Ce que Viva Tech 2023 nous dit de l’état de l’innovation en France (et de nos espoirs de souveraineté stratégique…) <!-- --> | Atlantico.fr
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Des visiteurs arrivent au salon des startups et de l'innovation VivaTech à Paris, le 14 juin 2023.
Des visiteurs arrivent au salon des startups et de l'innovation VivaTech à Paris, le 14 juin 2023.
©LUDOVIC MARIN / AFP

Investissements et technologies

La 17 ème édition de VivaTech, l'événement start-up et tech majeur en Europe, se déroule à Paris du 14 au 17 juin à la Porte de Versailles. Quel est aujourd’hui l’écosystème des start-ups françaises ? Ont-elles la capacité de devenir des licornes ?

Charles-Edouard de Cazalet

Charles-Edouard de Cazalet est Directeur associé de Sogedev – EPSA Innovation.

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Atlantico: VivaTech, le rendez-vous mondial des start-up et leaders de la tech, s'est ouvert le mercredi 14 juin à Paris. Quel est aujourd’hui l’écosystème des start-ups françaises ? Quels sont les secteurs d'implantation les plus importants ?

Charles-Edouard de Cazalet : Il y a environ 20 000 start-up en France. Sur ces 20 000, elles ont levé environ 13,5 milliards d'euros lors des levées de fonds de l'année précédente, ce qui représente une augmentation de 17%. En ce qui concerne les chiffres, nous avons actuellement vingt-neuf licornes en France, et en termes de localisation géographique, environ la moitié des start-up est située en Île-de-France. Ainsi, l'écosystème des start-up est actif à la fois à Paris et dans les autres régions. En ce qui concerne les secteurs d'activité, il est difficile de donner des chiffres précis, mais les domaines dominants incluent le e-commerce, les logiciels et l'intelligence artificielle.

Quelles sont, selon vous, les forces et les faiblesses de l'innovation française dans différents domaines, en particulier dans les start-up ?

Parmi les forces, nous voyons depuis plusieurs années une capacité à s’internationaliser, en particulier avec la réussite des scale-up ou licornes qui se sont rapidement tournées vers d’autres marchés à l’étranger. Un autre point fort est la qualité des entrepreneurs et des équipes qui caractérise bon nombre de start-up françaises, ce qui permet d’avoir des croissances et des adaptations plus rapides selon les marchés adressés. De plus, nous avons constaté une augmentation du montant des levées de fonds, avec des montants dépassant souvent les 10 millions d'euros et des levées de fonds plus importantes atteignant des centaines de millions d'euros. Bien que nous ne soyons pas encore au niveau des États-Unis, nous nous rapprochons de leurs standards. Un troisième point fort est l'excellence scientifique en France, grâce à la formation d'ingénieurs de haute qualité et à la présence de laboratoires de recherche de renommée mondiale. En ce qui concerne les faiblesses, le marché français reste relativement petit, ce qui limite les opportunités de croissance pour celles qui restent uniquement sur le territoire. L'absence d'un marché boursier solide pour les introductions en bourse est également un inconvénient, car cela freine le développement des start-up françaises et leur accès à des financements importants et une visibilité accrue.

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Il existe une culture entrepreneuriale en France qui encourage la prise de risques et l'innovation. Les entrepreneurs sont soutenus par des programmes gouvernementaux, des incubateurs, des accélérateurs et des réseaux d'investisseurs qui les aident à développer leurs compétences et à accéder aux ressources nécessaires. Ils bénéficient également de la collaboration avec d'autres entrepreneurs, ce qui favorise les échanges de connaissances et les opportunités de partenariat.

Cependant, il est important de noter que la professionnalisation des entrepreneurs ne se limite pas seulement à leur expertise technique. Ces dernières années, ils ont également considérablement augmenté leurs compétences de conduite des opérations, en finance, en marketing et en développement commercial. Ces compétences leur permettent de transformer leurs idées novatrices en produits ou services viables, de gérer efficacement leurs opérations et de convaincre les investisseurs et les partenaires de les soutenir.

Quels sont les secteurs où la France accuse un retard notable ?

