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De Gaulle, Pompidou et Chirac : 
aspirants de gauche
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Une droite un peu gauche

Classés à droite, ces trois Présidents ont pourtant débuté leur parcours politique à gauche. Extrait inédit de "Tintin est-il de gauche ? Astérix est-il de droite ?" d'Isabelle Frinquet-Paturle et Jérémy Patinier.

Isabelle Fringuet-Paturle

Isabelle Fringuet-Paturle

Journaliste et française de l'étranger. Elle a cofondé le groupe Planet SA.

Ses derniers livres : Petit guide de survie dans la crise au quotidien (Roularta L'Express) et Tintin est-il de gauche ? Astérix est-il de droite ? avec Jérémy Patinier (Editions de l'Opportun)

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"La droite vend des promesses et ne les tient pas, la gauche vend de l'espoir et le brise."
Michel Colucci, dit Coluche

Symboles de la droite sous la Ve République, Charles de Gaulle, Georges Pompidou et Jacques Chirac cumulent quelques 25 années de présidence de droite, la quasi-moitié de cette constitution instaurée le 5 octobre 1958, il y a 54 ans… Et pourtant, autre dénominateur commun à ces trois Présidents emblématiques, ils sont tous eu une jeunesse imprégnée d'une idéologie de gauch

Charles de Gaulle. Hé oui, le Général fut un chrétien de gauche. Catholique de gauche, il sera adhérent à Jeune République, à Revues Seop, au Temps Présent et sera militant dans des milieux "non-conformistes" dont Ordre nouveau. Il a aussi adhéré avant-guerre au Cercle des Amis de Temps Présent. Explications de Chantal Morelle, professeur d’histoire en classes préparatoires aux grandes écoles, spécialiste du gaullisme, qui fut chargée du service des Etudes et des Recherches à la Fondation Charles de Gaulle dans une interview pour Atlantico du 23 juillet 2011 :

"Son origine familiale, son éducation, sa culture faisait de lui un homme de droite, et même de la droite autoritaire, bonapartiste, favorable au régime présidentiel plutôt qu’au parlementarisme, tout en étant respectueux de la démocratie ; mais il était marqué par le christianisme social de la deuxième moitié du XIXe et du XXe siècle, d’où sa volonté de mener une politique plus sociale que beaucoup de gens de droite - “la seule querelle qui vaille est celle de l’homme” disait-il.".

Charles de Gaulle est en effet très sensible aux réflexions et initiatives de Léon Harmel (1829-1915), démocrate chrétien qui revendique la responsabilité de l'État dans l'ordre de la justice sociale. 

A la fin de la guerre, le 31 août 1944, le Gouvernement Provisoire de la République Française (GPRF), est transféré à Paris. Le gouvernement d'unité nationale est constitué dès le 9 septembre 1944. Il sera présidé par de Gaulle, avec des ministres socialistes (Mendès France, Auriol,…) et des communistes sur deux mandats et jusqu'en janvier 1946. L'Assemblée constituante sera élue un an plus tard, en octobre 1945. C'est alors que le Général applique ce que l'on peut qualifier une politique de gauche : le droit de vote aux femmes de France à la Libération, la création des comités d'entreprise, de l'école primaire unique, la sécurité sociale, création d'une taxe sur les loyers pour le Fonds national d'amélioration de l'habitat, sans oublier les fameuses nationalisations (Air France, Renault, les Houillières qui deviennent Charbonnages de France,…). 

Puis c'est "la traversée du désert" du Général… Jusqu'en 1958, où enfin soutenu par les partis de droite, il revient à la tête de l'Etat pour y mener désormais une politique de droite… Cela ne l'empêchera pas d'haranguer ses rangs endormis d'un "Attention ! Réveillez-vous ou je sors mes gaullistes de gauche". Il a inventé ce terme de "Gaullistes de gauche" à Alger en 1944 en déclarant tout de go à Philippe Dechartre: "Vous allez rencontrer Vallon et Capitant, ce sont des "gaullistes de gauche. Ils vous plairont.".
Plusieurs mouvements illustreront le Gaullisme de gauche après 1958 : Le mouvement pour la Communauté, l’Union Démocratique du Travail, (UDT), le Centre de la Réforme Républicaine (C.R.R.), l’Union de la Gauche Ve République (UGVe), Le mouvement pour la Solidarité par la Participation (M.S.P). Ils s'inscrivent dans "une troisième voie sociale", allant jusqu'au pancapitalisme de Marcel Loichot, conseiller du Général, qui préconisait une distribution du capital des entreprises aux mains de leurs salariés au travers d'une allocation d'actions…
Parmi ces "Gaullistes de gauche", quelques noms sont connus : Jean-Claude Servant Schreiber, Maurice Schumann, Edgar Faure, Jacques Chaban-Delmas… Il est aussi de notoriété publique qu'ils ont ensuite fondé le "Gaullisme social", moins marqué à gauche, plus inscrit dans le libéralisme marchand…

En juin 2011, Bernard Reygrobellet, Président du Club Nouveau Siècle, expression contemporaine des Gaullistes de gauche s'inscrivant dans la célèbre formule du Général : "Il n’y a qu’une seule querelle qui vaille, c’est celle de l’homme", signe une Contribution au projet 2012 de la Majorité présidentielle intitulée "Pour une société plus juste et plus solidaire dans une France qui gagne". Il y affirme que "La tradition sociale française est fondée sur le rôle de l’Etat régulateur garant de l’égalité des chances. Le gaullisme de gauche c’est la déclinaison sociale de l’économie avec une devise : le progrès économique est essentiel, mais sa finalité est le progrès social."

Pas si facile, car comme disait le Général : "Etre gaulliste c’est difficile… être de gauche c’est très difficile aussi… alors ! gaulliste de gauche !"
Et après ? Hé bien après le Général a tranché : "C'est pas la gauche, c'est pas la droite la France", a-t-il affirmé le 15 décembre dans un discours de campagne 2ème tour de l'élection Présidentielle de 1965…

Georges Pompidou. Néogaulliste, le quatrième Président de la Ve a été Faucon rouge et de ces jeunes intellectuels qui ont relancé la section jeune de la SFIO à la fin des années 20 aux côtés de Claude Levi Strauss et Léopold Sédar-Senghor. Il s’engagera d'ailleurs aux Étudiants socialistes en juillet 1930 avec eux.
Senghor, poète et politique sénégalais et Académicien, se plaisait à rappeler que "L'influence de Georges Pompidousur moi a été, ici, prépondérante. C'est lui qui m'a converti au socialisme, qui m'a fait aimer Barrès, Proust, Gide, Baudelaire, Rimbaud, qui m'a donné le goût du théâtre et des musées. Et aussi le goût de Paris… ", dans Liberté 1, Négritude et humanisme(édition Le Seuil, 1964).
A noter, Georges Pompidou ne sera pas considéré comme un gaulliste de gauche car trop conservateur…

Jacques Chirac avait à peine vingt ans quand il est rentré à l'Institut d'études politiques de Paris. C’est à cette époque qu’il milite dans la mouvance du Parti communiste, vend L'Humanité, et participe au moins à une réunion de cellule communiste.
En 1950, il signe l'Appel de Stockholm contre l'armement nucléaire, d'inspiration communiste…
Il ne cache pas ces faits et au contraire, et même en parle volontiers à l’occasion d’interviews en ponctuant la chose de sa célèbre sentence "Là où il y a une volonté, il y a un chemin"…

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Tintin est-il de gauche ? Astérix est-il de droite ?Editions de l'Opportun (2 février 2012)

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