Cessons de brandir la taxe carbone comme l’ail face au vampire<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Environnement
Cessons de brandir la taxe carbone comme l’ail face au vampire
©GREG WOOD / AFP

Bonnes feuilles

Dans son ouvrage, "Toutes ces idées qui nous gâchent la vie. Alimentation, climat, santé, progrès, écologie…" (ed. JC Lattès), Sylvie Brunel assure que le monde se transforme, mais il n’est pas pire qu’hier. C’est même plutôt l’inverse : les choses vont en s’améliorant, contrairement aux discours toujours accusateurs des tenants de l’apocalypse, cette science de l’effondrement annoncé qui a désormais un nom : la collapsologie… 2/2

Sylvie Brunel

Sylvie Brunel

Sylvie Brunel, Geographe, Ecrivain, spécialiste des questions agricoles, a notamment publié "Nourrir, cessons de maltraiter ceux qui nous font vivre" (Buchet-Chastel), grand prix du livre eco 2023. Et "Sa Majesté le Maïs" (le Rocher) parution le 14 février 2024. 

Voir la bio »

Cessons de brandir la taxe carbone comme l’ail face au vampire. Le carbone n’est pas l’ennemi, pas le « pollueur », mais la vie. Nous sommes tous composés d’atomes de carbone. Tous les organismes vivants. Pourquoi avons-nous décidé soudain d’en faire l’ennemi à abattre, quand il permet aux plantes de pousser, à la vie sur terre de prospérer ? Mener la guerre au carbone, c’est oublier que nous lui devons tout. La réduction des gaz à effet de serre, dite aussi mitigation ? Oui bien sûr, parce qu’elle entraîne du progrès technique, une gestion plus intelligente des ressources, un aménagement mieux pensé des territoires… mais mollo : imposer sacrifices et pénuries à toute une partie de l’humanité, qui sort à peine de la survie, c’est indécent.

Si les solutions sont meilleures et moins chères, on les adoptera spontanément. Sinon, elles ne peuvent susciter que rejet et colère. On ne se déplace plus à cheval dans les pays riches (mais toujours en charrette dans bien des pays pauvres), pas parce que les chevaux ont été interdits, mais parce qu’à un moment donné, il est apparu débile de continuer à circuler à dos de canasson, (sauf pour son plaisir, et tant que les antispécistes l’autorisent encore). Aussi longtemps que les vendeurs de voitures électriques nous prendront pour des billes, avec le coût éhonté de leurs véhicules, leur autonomie misérable, tellement inférieure aux chiffres annoncés – et si vous devez grimper une montagne, attendez-vous à pousser car les batteries, pour l’instant, se déchargent à toute vitesse –, le moteur thermique continuera de régner, même diesel, cette énergie conspuée après avoir été louée, tandis que l’éthanol, énergie de nouveau louée après avoir été conspuée, la remplace désormais dans les incitations de la fiscalité publique. Cette versatilité a quelque chose d’horripilant lorsqu’on sait que l’achat d’une voiture est un choix qui engage la plupart des familles pour près de dix ans et nécessite des emprunts coûteux, à la fois pour acquérir le véhicule et pour assurer des frais d’entretien et de fonctionnement importants.

À quoi sert d’obliger les gens à changer de véhicule par des méthodes coercitives, fondées sur l’interdiction prochaine de pénétrer dans les villes avec leurs véhicules devenus indésirables et sur une taxation prétendument à visée écologique de plus en plus lourde, quand la somme des efforts consentis aboutira au mieux à réduire de 20 % nos émissions de CO2 ? Alors que la France ne représente déjà que 1 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre ? Nous allons passer de 1 % à 0,8 %. Et le climat va changer grâce à cette débauche inouïe de contraintes et de sacrifices ? Mais de qui se moque-t-on ! À quoi sert d’interdire les véhicules au diesel quand cela aboutit juste à déplacer dans les pays voisins les émissions jugées indésirables ? L’Allemagne se détourne du diesel ? La Pologne rachète à tour de bras les véhicules remisés ! Elle continue d’ailleurs à faire tourner ses centrales au charbon, une énergie quasi inépuisable et bon marché, qu’en Australie, aux États-Unis, en Chine, grands détenteurs de réserves gigantesques, on cherche à transformer pour la rendre propre, en captant ses émissions de CO2 pour les liquéfier et les transformer à leur tour en énergie.

À quoi sert de maltraiter les gens quand le CO2 déjà présent dans l’atmosphère va de toute façon y rester un siècle ? Ne vaudrait-il pas mieux mettre le paquet sur les politiques d’adaptation, qui ne reçoivent pour l’instant que le quart des financements, alors qu’elles sont vitales pour la vie de millions de gens au quotidien ? Pourquoi sacrifier au nom de maux futurs le présent de personnes qui souffrent déjà aujourd’hui de bien des difficultés ?

Curieusement, il n’y a jamais eu plus de publicités pour les voitures à la télé. Tous les constructeurs rivalisent d’ingéniosité pour nous pousser à changer de modèles et l’obsolescence programmée se déploie de toute son obscénité. Si les industriels proposent demain des véhicules plus efficaces et moins coûteux aux classes moyennes, celles-ci les adopteront d’elles-mêmes, sans qu’on ait besoin de les y forcer, méthode impopulaire et peu démocratique ! Si demain le monde entier passe  à  une nouvelle source d’énergie, l’hydrogène par exemple (les Émirats du Golfe sont en train de le tester), parce que c’est devenu plus pratique, plus accessible, plus sûr, plus efficace, et surtout moins coûteux, l’énergie sera inépuisable et propre. Pourquoi pourrir aujourd’hui la vie des propriétaires de véhicules diesel ? Les nouvelles classes moyennes passeront directement à la mobilité à l’hydrogène, dans des véhicules autonomes, partagés et propres. Comme elles sont passées directement en Afrique au téléphone portable sans passer par le téléphone fixe. Il n’y aura plus que quelques réfractaires, qui feront tourner en Occident quelques vieux moulins de collection, comme aujourd’hui certains s’amusent à exhiber les machins bruyants et gourmands des années soixante. Est-ce qu’on se souvient que la Belgique, au moment du début de la crise de l’énergie, quand les pays arabes avaient décidé de quadrupler le prix du pétrole, en représailles contre le soutien apporté par l’Occident à Israël dans la guerre du Kippour, avait carrément décidé d’interdire à sa population de rouler le dimanche ? C’est à ce moment-là que la France a mis en service son programme nucléaire, parce qu’on n’avait pas de pétrole mais des idées, ce qui nous a permis de produire l’une des électricités les plus « propres » du monde, du moins si l’on ne retient que le critère des émissions de CO2. Et promouvoir la voiture électrique, c’est promouvoir le nucléaire. Il faut tenir un discours cohérent : si les Français écoutent leur gouvernement et choisissent de passer massivement à la voiture électrique, comme il les y incite par diverses primes, il faut équiper tout le territoire français de bornes de recharge rapides et puissantes. Qui produira toute l’électricité nécessaire ? Ces 58 réacteurs nucléaires français que les écologistes conspuent ? La technologie du solaire dominée, comme les batteries de ces voitures électriques, par la Chine ? Quel pays peut sereinement s’engager sur des choix industriels qui remettent à terme en cause sa souveraineté ? L’équation appliquée comme un catéchisme par la communauté internationale, qui consiste à croire que rester en dessous de 450 ppm de CO2 dans l’atmosphère avant 2030 signifie limiter le réchauffement climatique à 1,5 degré, ressemble à la danse de la pluie des peuples dits premiers, certes revenus en grâce à la faveur du nouveau mantra écologique. Et comme c’est impossible dans le temps imparti – même si ça va se faire, forcément, parce que la technologie évolue et que le moteur thermique n’aura qu’un temps, comme les déplacements à cheval puis la machine à vapeur après eux –, on nous assène en permanence les prophéties les plus atroces, les plus démobilisatrices, que les faits démentent tout aussi régulièrement.

Tout comme il y a trente ans, on nous annonçait l’épuisement inéluctable des réserves de pétrole et de gaz, alors que le monde n’en a jamais eu autant, qu’on ne cesse de découvrir de nouveaux gisements, ce qui n’empêche d’ailleurs nullement les prix de rester élevés pour le consommateur du quotidien, parce qu’un grand nombre d’États fondent toujours leur train de vie dispendieux sur le prix du baril et que la fiscalité grève une économie qui n’a pas encore trouvé mieux. Dans l’affrontement entre les tenants des carburants fossiles et ceux de l’énergie renouvelable, il y a bien plus qu’un enjeu pour la planète, même si c’est ainsi qu’on nous le présente : il y a le choix des technologies et des dominations de demain.

Trump, Poutine, Xi Jinping, les trois maîtres du monde d’aujourd’hui, n’ont cure de l’écologie. Pour Poutine, le changement climatique est même une aubaine, qui lui ouvre l’accès aux ressources du pôle Nord et de nouvelles routes maritimes, libère des millions d’hectares de terres cultivables dans la toundra, desserre la contrainte du froid, qui gèle ses ports une partie de l’année, valorisant de nouvelles fenêtres maritimes septentrionales, dans la Baltique, en mer de Barents, de Kara, de Laptev, de Sibérie orientale, d’Okhotsk. Pourquoi vouloir le combattre ? Ce qui intéresse les aspirants à la domination du monde, c’est ce qui va leur permettre d’établir – ou de maintenir – leur puissance internationale, la paix sociale chez eux. Et dans ce jeu de quilles, l’Europe joue les idiotes utiles.

Retrouvez l'entretien de Sylvie Brunel sur Atlantico, publié ce dimanche 5 mai 2019

Extrait de "Toutes ces idées qui nous gâchent la vie.Alimentation, climat, santé, progrès, écologie…" de Sylvie Brunel, publié chez JC Lattès.

Lien direct vers la boutique Amazon : ICI

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !