie liée à l'environnement, la rigueur, l'ambiance de travail, l'emprise de la finance... cela on le vit tous, de droite comme de gauche. Pourquoi est-ce que vouloir trouver des solutions à ces problèmes paraîtrait irréaliste ? Il est au contraire réaliste : il veut peser là où le politique peut encore peser, c'est-à-dire dans sa capacité à créer des rapports de force, avec par exemple les filières productivistes de l'agriculture, avec les filières du lobbying des diesels... c'est important que la politique puisse encore nous apporter cela ! 

Il est donc amusant de taxer ce genre de programme d'irréaliste. Il est entouré de Thomas Piketty qui a été encensé pendant cinq ans par l'ensemble du pays, et quand on le met comme économiste référent d'un candidat à savoir Benoît Hamon, il ne plaît plus à personne !

Oui, c'est un programme de gauche. Si son camp n'est plus à gauche, est-ce de sa faute ?

Quels sont pour vous les autres défis importants que rencontre Benoît Hamon aujourd'hui ?

Il doit défendre son programme comme de gauche. Il doit dire qu'il met le travail au centre de manière contemporaine. La précarité touche tous les milieux. On sait que les burn-out existent. Alors oui il ne promet pas le plein-emploi, mais il a beau jeu de montrer ce que donne le plein-emploi quand il est acquis avec tous les sacrifices comme en Allemagne et en Angleterre. 

Quand je suis rentré à Sciences-Po en 1990 on parlait déjà de crise du monde du travail, et on est toujours là ! Je pense que son programme est plus courageux qu'utopique. C'est étonnant de reprocher à Hamon d'être de gauche, c'est comme demander à Fillon de ne pas être de droite !

Après, il va lui falloir aller convaincre les indécis. On gagne une primaire sur son camp rétrécis, puis il faut ouvrir. Il a réussi à rallier Jadot. Il ne fallait pas que cette candidature existe. Il tente par la suite de faire l'union de la gauche avec Mélenchon, mais on connait la bunkerisation de Jean-Luc Mélenchon : c'était mission-impossible. Il devrait peut-être mettre en avant des portes-paroles tels que Vincent Peillon ou Axel Lemaire. Ce serait une famille socialiste un peu recomposée et d'accord sur des points de programmes. Sur ce point, son travail politicien sera évidemment important. 

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