Ces vérités scientifiques que nous enseigne Game of Thrones<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Culture
Ces vérités scientifiques que nous enseigne Game of Thrones
©Twitter

Réalité et fiction

Plusieurs éléments de Game of Thrones, même les plus mystiques, prennent leur source dans l'Histoire, en particulier dans le Moyen-Age.

Vincent   Colonna

Vincent Colonna

Vincent Colonna est consultant en séries télé. Il est l'auteur de deux volumes sur la technique narrative de la série télé : L'art des séries télé, tome 1 et 2, Payot éditeur.

Voir la bio »

Atlantico : Un article de Curiosity (lire ici, en anglais) détaille plusieurs éléments de Game of Thrones qui peuvent apparaître mystérieux mais ont en fait potentiellement déjà existé. Par exemple, le "feu grégois", qui rappelle un liquide inflammable à la composition inconnue utilisé au septième siècle par les soldats de l'Empire byzantin. D'autres éléments similaires vous frappent-t-ils, où une apparence quasi mystique peut relever de la science comme le feu grégois (acier valyrien, saisons...etc) ? 

Vincent Colonna : L’article de Ashley Hamer sur cinq motifs merveilleux de Game of throne, qui auraient en réalité un fondement scientifique s’explique à mon sens par la grande qualité de la série, très travaillée, et également par la qualité du roman-fleuve de Martin, qui trouve son inspiration dans les conflits dynastiques de l’Europe du Moyen-âge. Dans une interview, Martin a raconté qu’il s’était inspiré des Rois maudits, un cycle romanesque de Maurice Druon, qui met en scène les luttes pour occuper le trône de France, luttes qui conduisent directement à la guerre de 100 ans. Un fait qui me parait avoir un fondement scientifique, c’est la « lutte contre les morts » : le moyen age conservait de l’antiquité et du paganisme, l’idée qu’il fallait lutter contre les morts et des esprits du mal qui pouvaient apporter désolation et stérilité des récoltes. L’historien Carlo Ginzburg a bien détaillé la survivance de ces croyances dans son grand livre Le sabbat des sorcières (Gallimard, 1992)

Certaines actions peuvent-elles également trouver leur origine dans des faits historiques, comme la torture au Moyen-âge consistant à attacher un seau sur le corps d'un homme qu'on brûle afin que le rat déposé dedans creuse dans le corps de l'individu ? 

Effectivement le Moyen Age est présent en permanence dans la série, c’est le fond culturel, un immense réservoir thématique qui fournit les comportements, les habits, les objets, les décors, les rites liés à la chevalerie, les différentes religions, la géopolitique etc. Cet enracinement médiéval est caractéristique du genre fantasy (rappelons que Tolkien était un médiéviste, un universitaire spécialisé dans le langues et les littérature du Moyen age), mais dans Game of throne il atteint un niveau supérieur, ce qui permet de créer une fantasy pour adultes, qui figure des question éthiques et politiques très sérieuses, qu’on ne trouve pas habituellement dans la fantasy. Prenez la violence, ce n’est pas un fait seulement lié à la surenchère de la  télévision ; la culture de la violence est inhérente à la chanson de geste et aux épopées médiévales ; pour une raison simple, c’est que la chanson de geste est un genre militaire, un genre guerrier. Game of thrones recueille cet héritage et le transpose avec beaucoup de soins dans son propre univers.

Selon vous, y-a-t-il une cohérence culturelle dans ces références utilisées par George. R.Martin ou ses choix relèvent-t-il simplement de besoins narratifs ?

Il y a une très forte cohérence culturelle dans l’univers de  George. R. Martin et de la série, il a réussi à créer une version-monde consistante et plausible, comme n’importe quelle œuvre d’art d’importance, qu’elle soit un roman, un film ou un tableau ;  mais cette cohérence n’est pas plaquée de l’extérieur, ne consiste pas en une « doctrine a priori » qu’aurait eu l’écrivain. Cette cohérence a muri progressivement au cours de l’écriture de son cycle romanesque, en résolvant de multiples problèmes narratifs. Bien sûr Martin avait des sympathies et des goûts avant d’élaborer son cycle : sympathie pour des cultures archaïques et minoritaires, gout du Moyen age violent et exubérant, des intrigues ramifiées etc. Mais c’est ensuite la rédaction qui l’a amené à fusionner toutes ces préférences en un ensemble culturel cohérent. Je ne pense pas que l’on puisse opposer « besoins narratifs » et « cohérence culturelle » ; ils appartiennent à des plan de réalité différents, disjoints ; les « besoins narratifs » appartement au plan génétique, au processus de création ; la « cohérence culturelle » au plan de l’œuvre aboutie, du résultat tel que nous le public, le percevons.

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !