Christian Saint-Etienne : “Financer la transition écologique sans céder à la furie fiscale, c’est possible et voilà comment”<!-- --> | Atlantico.fr
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Le gouvernement ne conçoit la transformation écologique que dans un modèle de stagnation dans la médiocrité plutôt que dans la croissance écologique à base d'initiatives stratégiques fortes mais très raisonnables puisque les technologies existent.
Le gouvernement ne conçoit la transformation écologique que dans un modèle de stagnation dans la médiocrité plutôt que dans la croissance écologique à base d'initiatives stratégiques fortes mais très raisonnables puisque les technologies existent.
©Yoan VALAT / POOL / AFP

Un plan neutralité carbone très coûteux

Christian Saint-Etienne dénonce le plan de neutralité carbone d'Élisabeth Borne qui coûterait 66 milliards d'euros par an d'ici 2050 et nécessiterait une hausse massive des impôts pour le financer.

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne

Christian Saint-Etienne est professeur titulaire de la Chaire d'économie industrielle au Conservatoire National des Arts et Métiers.

Il a également été membre du Conseil d'Analyse économique de 2004 à juin 2012.

Il est également l'auteur de La fin de l'euro (François Bourin Editeur, mars 2011).

 

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Atlantico : Vous avez dénoncé dans Atlantico, le plan de neutralité carbone d'Élisabeth Borne qui coûterait 66 milliards d'euros par an d'ici 2050 et nécessiterait une hausse massive des impôts pour le financer. Que proposez-vous à la place ?

Christian Saint-Etienne : Comme je l’ai expliqué, la vision de France stratégie et de Pisani-Ferry est une voie suicidaire. Mais il ne suffit pas de dire que c'est mal d'augmenter les impôts, nous sommes tous d'accord sur le fait qu’il faut aller vers une économie plus sobre et qu'il faut réussir la transition vers une croissance durable et propre. Donc il y a deux voies. Soit on garde le système actuel, qu’on finance par de nouveaux impôts : c'est l'aggravation de la médiocrité actuelle de l'action publique. A 57 point de PIB, ça veut dire que tout est écrasé par l'action publique. La France est le seul pays soviétique qui ne s'est pas encore effondré, mais son fonctionnement est hautement inefficace.  La croissance moyenne sur la période 2001 2023, est de 1% par an. Alors qu'on a besoin de 2% pour se développer et rétablir l'économie, réduire fortement le déficit public et financer la transition écologique. Je propose donc d’ajouter un point supplémentaire de croissance écologique. Et pour faire de la croissance écologique sans augmentation d'impôts. Il faut une autre stratégie et c’est la réindustrialisation écologique.

La réindustrialisation écologique consiste à robotiser, numériser et électrifier le système productif. Évidemment, il faut le faire avec de l'électricité propre. Ce qui suppose de pousser bien sûr le nucléaire, mais pour doubler la production électrique, le nucléaire ne pourra pas suffire seul dans le futur proche. Donc il faut développer massivement la production hydroélectrique. Il y a un potentiel considérable en France, mais on s'oppose à la construction de nouveaux barrages. Il faut faire des mini barrages qui sont capables de produire de l'électricité et qui permettent de réguler la question de l’eau qui est essentielle. Sur l'hydroélectricité, il y a une incertitude sur la propriété des barrages depuis 15 ans, tant et si bien qu'EDF n'investit plus sur ces barrages. Mais si on confiait les barrages à EDF et si EDF changeait les turbines, on pourrait augmenter la production hydroélectrique de 20% à barrage constant. D’autant que les turbines peuvent être construites à Belfort. Voilà donc vous créer de la richesse et de la croissance.

Le 2e élément, c'est de pousser massivement le photovoltaïque. Là aussi, c'est un exemple de l'incurie du gouvernement. Augmenter massivement la production de photovoltaïques à partir de panneaux photovoltaïques de Chine, c'est parfaitement stupide. Il se trouve que le CEA, en France, a inventé une nouvelle technologie de production de panneaux photovoltaïques beaucoup plus efficients que les panneaux que nous importons de Chine. Pourtant, où se construit une usine géante de panneaux photovoltaïques sur la base de la technologie du CEA aujourd'hui ? En Sicile. Or si l’on produisait des panneaux photovoltaïques efficients en France au lieu d'importer des panneaux inefficient venant de Chine, on augmenterait la croissance, accélérerait la transition tout en économisant de l’argent.

