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Ce que pourront nous apprendre les trois missions spatiales qui partent pour Mars en juillet
©KARIM SAHIB / AFP

Coopération spatiale

La fin du mois de juillet sera placée sous le signe des sciences, avec le lancement de trois missions vers la planète rouge : une émiratie, ce dimanche soir, une chinoise le 23 et une américaine le 30.

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy

Olivier Sanguy est spécialiste de l’astronautique et rédacteur en chef du site d’actualités spatiales de la Cité de l’espace à Toulouse.

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Atlantico : Développée par le Centre spatial Mohammed Bin Rashid à Dubaï, la sonde Hope s'envolera vers Mars ce dimanche soir (à 23h58, heure française) depuis le site de lancement de l'île de Tanegashima, au Japon, à bord d'un lanceur japonais H-IIA. Quels sont les enjeux techniques et politiques de cette mission spatiale émiratie vers Mars ?

Olivier Sanguy : Les enjeux techniques sont ceux d’une mission vers Mars. Atteindre la planète rouge avec un engin spatial reste difficile, même si les missions les plus récentes connaissent logiquement un taux de succès plus élevé que les premières tentatives. La sonde émiratie Hope devra tout d’abord, comme les autres engins de ce type, supporter un voyage de plusieurs mois puisque l’arrivée est prévue pour février 2021. L’insertion sur orbite autour de la planète rouge est une manœuvre délicate en elle-même et les erreurs de calculs ou de programmation de la sonde ne pardonnent pas ! La NASA a par exemple perdu sa sonde Mars Climate Orbiter en 1999 en raison d’une mauvaise coordination avec l’industriel Lockheed qui a fourni un logiciel basé sur les unités anglo-saxonnes au lieu du système métrique. Scientifiquement, Hope est équipée de trois instruments conçus pour étudier l’atmosphère martienne. Il est à noter que ces instruments sont fournis par deux universités américaines, l’University of Colorado Boulder et l’Arizona State University. D’ailleurs, la sonde elle-même a été fabriquée en collaboration avec ces deux universités plus celle de Californie à Berkeley. C’est là que, politiquement, la mission Hope prend toute son importance. Elle est donc basée sur une coopération technique et scientifique entre les Émirats Arabes Unis et les États-Unis. On pourrait y voir un aspect simpliste où l’UAE Space Agency, l’agence spatiale des Émirats Arabes Unis, achète une sonde aux États-Unis, mais c’est oublier que la gestion d’une mission spatiale demande énormément de compétences. Toute proportion gardée, ce n’est pas parce que vous pouvez acheter une voiture que vous savez la conduire. Donc, même si la sonde a une origine américaine pour sa fabrication, l’UAE Space Agency reste l’agence responsable de la mission ce qui demande de toute façon des compétences pointues en ingénierie et en science. D’ailleurs, les Émirats Arabes Unis ont clairement expliqué que cette mission faisait partie de leur volonté de participer à une société de la connaissance et d’investir de plus en plus dans la science. L’UAE Space Agency compte partager les données acquises par les instruments de Hope auprès de plus de 200 institutions scientifiques dans le monde et de façon gratuite. La portée géopolitique de type «soft power» est du coup évidente.

Pourquoi le lancement se fait-il au Japon ?

L’UAE Space Agency ne dispose pas d’un lanceur capable d’envoyer une sonde vers Mars. Donc, elle s’est tournée vers l’industriel Mitsubishi Heavy Industries qui gère le lanceur H-IIA employé par la JAXA, l’agence spatiale japonaise. C’est ce lanceur qui doit envoyer Hope vers sa destination.

Deux autres missions spatiales pour Mars auront lieu ces prochains jours : la Chinoise Tianwen qui sera lancée le 23 juillet depuis le cosmodrome de Wenchang, et l'Américaine Perseverance dont le départ depuis le Centre spatial Kennedy est prévu le 30 juillet. En quoi leurs enjeux diffèrent-ils de la mission spatiale émiratie ?

Pour les Émirats Arabes Unis, Hope fait partie des actions qui symbolisent leur volonté de s’inscrire dans une société de la connaissance et donc de dépasser le modèle actuel centré sur l’économie du pétrole. En terme d’image internationale, il s’agit aussi de montrer la volonté de cet État fédéral du Moyen-Orient d’investir dans la science, la technologie, l’éducation les universités, etc. L’UAE Space Agency a aussi, l’année dernière, organisé sa première mission habitée avec son astronaute Hazza Al Mansouri qui a passé une semaine à bord de la Station Spatiale Internationale. Ce vol a été mené avec l’agence spatiale russe Roscosmos puisque Hazza Al Mansouri est allé vers la station, et en est revenu, à bord d’un vaisseau Soyouz. Récemment, l’agence émiratie a procédé à une nouvelle sélection d’astronautes qui a vu 4305 personnes faire acte de candidature. Le communiqué soulignait que 1400 femmes se sont présentées, soit environ 33 %. Le spatial est donc aussi un moyen pour les Émirats Arabes Unis de lutter contre certains clichés les concernant.

Côté américain avec la mission Mars 2020 qui consiste à amener le rover Perseverance (une tonne, comme son prédécesseur Curiosity) sur la planète rouge, on retrouve aussi cet aspect «soft power» avec la volonté de continuer à être l’acteur principal de l’exploration planétaire en général et de Mars en particulier. De plus, la coopération existe sur Mars 2020 puisque par exemple l’instrument SuperCam, une caméra laser capable de déterminer la composition des roches et du sol à plusieurs mètres de distance, est une contribution française. La caméra-laser en elle-même est en effet fournie par l’agence française CNES et conçue par l’IRAP (Institut de Recherche en Astrophysique et Planétologie) de Toulouse.

Pour la Chine, la mission Tianwen-1 s’avère ambitieuse. L’agence chinoise compte en effet placer sur orbite une sonde qui larguera ensuite un atterrisseur chargé d’amener au sol un rover de 240 kg. C’est en quelque sorte une mission double puisque les Chinois disposeront alors en 2021 (ne pas oublier le temps du voyage) d’un orbiteur autour de la planète et d’un robot mobile, le rover, au sol. Là encore, on peut y voir un aspect «soft power» par lequel la Chine entend conforter sa position de puissance spatiale à part entière tout en démontrant les capacités de ses filières industrielles et universitaires.

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