Il y a certains secteurs dans lesquels nous sommes en retard. Parlons du Big Data, par exemple. C'est un domaine sur lequel nous avons pris du retard en termes d'investissements, notamment dans les infrastructures nécessaires pour capter et analyser ses données. Les Américains, comme Amazon, ont une avance considérable en matière de capacités et de puissance dans ce domaine. Même si nous avons des compétences en France, nous restons relativement faibles par rapport aux Américains en termes de traitement et de collecte de données, car plus nous avons de données, plus elles ont de valeur. Donc, notre capacité à collecter ces données et à les traiter est encore limitée. Un autre domaine dans lequel nous sommes en retard est l'intelligence artificielle, bien que nous ayons encore une fois d’excellentes compétences. C'est une tendance majeure dans le domaine technologique. Nous avons observé des progrès significatifs dans ce domaine, mis en avant aux yeux du grand public par l’arrivée de ChatGPT, qui a véritablement bouleversé le monde de l'intelligence artificielle. De nombreuses entreprises, qui étaient auparavant en retrait et plutôt spectatrices sur ces technologies, ont désormais élaboré des plans pour intégrer cette technologie et comprendre concrètement son impact positif ou négatif sur leurs activités. Aujourd'hui, nous assistons à une véritable ruée vers l'intelligence artificielle, avec deux catégories : celles qui intègrent l'intelligence artificielle dans leur fonctionnement sans pour autant développer elles-mêmes cette technologie, et celles qui conçoivent réellement des intelligences artificielles génératives. Nous avons eu la preuve de l’attractivité de cette 2ème catégorie avec la levée de fonds de 105 millons annoncée ce matin par la société Mistral AI.

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En revanche, il y a des secteurs d’activités où nous avons des champions mondiaux. Prenez par exemple BlaBlaCar, il y a peu d'équivalents dans le monde. Tant comme Veepee qui est un leader européen incontesté.

Les start-up françaises réussissent-elles à devenir des licornes ? En quoi cela peut-il toujours être difficile ?

Je pense qu'aujourd'hui, lorsque nous regardons en arrière, nous constatons que nous avons réussi à atteindre les objectifs fixés par Emmanuel Macron, qui visait à avoir vingt-cinq licornes d'ici 2025. Nous en comptons déjà vingt-neuf. Dans l'ensemble, je dirais que nous sommes plutôt bien positionnés pour remporter des victoires. 

Si nous examinons les startups françaises les plus valorisées, nous parlons de quelques milliards d'euros, ce qui est déjà une très bonne tendance. Cependant, nous sommes encore loin des valorisations de plusieurs dizaines ou centaines de milliards d'euros que l'on peut trouver ailleurs, notamment aux USA. Mais il est important de noter que la tendance est positive. Nous avons réussi à passer d'un environnement startup embryonnaire en France il y a quelques années à un environnement startup français qui connaît un succès international, avec des licornes qui rivalisent avec les meilleures.

Sur les projets portés par cet écosystème innovant, arrive-t-on à avoir une véritable originalité, des idées Made In France, ou est-ce qu’on reproduit ce qui se fait ailleurs et notamment aux Etats-Unis ? 

Lorsque nous examinons la liste des licornes, nous constatons que bon nombre d'entre elles proposent des concepts innovants et uniques, qui ne sont pas souvent discutés ailleurs dans le monde. Nous avons des réussites remarquables des entreprises de renommée mondiale dans le domaine des NFT et du sport, comme Sorare, qui semblent inégalées ailleurs. Nous avons également des sociétés telles que BlaBlaCar, qui ont réussi à créer des modèles uniques. La France est dotée de nombreuses start-up représentant un véritable esprit d'innovation et des idées novatrices par rapport à nos concurrents. Nous avons cette capacité à générer des idées et des ruptures.

La France est souvent mentionnée dans les discours politiques lorsqu'il est question de recherche d'une souveraineté stratégique dans le domaine de l'innovation. Est-ce que la situation de l'innovation en France permet d'atteindre cet objectif d'indépendance et de souveraineté ?

Atteindre une souveraineté industrielle ou technologique dans tous les domaines ne sera pas facile, mais il existe certains secteurs où cela est possible. Nous disposons déjà de champions nationaux et internationaux, ainsi que de compétences scientifiques très solides, notamment dans les mathématiques et l'intelligence artificielle. Il est important de créer un cadre propice à leur développement en facilitant le financement et en mettant en place une réglementation qui protège tout en permettant une concurrence équitable. 

Le financement reste un défi dans tous les secteurs. Si nous souhaitons que nos secteurs d'activité deviennent des acteurs mondiaux, il est crucial de mobiliser des ressources financières, qu'elles soient privées ou publiques. Les pouvoirs publics doivent accompagner ces initiatives, en particulier dans les domaines de l'énergie et des technologies, en libérant les capitaux nécessaires et en simplifiant les procédures administratives. Il est important d'avoir une réglementation qui protège, tout en étant agile et en permettant une réactivité, afin de rester compétitifs par rapport à nos concurrents internationaux.

Malgré les défis posés par les deux superpuissances, en particulier les États-Unis, est-il possible de combler notre retard en investissant massivement et en assouplissant la réglementation ?

Nous sommes engagés dans une bataille mondiale ardue. Il y a peu de secteurs où nous sommes les premiers, mais cela ne signifie pas que nous ne pouvons pas réussir. Nous devons faire preuve d'agilité, d'intelligence et d’audace, ce qui caractérise les entrepreneurs. Bien sûr, il y a aussi des secteurs où nous sommes leaders et nous devons renforcer nos positions. Il est donc possible de combler le retard, mais cela dépend des choix stratégiques qui seront faits, que ce soit au niveau français ou européens. 

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