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Changement de tête à la FED : Jerome Powell succède à Janet Yellen
©Wikipédia commons

Suspens

Jerome Powell vient d'être nommé à la tête de la Réserve fédérale des Etats Unis, succédant ainsi à Janet Yellen, dont le seul "méfait" semble être son attachement au parti démocrate.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Atlantico : Malgré une éviction qui semble peu fondée, peut on dire que la nomination de Jerome Powell reste une bonne nouvelle pour l'économie américaine, et donc mondiale ? 

Jean-Paul Betbeze : Pas facile de répondre, car la liste des nominations aux postes vacants n’est pas close ! Les commentaires vont donc aller bon train ! Certains, en attendant, vont annoncer des risques d’instabilité majeurs. D’autres vont mettre en avant le fait que Jerome Powell était déjà là, depuis le 25 mai 2012, et bien là puisqu’il a été renommé le 16 juin 2014 pour quatorze ans, jusqu’au 31 janvier 2028 ! On ajoutera que c’est un avocat, un ancien (riche) banquier, à côté de son appartenance politique. « Il apportera… une perspective du monde réel » ajoute Donald Trump, ce que les universitaires de la Fed ont dû apprécier.

Pour les uns, c’est surtout le risque d’un Républicain qui va vouloir déréglementer la banque, pour renforcer en cela Randal Quarles. Il vient d’être nommé par Donald Trump et accepté par le Congrès le 13 octobre 2017 (jusqu’en 2021), avec le titre (nouveau) de Vice-Président en charge de la supervision. Il serait trop malléable aux idées de Donald Trump, avec le risque de fragiliser l’économie en poussant trop le crédit bancaire, et donc l’inflation.

Pour les autres, c’est l’avantage d’un businessman, qui connaît la banque de l’intérieur. Mieux, il serait peut-être moins opiniâtre qu’un économiste de profession et pourrait aider ainsi à construire des consensus.

Sauf si c’est une girouette ballottée par les membres du Comité qu’il est censé présider ! En effet, le Comité était sous la forte influence de Janet Yellen, qui pourrait partir, et plus encore de Stanley Fischer, parti depuis mi-octobre. Comment le board du Comité de politique monétaire va-t-il donc se reconstruire ? Il compte 7 membres « centraux » (nommés par le Président et validés par le Sénat) et cinq membres « régionaux » : le Président de la Banque fédérale de réserve de New York et quatre autres qui votent pendant un an, par rotation sur les onze Présidents de banque régionale. Il faut donc que Donald Trump complète les nominations  pour remplir les trois postes « centraux » qui restent vacants - en supposant que Janet Yellen reste et que Lael Brainard ne claque pas la porte !

Cette nomination peut donc être vécue comme « une bonne nouvelle » si la hausse des taux courts se poursuit lentement, comme avant, et comme ce que Jerome Powell a d’ailleurs toujours suivi. Mais alors, pourquoi ne pas reconduire Janet Yellen ! C’est bien que Donald Trump a un autre agenda en tête. Les marchés ne seront pas rassurés avant que Jerome Powell ne le leur livre, quand il sera auditionné au Congrès ! Et ceci, en attendant l’économiste qui devrait l’accompagner !

Alors que le parti républicain est généralement associé aux "faucons" de la réserve fédérale des Etats Unis, peut on dire que Donald Trump marque ici une rupture avec le passé, en nommant un représentant plutôt vu comme un membre des "colombes" monétaires ? 

Les Républicains veulent en général peu d’inflation, un déficit budgétaire sous contrôle et une ouverture aux échanges : Donald Trump fait donc changer leur doctrine ! Et ces mêmes Républicains classiques, ne sont pas très favorables à ce que la Banque centrale achète des bons du trésor, ce qu’a pourtant fait un des leurs, Ben Bernanke, avec le quantitative easing ! En fait, Bernanke voulait éviter une réédition d’une crise mondiale majeure, comme en 1929, et sa solution a été reprise dans le monde entier. A raison. Ensuite, la lente remontée des taux, puis la réduction du portefeuille début 2018, ont fait l’objet d’un large consensus – Jerome Powell y compris donc… Il a suivi un Républicain, suivi lui-même par une Démocrate !

A quoi peut on s'attendre pour la politique monétaire d'une FED dirigée par Jerome Powell ? 

Ce que l’on attend aujourd’hui, sans savoir ce que prépare Donald Trump en matière fiscale, c’est une montée des taux lente, comme ce qu’aurait fait Janet Yellen ! Elle va monter les taux en décembre, sa dernière décision présidentielle. Ensuite, on attend deux hausses par an, avec la réduction du portefeuille, ce qui fera monter les taux courts, les taux longs et le dollar ! Tout est affaire de lenteur et d’explications !

Mais, a priori, ce n’est pas du tout ce que cherche Donald Trump ! Il veut plus de croissance, vers 3,5%, avec le soutien de la politique fiscale expansionniste qu’il instaure, avec des baisses des taux d’imposition sur les ménages et les entreprises. En plus, il veut moins de réglementation bancaire, donc plus de crédits accordés par les banques régionales et plus d’opérations menées par les banques d’affaires, avec un assouplissement de la règle Volcker. Donc pousser encore la machine !

Un « vrai Républicain » ne serait pas favorable à ce creusement du déficit budgétaire, surtout en plein emploi, avec une politique fiscale expansionniste. Du jamais vu, pour soutenir les profits, la bourse et l’emploi, dans cet ordre. Soutenir l’emploi dans une économie où le taux de chômage est à 4,2% !

Le risque est donc la montée de l’inflation, après celle des salaires, pour mener plus d’Américains sur le marché du travail. Ceci est d’autant plus vraisemblable que Donald Trump mène aussi des actions protectionnistes (pas « très Républicain » non plus), donc inflationnistes. Et donc le risque est majeur d’un krach obligataire, si le marché, où les taux longs sont à 2,3% pour une inflation sous-jacente à 1,5% se rend compte que la Fed vise 2,5% d’inflation, ce qui fait passer les taux longs à 3,5% ! C’est le krach obligataire, suivi du krach boursier, suivi de la récession.

Jerome Powell est au courant, les marchés vont le lui rappeler tout le temps. Il faudra donc que Donald Trump trouve un économiste Républicain très colombe, pas comme John Taylor qui voudrait des taux courts à 3,5% rapidement, sauf si John Taylor, lui aussi, accepte de s’adoucir. On ne sait jamais avec l’attrait des titres et du pouvoir (il ne s’agit pas d’argent, car le poste est très mal payé) ! Au fond, c’est Jerome Powell qui va souffrir et Janet Yellen qui part, victime, en plein gloire. Elle pourra faire des conférences bien payées ! Et nous voir comment Jerome Powell tempère les ardeurs de Donald Trump : pour la croissance de tous, il vaut mieux qu’il réussisse !

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