Pourquoi cette vision n’est-elle pas plus partagée ?

Elisabeth Borne, en sa qualité de technocrate de gauche, est incapable d'envisager la transition écologique sur la base d'une production compétitive sur le territoire français. Alors ça suppose évidemment qu'il y ait un État stratège qui soit capable de faire ce que je viens de dire. Résoudre en urgence absolue la question des de la propriété des barrages, construire en urgence absolue des panneaux photovoltaïques sur technologie française sur le territoire français, etc.

Le gouvernement ne conçoit la transformation écologique que dans un modèle de stagnation dans la médiocrité plutôt que dans la croissance écologique à base d'initiatives stratégiques fortes mais très raisonnables puisque les technologies existent.

Par ailleurs, les 66 milliards par an annoncés par Pisani-Ferry visent à faire peur, avec 45 milliards par an, vous faites déjà des choses extraordinaires. Sachant qu'on a besoin également d'une trentaine de milliards pour faire la réindustrialisation écologique. Si vous menez une politique de réindustrialisation écologique d'une trentaine de milliards par an, ça réduit le besoin de financement de la transition écologique de 45 à 30 milliards. Donc au lieu de faire 60 milliards pour accélérer en direction du mur dans la consolidation d'un modèle d'action publique inefficace dans une médiocrité économique qui devient insupportable. Moi, je propose de dépenser 60 milliards d'euros par an pour nous sortir de l’ornière.

Et un point de croissance supplémentaire, avec un PIB à 3000 milliards d'euros, c'est 30 milliards par an. Un point de croissance supplémentaire, ça crée massivement des emplois, ça réduit la dépense publique et cela rapporte une quinzaine de milliards par an sans augmenter les impôts. Mon modèle a besoin de financement à hauteur de 20 milliards.

Dans mon modèle, par la réindustrialisation, vous réduisez les importations, par exemple des panneaux photovoltaïques de Chine et si vous êtes très ambitieux, vous pouvez exporter des panneaux de France. Donc c'est une, c'est une réindustrialisation écologique vertueuse qui permet de réduire le déficit extérieur et de réduire le déficit public.

Et comment accompagner la réindustrialisation écologique dans le cadre d’une transition globale ?

Une transition écologique en plus d'une réindustrialisation écologique, doit aussi viser à traiter directement les questions de transport et de logement. Il faudrait une politique stratégique de de construction. De d'immeubles collectifs de quelques étages à travers l'ensemble des territoires. Le modèle optimal, c’est l’immeuble haussmannien, écologique.  J’ai développé par ailleurs une nouvelle stratégie d'habitation à loyer intermédiaire, permettant passer des HLM aux HLI. Là aussi, vous pouvez relancer l'emploi et la création de richesse. Une politique ambitieuse sur le logement, ça peut rajouter 0,25 à la croissance par an. La réindustrialisation, ça peut faire 0,25 à 0,35 par an.

Il faut mener une politique ambitieuse sur les transports. On a de la chance d’avoir des constructeurs de trains et d'avions en en France mais l'industrie automobile doit accélérer sa transition tout en gardant des capacités significatives. Il faut qu'on produise plus de tracteurs écologiques, plus de camions écologiques, etc. Si on mène une politique ambitieuse en agriculture, dans les transports, dans le tourisme, on peut aller chercher un point de croissance supplémentaire. Et tout cela, Borne ne semble même pas l’imaginer.

L'objectif d'une politique stratégique intelligente, ça serait de réussir le nouveau modèle de croissance écologique que je propose, tout en éliminant, rapidement la moitié des huit à neuf points supplémentaires de dépense publique que l’on a par rapport à la moyenne des autres pays de la zone euro. Si vous faites les deux et obtenez effectivement la baisse de 4 points de la dépense publique, à prélèvement constant, vous pouvez en un quinquennat revenir à un déficit autour d'un demi-point de PIB. Et là vous enclenchez une baisse rapide du ratio d'endettement sur PIB et vous retrouvez une confiance complète des marchés.

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