Changement de frontières dans la Baltique : cette étrange opération de la Russie vis-à-vis de la Finlande<!-- --> | Atlantico.fr
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La Finlande et la Lituanie accusent la Russie de mener une guerre hybride dans la Baltique.
La Finlande et la Lituanie accusent la Russie de mener une guerre hybride dans la Baltique.
©Mikhail Klimentyev / Sputnik / AFP

Confrontations avec l'Occident

Le ministère russe de la Défense a publié une carte redéfinissant son espace maritime dans la Baltique en changeant les frontières maritimes avec la Lituanie et la Finlande. Ce projet de décret a été retiré du site du gouvernement qui a fini par démentir toute tentative « de réviser ses frontières ».

Emil  Kastehelmi

Emil Kastehelmi

Emil Kastehelmi est un expert finlandais en histoire militaire et OSINT Analyst.

 

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Ici en Finlande, les dernières 24 heures ont été géopolitiquement inhabituelles.

Des informations en provenance de Russie suggèrent une volonté unilatérale de modifier les frontières maritimes russes dans le golfe de Finlande et près de Kaliningrad. Le gouvernement finlandais l'a appris par les médias.

Le gouvernement a essayé d'obtenir davantage d'informations, car les Russes n'en ont pas informé la Finlande.

Puis soudainement, la Russie est revenue sur sa position initiale et elle a annoncé qu’elle n’a plus l’ambition de contrôler ou de déplacer les frontières. Les hommes politiques finlandais ont assuré que la situation n’était pas dramatique. Cependant, cet incident doit être replacé dans son contexte. Pourquoi la Russie a-t-elle soudainement décidé de mener un tel projet ?

La Russie est une dictature qui considère la Finlande comme un pays hostile. Ces dernières années, elle a mené plusieurs opérations contre la Finlande, visant à porter atteinte aux fonctions sécuritaires ou sociétales.

Parmi les exemples d’attaques russes contre la Finlande figurent des opérations hybrides utilisant des migrations militarisées à la frontière, la destruction présumée d’infrastructures énergétiques critiques dans la mer Baltique, la guerre électronique comme le brouillage GPS et diverses cyberattaques.

Les modifications des limites des espaces maritimes ne sont pas exceptionnelles en soi, elles ont eu lieu pour la dernière fois entre la Finlande et la Russie en 2017.

Mais cette fois-ci, il y a de bonnes raisons d’interpréter les actions russes avant tout comme des provocations.

La Russie n’a en aucune manière informé les dirigeants ou les autorités finlandaises de ses projets. Cela a probablement été fait parce que la Russie voulait voir comment la Finlande réagissait. La Russie n’a pas publié d’informations supplémentaires sur ses objectifs, même si une question aussi sensible l’exigeait.

La confusion a été volontairement entretenue.

La Russie aurait pu publier des cartes et des coordonnées des changements de frontière qu’elle prévoyait, mais elle a laissé perdurer la situation dans le flou. Sans plus d’explications, les responsables ont ensuite retiré d’Internet les documents sur le sujet.

Dans l’ensemble, il ne s’agissait pas d’une interaction diplomatique ordinaire mais d’une provocation délibérée, d’une manœuvre calculée.

Peut-être la Russie voulait-elle montrer qu’elle ne craint pas l’Occident et que l’adhésion à l’OTAN ne signifie pas qu’un pays est à l’abri de revendications territoriales arbitraires ?

L’Occident peut en effet être considéré comme faible. En Ukraine, l’Occident s’est plié à plusieurs reprises aux lignes rouges russes et est prêt à sacrifier indirectement des dizaines de milliers de soldats ukrainiens par crainte d’une escalade. Le Kremlin se moque des lâches et intensifie encore l’escalade des tensions ailleurs.

La Russie veut constamment tester les frontières occidentales. La Russie cherche à savoir jusqu’où elle peut aller dans les provocations et comment l’Occident y réagit. Métaphoriquement, il s'agit de voir jusqu'où elle peut pousser la baïonnette avant de toucher l'acier.

L'acier pourrait être proposé à la Russie actuellement en Ukraine. Les actions en Ukraine affectent également la façon dont la Russie perçoit l’Occident dans d’autres domaines. Cependant, l’Occident a choisi une voie dans laquelle il se demande encore si les armes occidentales à longue portée peuvent être utilisées pour frapper le territoire russe.

Pour vaincre les forces armées russes, l’Ukraine aurait besoin de soldats occidentaux sur son sol, mais cette idée à elle seule suscite des positions confuses et peu claires de la part des dirigeants politiques.

Si une dictature agressive ne frappait pas occasionnellement un tel adversaire, ce serait étonnant.

Des commentaires surprenants ont émergé sur la question des frontières maritimes.

Par exemple, le président de la commission des Affaires étrangères, Kimmo Kiljunen, a déclaré qu'il ne pouvait être dans l'intérêt de la Russie d'avoir un voisin de l'OTAN problématique au lieu d'entretenir des relations de bon voisinage.

Il parle de la même Russie, contre laquelle une nouvelle loi sur les frontières est en cours d’élaboration pour les actions hostiles.

De nombreux hommes politiques ont déclaré que les décisions sont prises uniquement sur la base de faits et que davantage d’informations sont nécessaires. Il s’agissait apparemment d’une déclaration rassurante. En réalité, ce n'était pas le cas.

L’absence de faits et d’informations, surtout dans ce contexte, n’est pas une situation normale, mais un acte délibéré de la Russie. Il s'agit d'un effort visant à contrôler l'espace d'information et à semer davantage de confusion. Les politiques devraient le comprendre.

Et comment la Russie a-t-elle commenté cela ?

Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov, a nié que le projet de frontière maritime soit politique, mais a noté que "le niveau accru de tension et de confrontation nécessite des actions appropriées de la part de la Russie pour assurer la sécurité".

La Russie ne dispose pas d’outils immédiats pour aller plus loin dans ce sens. Il semble qu'elle ait eu la réaction souhaitée et n'ait pas voulu continuer avec d'autres réclamations.

Cependant, je suis certain que la Russie tentera d'autres provocations à l'avenir.

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