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Un écolier montre un test Covid-19 positif à Rennes, dans l'ouest de la France, le 17 mars 2022.
Un écolier montre un test Covid-19 positif à Rennes, dans l'ouest de la France, le 17 mars 2022.
©DAMIEN MEYER / AFP

Infections répétées

Alors que les restrictions sur le Covid-19 ont été allégées dans les transports en commun, de nombreuses personnes, même déjà infectées par le passé, vont faire face au virus. Quel est le risque de transmission, alors qu'Omicron et ses nombreux sous-variants se propagent partout dans le monde ?

Antoine Flahault

Antoine Flahault

 Antoine Flahault, est médecin, épidémiologiste, professeur de santé publique, directeur de l’Institut de Santé Globale, à la Faculté de Médecine de l’Université de Genève. Il a fondé et dirigé l’Ecole des Hautes Etudes en Santé Publique (Rennes, France), a été co-directeur du Centre Virchow-Villermé à la Faculté de Médecine de l’Université de Paris, à l’Hôtel-Dieu. Il est membre correspondant de l’Académie Nationale de Médecine. 

 

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Atlantico : Depuis le lundi 16 mai 2022, les restrictions sur le Covid-19 se sont encore allégées en France et les masques sont tombés dans les transports collectifs. Ainsi, des personnes ayant été infectées lors des précédentes vagues vont facilement faire face au virus. Les nouveaux variants du virus favorisent-t-ils la réinfection ? Pouvons-nous être infectés plusieurs fois par an ? Voire en semaines, ou mois ?

Antoine Flahault : Si l’on a été contaminés par le sous-variant BA.1 d’Omicron, on ne devrait pas être recontaminés par le même sous-variant. En revanche, on risque à nouveau de se faire recontaminer quelques semaines plus tard par un autre sous-variant d’Omicron et plusieurs actuellement circulent dans le monde et pourraient venir s’inviter en France. Les sous-variants BA.4 et BA.5 ont été identifiés il y a quelques mois en Afrique du Sud. Très transmissibles, ils semblent avoir désormais atteint leur pic épidémique en Afrique australe où ils sont devenus dominants. Ils n’ont pas été associés à une virulence accrue à ce jour. Une nouvelle vague liée au sous-variant BA.5 se propage déjà au Portugal où il est en passe de devenir dominant à son tour. Un autre sous-variant d’Omicron, appelé BA.2.12.1 circule actuellement fortement aux États-Unis où il est en train de devenir dominant. Il pourrait très bien s’inviter aussi en Europe de l’ouest très connectée avec l’Amérique du Nord. Plusieurs sous-variants pourraient aussi co-circuler en même temps, c’est d’ailleurs ce qui s’est passé avec BA.4 et BA.5 en Afrique du Sud.

Les infections répétées sont-elles inévitables avec Omicron ? Y a-t-il des différences comparés aux précédents variants ? 

La sélection de nouveaux variants obéit aux lois de l’évolution. Pour devenir dominant, un nouveau variant doit avoir des avantages compétitifs sur ses prédécesseurs. Les deux avantages déterminants sont d’une part leur plus grande transmissibilité et d’autre part leur échappement immunitaire. Cette deuxième propriété conduit à des réinfections répétées y compris chez des personnes vaccinées. Ce qui est cependant fondamentalement différent aujourd’hui c’est la protection que la population a acquise, notamment grâce aux vaccins. Là où cette protection reste défaillante, comme en Chine ou en Corée du Nord, on peut dire que rien n’a vraiment changé pour la population. Confinements et couvre-feux restent là bas les seules solutions proposées. Dans le reste du monde, et notamment en Europe de l’ouest, là où la population est largement protégée, et particulièrement les personnes âgées et vulnérables, la donne a changé, on y a troqué les méthodes moyenâgeuses contre celles des temps modernes, les vaccins, les tests et les traitements.

La recherche d’une immunité collective est-elle vaine sachant que le risque de réinsertion existe ? Qu'est ce que ces réinfections régulières signifient dans la gestion de l'épidémie ?

Le concept d’immunité collective doit être clairement défini avant toute chose, pour savoir de quoi l’on parle. Il y a deux digues immunitaires qui protègent la population. La première est celle de l’immunité humorale (mesurable par les anticorps circulants) acquise avec les vaccins et les infections précédentes par le Sarscov2 et ses variants. L’immunité humorale acquise contre un variant ne protège pas bien contre un nouveau variant. Ce n’est pas une loi du tout ou rien, du blanc ou noir, mais cette première digue immunitaire est un peu fragile et ne confère pas une protection suffisante pour espérer éviter de nouvelles vagues de (re)contaminations. La deuxième digue est celle de l’immunité à médiation cellulaire. Elle fonctionne par une accumulation d’immunité dans nos lymphocytes T, cellules mémoires de notre immunité et qui fonctionnent comme de véritables “batteries à immunité”. Cette seconde digue immunitaire se renforce à chaque dose vaccinale et à chaque infection par le coronavirus. Qui plus est, la protection acquise contre un variant joue contre tous les nouveaux variants rencontrés jusqu’à présent. Cette immunité met un peu plus de temps à se mettre en branle dans notre organisme en cas d’infection et donc ne permet pas de bloquer la transmission ni les premiers symptômes de Covid-19. En revanche, elle sait faire barrage aux complications sévères de la maladie, sauf chez les personnes immunodéprimées ou très âgées chez qui la vaccination peut être moins efficace surtout si elle a quelques mois désormais. Chez ces dernières on dispose de traitements efficaces s’ils sont administrés précocement en cas d’infections, encore faut-il que les personnes concernées en soient informées, qu’elles se fassent tester et traitées en temps et en heure.

Devrons-nous faire des mises à jour chaque année du vaccin pour maîtriser l’épidémie étant donné que les infections sont inéluctables ?

La question de l’émoussement de l’immunité vaccinale est bien sûr clé dans la riposte à cette pandémie. Nous devons avoir conscience que nous avons construit une paix armée avec ce coronavirus. Nous sommes à l’abri uniquement grâce à la protection conférée par nos vaccins. Si elle venait à s’émousser, alors nous ne serions plus à l’abri. Et si nous faisons partie des personnes vulnérables, c’est-à-dire si nous avons plus de 60 ans, ou que nous avons des comorbidités, alors nous serons à nouveau à risque de complications sévères voire mortelles en cas d’infection. La France recommande déjà la quatrième dose pour ces segments vulnérables de la population, et vous constatez à quel point ils sont larges. Faudra-t-il de nouvelles doses vaccinales à la rentrée ? Puis chaque année ? Il est trop tôt pour le dire. On a la chance de disposer d’expertises collectives indépendantes construites et pilotées par des agences nationales, comme la HAS en France, mais aussi internationales comme l’EMA en Europe, ou encore l’OMS, attendons leurs avis qui tiendront lieu de recommandations.

Outre les vaccins, il faudrait aussi que nos autorités se penchent enfin sur la question de l’amélioration de la qualité de l’air intérieur et nous sommes plusieurs experts à demander un plan “ventilation” à l’échelle nationale ou européenne à la hauteur des enjeux. N’oublions pas que nous passons 90% de notre temps dans des lieux clos souvent mal ventilés et que c’est dans ces lieux que se produisent entre 95 et 99% des contaminations par le coronavirus mais aussi par de nombreux autres agents pathogènes.

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